C’est dans le groupe de travail : «cercle d’étude et de recherche droit et psychanalyse», qu’Elisabeth la Selve, que je remercie, m’a demandé de venir parler des notions d’égalité et de parité en mathématique.
Le nouveau projet de loi pour «l’égalité entre les femmes et les hommes» a été adopté par le sénat dernièrement.
Charles Melman a intitulé son propos lors d’une journée à sainte tulle « entre parité et différence dans la relation homme femme». Il nous rappelle que «Lacan à la suite de Freud a estimé que le malaise, le défaut de rapport correct, compatible, parfaitement satisfaisant entre homme et femme était la source majeure du malaise dans la culture et qu’un certain nombre de conséquences sociales s’en trouvaient ainsi déterminées.»
Il semble que cette tentative, légitime, de rendre hommes et femmes égaux tente, encore une fois, de répondre et de résoudre ce malaise.
«Egaux en droit» semble fonder notre citoyenneté.
Le droit, nous allons y revenir, se trouve ainsi dans une affinité particulière avec la question de l’égalité.Dans les textes de loi, le terme de parité est employée finalement assez rarement.
«Parité et égalité» sont des termes que nous trouvons associés, parfois confondus, parfois distingués. . Et c’est souvent, au nom de l’égalité que la parité est réclamée, voire exigée.
Alors nous pourrions nous demander, si parité il y a, que cherche-t-on à atteindre par la parité que l’égalité ne permettrait pas?
L’égalité se retrouve dans cette devise inscrite sur toute les mairies de France «Liberté, égalité, fraternité». Dans une commune non loin de Marseille, sur tous les moyens de transports en commun sont écrits à la manière d’un slogan«liberté, égalité, gratuité». Ca n’a pas été sans me surprendre. Je ne crois pas qu’on puisse dire que la fraternité soit troquée contre la gratuité, l’effet d’étonnement vient davantage du glissement d’égalité à gratuité et une gratuité sur fond de fraternité.
Nous pouvons dire que dans cette commune on accède à la possibilité de se déplacer gratuitement et pour tous. Il m’a semblé que dans cette commune, nous étions très moderne : Nous pouvons jouir d’un certain transport sans prix à payer.
Je vous propose, avant d’en venir aux mathématiques de revenir sur les journées à Chambéry, en décembre 2012, puisque ce travail s’est inscrit à la suite et que nous avions la chance que juristes et magistrats nous aient fait part de leur réflexions.
Yves Lebideau juge des affaires familiales soulignait combien le «projet parental» se substitue à la question du désir d’enfant.
Jean-Marie Forget soulignait qu’ «on se retrouve avec 2 parents qui ont un projet d’enfant. Il y a là une économie où il n’ y a pas de référence à la différence ni à la perte. Cette absence de représentation de la différence fondamentale va organiser l’économie du couple, éprouvé à essayer de bricoler et l’abandon ne cesse de se faire. L’enfant se retrouve tout à la fois investi et abandonné. Les parents se retrouvent dans la méconnaissance de leur propre savoir.»
Le texte de Jean-Pierre Gasnier s’intitulait «autorité parentable». Il reprend pour nous l’historique et l’évolution des lois qui concernent la question de l’autorité parentale. Il nous indique qu’a été présentée à l’assemblée Nationale le 7 février 2012 une proposition de loi destiné à supprimer la notion d’autorité parentale au profit de la responsabilité parentale.
«Dans l’art.371_1du C.civil l’autorité parentale est défini comme «un ensemble de droits et de devoir ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.» JP Gasnier nous dit «il s’agit également avec ce texte comme le souligne plusieurs auteurs «d’améliorer la parité parentale» en instaurant la coparentalité. Cette parité est, notamment, assurée par le principe, en cas de séparation des enfants, de la garde alternée. «Elément fondamental pour lutter contre la précarisation de l’une ou l’autre des fonctions parentales.» avait prononcé un député lors de débats parlementaires.
Soulignons que la garde alternée, c’est un temps évoquant un partage réel entre le père et la mère. Un temps divisible et divisé en deux .C’est ce partage réel qui évoque la parité. On y entend dans ces textes la parité, mais elle n’est jamais énoncée comme tel. Cette notion court dans les dessous et d’autant plus sûrement que ça n’y figure pas. (Sauf peut-être sur la scène politique, c’est certes plus simple ils sont tous dirigeants, donc d’une certaine homogénéité même si dans leur vie privé ils sont hommes ou femmes! Avec cette homogénéité l’égalité entre hommes et femmes n’a pas lieu d’être, faire un comptage et exiger qu’il y ait autant d’hommes que de femmes ne remet rien fondamentalement en question!).
Une proposition de loi a été soumise à l’assemblée nationale le 24 octobre 2012.
«Il appartient dorénavant à celui qui souhaite s’opposer à cette résidence paritaire de l’exprimer et de justifier sa position. La question n’est pas de généraliser la résidence alternée mais de remettre l’enfant au centre du débat en lui offrant la possibilité, si les conditions sont réunies (notamment l’âge de l’enfant supérieur à deux ans et demi), d’être élevé par ses deux parents car nous défendons l’idée que la construction d’un enfant se fait en présence de ses deux parents». (De quelle présence s’agit-il? d’une présence réelle? Suffit-il qu’il y est la présence de 2 parents pour qu’il y est un père et une mère?) «Nous pensons qu’il est nécessaire de traiter avec une plus grande égalité les demandes des deux conjoints et ce même si l’un des deux s’oppose à la résidence alternée.»
