Bien bonjour à vous, merci à Claude Rivet et à tous ceux qui l’accompagnent, de m’avoir invité à venir vous parler des questions qui m’intéressent, et je vous prie un peu de m’excuser parce que j’ai, sans doute venu du Nord, et heureux de découvrir le soleil l’hiver, pris le rhume voire l’état brumeux et une pré-grippe, je n’en sais rien, donc je suis un peu nébuleux, mais j’espère qu’on finira quand même par traverser, comme disait quelqu’un mettez vous vos phares antibrouillards et cela vous aidera aussi
Ecoutez je vous propose de partir d’une anecdote comme ça qui m’est arrivé il y a quelques jours et qui m’a tout à fait intéressé. J’avais invité une collègue qui s’appelle José Morel Cinq-Mars, qui vient d’écrire un petit ouvrage que je vous conseille d’ailleurs, qui s’appelle « Psy de banlieue », qui est une psychologue clinicienne d’origine canadienne, et qui rend compte de comment elle travaille en référence à la psychanalyse, et je dirige moi-même depuis maintenant bientôt cinq ans un séminaire que j’appelle la clinique du quotidien, je ne vais pas développer ça, mais c’est un travail avec des gens qui sont dans les situations les plus concrètes possibles, et voir comment est-ce que, éventuellement, ils pourraient tirer profit de se repérer un peu par les interventions des analystes, et de l’analyste que je suis, qui est présent à cette affaire, et qui les laissent parler des difficultés concrètes auxquelles ils ont affaire, et comme nous fêtons le cinquième anniversaire de ce séminaire, j’avais invité cette collègue, et je lui ai évidemment proposé de donner un titre, et donc elle va venir et elle m’a donné un titre vraiment surprenant, qui m’a complètement … mince alors ! Elle y avait pensé elle, bravo ! Son titre, qu’elle me propose « la psychanalyse ne vaut que mise au service de tous ». Il fallait y penser à celle-là, boum moi cela m’a scotché ! Il y a une part de vérité là qu’elle tient et qui m’intéresse vivement. Il ne s’agit donc pas entendons nous bien, je ne lui ai pas demandé ce qu’elle va dire mais il faut éliminer cette idée qu’elle allait nous mettre tous sur le divan ! il ne s’agit absolument pas de ça, mais il s’agit plutôt sans doute de rappeler que si la psychanalyse est à la hauteur de sa prétention, elle ne peut quand même se satisfaire d’être cultivée par un groupe d’initiés aussi brillants soient-ils. Elle ne peut non plus se satisfaire d’un jargon, qui aussitôt bien sûr la réserve aux dits initiés. Simplement parce que pour moi la psychanalyse ça s’adresse, alors c’est encore un peu gonflé si vous le permettez de le dire comme ça, la psychanalyse ça ne sert à rien d’autres qu’à s’adresser à l’humanité, à l’humain, à ce que c’est que l’humain, à ce que c’est que ces choses banales, puisque nous en faisons tous partie, de l’être humain, c’est-à-dire de notre commune humanité. Et je profite aussi d’un terme que Lacan a aussi utilisé, puisque d’ailleurs il a caractérisé le nom de la collection que je dirige aux éditions Erès depuis quelques années maintenant que j’ai appelé Humus, parce qu’il y a une formule de Lacan où il dit que le savoir, c’est toujours Lacan avec son côté un peu ésotérique dans sa manière de parler, mais vous allez bien entendre parce que c’est bien de ça qu’il s’agit, « le savoir par Freud désigné de l’inconscient c’est ce qu’invente l’humus humain pour sa pérennité d’une génération à l’autre ». Autrement dit ce que Freud a découvert, l’inconscient, ça ne serait rien d’autre que ce qui s’avère nécessaire en quelque sorte, pour que l’humanité se transmette d’une génération à l’autre. Si donc vous admettez avec moi, ou si vous consentez à la thèse que je soutiendrai que la psychanalyse ça ne s’adresse à rien d’autre, ça ne parle de rien d’autre que de la spécificité de l’humain, je pourrai quand même ajouter que sa spécificité c’est d’essayer de le dire, ce qu’il en est de l’humain, parce que, elle n’est pas la seule à essayer de le dire, il me semble que l’art se trouve dans le même rapport, elle le conceptualise, elle essaie en tout cas de le dire avec une rigueur analogue à celle que l’exigence scientifique aujourd’hui promeut à juste titre, exige même à juste titre. Alors qu’est-ce qu’elle dit cette psychanalyse, pour que j’ai la prétention de soutenir qu’elle s’adresse à l’humain, à ce qui est humain, ni plus ni moins. Et bien précisément elle dit que la condition humaine n’est pas sans conditions, c’est que c’est une condition spécifique. On pourrait d’ailleurs dire finalement, contrairement à mon titre là donné au livre, on pourrait écrire que la condition humaine n’est pas sans une seule condition. C’est un peu gonflé de le dire comme ça, mais ça change un peu les choses aujourd’hui. Au fond il n’y a qu’une condition. C’est quoi cette condition ? Et bien cette condition qui est par ailleurs tellement fondamentale, qu’elle va aussitôt en enclencher toute une série d’autres, cette condition je la dirais bien, pour autant que je tends par là, que c’est l’interdit de l’inceste. C’est au fond le seul invariant anthropologique que vous trouvez toujours dans toutes les sociétés humaines, peu importe comment, mais vous le retrouver, Levi Strauss a organisé son travail pour distinguer le passage de la nature à la culture. Vous savez aussi que par exemple, une anthropologue qui l’a suivi au Collège de France, qui est madame Françoise L’Héritier, qui reprend la question de l’inceste, de deuxième type, comme elle dit, donc elle trouve un autre type d’inceste. Il y a donc toujours cette condition qui semble bien nous caractériser, qui est que il faut dire non à l’inceste. Mais qu’est ce que c’est que l’inceste ? Alors justement au niveau anthropologique, vous voyez qu’il s’agit d’une série de liens que l’on interdit, qu’il faut interdire, qui du coup en permettent d’autres – comme toujours quand on interdit quelque chose, ça permet dans le même mouvement de permettre d’autres choses – donc s’interdire les femmes du clan, ça oblige à aller voir dans le clan d’à côté. Mais ce n’est pas ça que comme psychanalyste j’appelle l’inceste. Ce n’est pas non plus ce que les juristes aujourd’hui appelleraient l’inceste et qui d’ailleurs, comme vous le savez, les embarrassent aujourd’hui, les juristes puisqu’ils ont même été questionnés par l’évolution de la société, au point de se demander s’il ne fallait pas introduire la loi de l’interdit de l’inceste dans la loi. Ce qui entre nous soit dit devrait nous faire entendre qu’il y a quelque chose là qui est en train de chanceler, faute de quoi on ne se poserait pas des questions pareilles. Ca chancelle là. Ce n’est pas encore ça non plus pour le psychanalyste comme le dirait l’interdit de l’inceste. Je prends la définition d’une collègue, qui est appréciable, qui dit que l’inceste, qu’est ce que c’est que l’inceste, elle répond : c’est la transgression de l’interdit. C’est une collègue de notre association. Alors elle a raison sauf qu’elle met l’interdit avant l’inceste. Or justement le problème, si je dis que c’est radical, que c’est un invariant anthropologique, il faut au moins accepter que l’inceste ça peut exister et qu’en principe, il faut au moins le couvrir par un interdit. Donc vous voyez que cette définition ne convient pas du tout, de dire que c’est la transgression de l’interdit, je dirai que c’est pour un psychanalyste déjà bien installé dans le langage, la parole et qui n’a plus affaire qu’aux symptômes, qui viennent rappeler que ça ne marche pas toujours vraiment bien mais en attendant il est déjà bien inscrit dans les choses. Je préfère une autre définition qui d’ailleurs est déjà évoqué par un terme que vous devez avoir entendu, parce qu’aujourd’hui, il faut donc reconnaître qu’on parle souvent non pas d’incestueux, mais que Récamier qui est un post freudien, a introduit le terme d’incestuel, vous entendez souvent dans la clinique, des gens au quotidien qui parlent que ce n’est pas incestueux, ils ne suspectent pas qu’il y a un inceste, la réalisation d’un acte sexuel entre des gens pour qui c’est prohibé, pas du tout, mais ça colle tout le temps, c’est incestueux, ou c’est incestuel, c’est u