Il y a là une préoccupation du droit qui, nous dit Jean-Pierre Gasnier, «sert à répartir la jouissance et en ce qui concerne l’autorité parentale on entend bien à quel point il s’agit de ne pas céder une once de jouissance à l’autre, de jouir en l’occurrence de l’enfant, non pas tant ensemble, qu’à égalité, paritairement.
Déplaçons nous dans un autre domaine, celui des mathématiques, pour interroger ce qu’il en est de la parité et de l’égalité.
Tout d’abord le terme de parité est en relation avec «pair», le nombre pair, parité a pris en mathématique le sens de caractère de « qui se divise par deux». Mais la parité, c’est aussi ce que nous avons tous déjà rencontré dans l’étude des fonctions où après avoir étudié le domaine de définition de la fonction, c’est à dire l’ensemble des points, le domaine, sur lequel la fonction est définie, (Par exemple la fonction qui à tout x fait correspondre 1/x n’admet pas 0 dans son domaine de définition) vient l’étude de la parité. Il s’agit de dire pour la représentation d’une fonction, si cette représentation admet une symétrie ou pas. Il s’agit d’une représentation sur le plan euclidien de la fonction. C’est l’intérêt.
Qu’elle soit axiale ou centrale s’il y a symétrie nous pouvons réduire l’étude de la fonction à la moitié du domaine de définition.
(c’est à dire pour tous x du domaine de définition, si f(-x)=f(x) on dit que la fonction est paire, elle admet alors un axe de symétrie. Si f(-x)=-f(x) on dit qu’elle est impaire, elle admet alors un centre de symétrie ).
Une fois la moitié de la fonction représentée par symétrie nous aurons la représentation entière. Ce n’est pas une notion très importante en mathématique. De plus cette parité dépend du repère orthonormé dans lequel nous étudions la fonction. Il se peut que la représentation de la fonction admette une symétrie dont l’axe n’est pas l’axe des ordonnés, ou que le centre de symétrie ne soit pas sur le centre du repère, il faut à ce moment là pour rendre compte de la parité de cette fonction faire un changement de repère.
Représentation de la fonction carré, elle admet un axe de symétrie, l’axe des ordonnés.
Représentation de la fonction inverse qui à x fait correspondre 1/x, elle admet un centre de symétrie, le centre du repère.
L’égalité est bien plus large, bien plus fondamental en mathématique.
L’égalité, prenons 1+1=2, d’un côté nous avons 1 et 1 sur lesquels l’addition vient opérer. De l’autre côté nous avons la valeur 2. L’égalité permet de dire que de part et d’autre il y a la même valeur. Même valeur mais deux écritures différentes. C’est le sens d’une égalité. Elle se fonde d’une disparité d’écriture. Les fameuses identités remarquables
(a+b) au carré= a au carré+2ab+ b au carré.
Cette égalité permet dans des calculs de passer d’une forme factorisée c’est à dire qu’il s’agit d’un produit (résultat d’une multiplication) à une somme. On peut passer d’une écriture à l’autre, l’égalité nous permet de le faire. C’est ce jeu d’écriture qui donne beaucoup de souplesse aux calculs.
C’est donc toujours une égalité entre deux écritures différentes. L’égalité n’a de sens que parce qu’il y a une différence (1+1=1+1 ou 2=2, n’a pas d’intérêt, nous n’allons pas dire qu’il y a une égalité entre 2 et 2 ! ) et ce n’est pas nécessairement pour l’abolir.
Si les courants actuels sont à la lutte pour la parité et l’égalité entre hommes et femmes. Nous pourrions nous éclairer un peu des mathématiques, pour souligner que l’égalité des sexes relève d’un fantasme celui de l’existence d’un rapport entre 2 écritures différentes un xRy qui s’écrit x=y.
Charles Melman disait que «le deuxième sexe» de Simone de Beauvoir est un fantasme. Y a-t-il deux sexes? Ou x et y de part et d’autre en rapport avec le phallus? «La libido est une» nous dit Freud. Unique référence pour 2 sexes avec des jouissances : la jouissance phallique et une autre jouissance, autre que phallique.
Lacan nous rappelle que un rapport entre x et y n’est pas inscriptible comme tel même s’il peut être tentant de chercher à l’écrire x=y et d’établir ainsi, fantasmatiquement, un rapport entre deux écritures.
La parité n’est que symétrie donc strictement duelle. Peut on encore dire homme et femme? Ou tout simplement ils sont au nombre de deux. Ils forment une paire. «Ils font bien la paire ces deux là !»Voilà qui nous permettrait d’évacuer le sexuel!
Dans la première leçon du séminaire Encore Lacan énonce «l’essence du droit, c’est de répartir, de distribuer, de rétribuer ce qu’il en est de la jouissance».
Mon hypothèse c’est que le droit infiltré par l’économie de marché, s’inscrit dans notre nouvelle économie psychique, dont la norme, la mesure est la jouissance à tout prix, un impératif à jouir. Est ce que à laurée de cette mesure le droit ne traite-t-il pas l’égalité en la réduisant à la parité ?
Bernard Vandermesch posait la question : «la parité est-elle un produit du savoir-faire juridique?». Il me semble que nous arrivons au même point.