n mot qu’on utilise aujourd’hui beaucoup, et je pense que c’est tout à fait à juste titre. Et ceci m’amène à serrer la définition que je trouve personnellement la meilleure pour un psychanalyste de ce qu’est l’inceste, mais entendez, qui d’officine va supposer que c’est vraiment l’élément, condition même de notre condition humaine, c’est une définition que donne d’une autre collègue qui s’appelle Irène Diamontis et qui dit : « Par incestueux il faut désigner ce qu’il y a de non séparé dans le psychisme du sujet ». Ce qui il y a de non séparé. Vous avez là en principe, comme je vous vois tous et comme nous sommes tous séparés, nous ne sommes pas dans le fusionnel. Mais il pourrait très vite arriver qu’en allant dans le café du coin, en sortant, ce que je vous souhaite, au bistrot après, la discussion banale qui se passe autour de la table là, bien pas bien, etc… il se peut très bien qu’il y ait une sorte de consensus qui se dessine à propos de ce que vous racontez, on s’étripe là dessus, et puis on va pas chercher à savoir. Le non séparé ça a rapport avec ça, c’est à dire tous ces moments où on n’assume pas entièrement la dimension de solitude radicale qui est la nôtre. Nous sommes malheureusement comme vous le savez, né seul, et nous mourrons seul. La seule différence c’est que en principe quand on naît seul c’est en principe avec quelqu’un, et après on est seul. Mais c’est bien les actes les plus importants se font seuls, donc autrement dit être séparés ça peut servir à ne pas faire l’impasse sur ce trait qui nous caractérise qui est la solitude, donc c’est ce qu’il y a de non séparé, donc l’interdit de l’inceste en tant qu’il est nécessaire de mettre en place dans le psychisme une séparation d’avec l’autre. Et vous comprenez alors très bien, qu’une autre collègue qui fait une analyse tout à fait pertinente, « la loi de la mère », Geneviève Morel, qui a été une des premières à mon avis à dire tout haut ce que l’on savait mais qu’on ne savait pas vraiment, à savoir qu’il est toujours nécessaire de se séparer de la mère, pas parce que maman n’est pas bien, c’est pas parce que papa est mieux, c’est simplement parce maman métaphorise en quelque sorte, ce dont j’ai à me séparer pour pouvoir fonctionner comme sujet. Et je vous signale d’ailleurs que cela implique que la mère va même profiter, on espère d’ailleurs, si elle ne le fait pas c’est pas bon signe pour l’enfant, c’est pas les meilleures conditions, on espère qu’elle va se satisfaire, qu’elle va trouver une jouissance, la sienne propre, dans le rapport qu’elle a à son enfant, mais qu’elle va en même temps tolérer, accepter que cet enfant-là se sépare de cette jouissance, pour pouvoir trouver la voie qui lui permettra de trouver, de frayer son désir propre. C’est tout simplement comme cela que ça marche. Et comme vous entendez tout de suite si vous suivez l’idée, et bien oui, dans ce cas-là il y a quelqu’un qui intervient, qui est connu, c’est le papa qui aide à se séparer de la maman, etc… Et bien figurez- vous que ce n’est pas d’office le cas, voire même on pourrait dire aujourd’hui que ça c’est la solution oedipienne classique à savoir celle où vous pouvez compter sur un autre que la mère pour aider l’enfant à se séparer de la mère. Mais si vous n’avez pas à disposition cet autre que la mère, cela ne change rien, il faut quand même se séparer de la mère. Voyez que cela change un petit peu la donne, du coup vous semblez avoir perdu un appui, souvent important d’ailleurs, mais que le fait que vous perdez cet appui ne change absolument rien au travail qui est à faire. Et quand je dis ne change absolument rien cela n’est pas tout à fait juste, car cela le rend un peu plus délicat, plus difficile, et on va expliquer un peu pourquoi, et cela va avoir un certain nombre de conséquences dont je dirais volontiers qu’elles sont aujourd’hui la caractéristique même de ce qui nous arrive, la spécificité de la clinique contemporaine, est une clinique à mon avis, qui émerge parce qu’elle doit éponger les effets de ce que la solution oedipienne classique, celle qui comptait sur un père pour se séparer de la mère, ne fonctionne plus pour des raisons sociales. C’est comme cela que je le dirais. On éponge vraiment les effets de ça, et on ne sait pas très bien ce que cela induit, c’est ce que je vais développer et élucider si vous le permettez. Mais je reviens d’abord à ce point, donc l’essentiel, le point essentiel, fondamental de la condition humaine, c’est ce désasujettissement de l’Autre, de l’Autre maternel en l’occurrence, le premier Autre, qui soutient, nécessairement, obligatoirement, comme disait Winnicott il n’y a pas de nourrisson tout seul, ça n’existe pas, il meurt tout de suite. Donc il faut un Autre qui lui donne des soins, qui va même y trouver une satisfaction, une jouissance, qui va en parler, qui va parler de lui, qui va s’adresser à cet enfant-là, et à partir de là les choses vont se mettre en place. Mais il faut que du point de vue du sujet, si on veut endosser la condition humaine, et bien il faut que le sujet, comme on dit en termes de vélo, il faut qu’il fasse le trou, qu’il fasse une distance. Pourquoi bon Dieu de bon Dieu de bon sang, pourquoi vous m’embêtez ou pourquoi est ce que je vous embête avec la question de l’inceste, comme étant ce qui est fondamental. Et bien peut être bien que vous ne vous en êtes jamais aperçus mais cette capacité qui nous est propre, il n’y a que les humains qui soient des êtres parlants, je ne vais pas vous parler de la parole chez les bonobos, on va y venir si vous le voulez , mais en fait tout le monde est bien d’accord, il y a peu de choses sur lequel tout le monde est d’accord, mais tout de même nous sommes tous bien d’accord pour dire que le langage humain, ce n’est pas le langage animal, ce n’est pas la même chose. Il y a quelque chose de caractéristique au fait de parler. Et bien si parler est notre lot, ce qui d’ailleurs permet pleins de choses, entre autre de nous retrouver, ici à Ste Tulle un samedi matin, alors qu’il fait beau dehors. Si il n’y avait pas la parole on ne serait pas là. Donc, cette parole qui nous caractérise, que nous soyons d’ailleurs capables de parler ou que nous soyons sourds muets, cela ne change rien à l’affaire, bien que nous parlerions autrement, il y toujours cette capacité de parole, d’être parlant, ce parlêtre, comme disait Lacan, c’est cela qui spécifie l’humanité, et bien figurez-vous que ça c’est tout à fait corrélé à cet interdit de l’inceste. Et c’est pour ça que c’est fondamental. Autrement dit la capacité de faire le trou, de se désasujettir de l’autre, de ne pas être scotché, ne pas lui être collé, ne pas lui être collabé, ne pas être enfermé dans sa jouissance, tout ça va exactement dans le même mouvement que le fait d’assumer sa capacité de paroles, chose qui est bien sûr physiologiquement tout à fait, virtuellement repérable chez chaque enfant, sauf anomalie, mais qui a besoin d’un trajet, un trajet plutôt long d’ailleurs, parce que je vous signale car ça prend à peu près le tiers de l’existence, pour arriver à faire qu’à un moment donné, un sujet puisse endosser sa parole, c’est à dire profiter du trajet qu’il a fait pour pouvoir soutenir une parole qui ne se légitime de rien. Les seules vraies paroles que vous prononcez sont celles qui ne se légitiment en fin de compte de rien. Sauf du fait que vous les dites. Si vous dites « je t’aime » à quelqu’un, vous aurez beau faire la liste des choses pour lesquelles vous avez bien raison de l’aimer, mais cela ne suffira pas. Il faudra quand reconnaître que c’est parce que vous lui avez dit « je t’aime » que la phrase tout à coup vous a fait complètement chaviré et que cela a pris une autre tournure. Se légitimer de
rien, c’est se légitimer du trou, c’est se légitimer de l’absence, c’est se légitimer du vide. Chose que nous ne faisons pas tous les jours je vous signale, nous nous limitons en général parce que ce n’est pas sans angoisse avant, et ce n’est pas sans angoisse après,, alors plutôt avancer comme ça, et on fait le moins possible, juste ce qu’il faut pour avancer, ou alors on passe du côté de la création, car c’est risquer cela tout le temps, c’est cela aussi. Ca me rappelle toujours de dire que le seul savoir qui est un savoir analogue, c’est le savoir analytique, le savoir de Freud est un savoir, moi ça me fascine toujours, c’est un savoir qu’il tiré d’où ? De lui, de sa tête, vous vous rendez compte qu’on est là, un siècle et demi après, en train de travailler les questions qu’un bon monsieur médecin viennois tout à fait banal, tout à coup a dit bien c’est comme ça. Il n’y a rien qui justifie l’inconscient nulle part, il ne peut pas le prouver et pourtant c’est un savoir à partir de rien. Il y a parfois des choses que vous savez vous, du fond de vous et que vous avez l’impression que celles-là vous ne les lâcherez pas parce que c’est fondamental pour vous, c’est comme ça, c’est ce petit bout de Réel que vous avez attrapé avec votre organisation à vous, aussi limitée, extraordinaire, peu importe, hop vous l’avez attrapé, et ça vous ne le lâcherez pas. Cela peut se réduire à des choses parfois simplistes, du type de « moi je veux vivre à Ste Tulle et je reste à Ste Tulle », cela peut être ça. Ca peut être autre chose, ça dépend. Mais le psychanalyste est un petit peu comme ça, malheureusement pour lui, comme il n’y a que Freud qui a inventé et depuis, on répète souvent ce que disent les autres. Moi aussi, du coup ça n’a plus la même valeur. Mais enfin on espère quand même avoir retrouvé ce point où on pourrait dire quelque chose, qui en fin de compte se justifie, s’explique, on peut très bien tout déplier, mais quand même la légitimité finale vous ne la trouverez que dans le fait que ce monsieur là le dit. Si je vous dis ça, il y a un corollaire à ce que je dis, c’est que ce vide, l’interdit de l’inceste – parce que ça fait du vide, et le langage a besoin de faire du vide, on ne parle pas la bouche pleine. Vous savez que dans toutes les langues du monde on dit maman avec mmmm. Parce que maman, le premier mot, est la seule chose qu’on peut dire la bouche pleine, mais papa ça va pas. Faut faire du trou pour dire papa, et maman mmm, ça peut marcher. Il y a un trajet, il y a quelque chose, il faut installer le trou, il faut qu’il y ait du creux, il faut qu’il y ait du vide. Autrement dit il faut qu’il y ait l’absence au cœur du système, et pas la présence. C’est l’absence qui est au cœur du système. Ca peut être intéressant de repérer ça. Ca veut dire que la présence bien sûr, le langage d’ailleurs ça n’est rien d’autre qu’organiser la dialectique de la présence et de l’absence. Vous faites venir ici monsieur Sarkozy si ça vous plait, ou bien monsieur Holland, si vous préférez, il suffit que je l’évoque pour qu’ils soient ici. C’est un truc fantastique qu’on peut par la parole faire venir des gens, les rendre présent à nos esprits alors qu’ils sont absents, ça se paye d’un prix. Et le prix que nous payons, c’est que si vous avez affaire à quelque chose qui est présent, et bien ce sera toujours frappé d’absence. Autrement dit vous avez un ou une copine, ou un mari, ou une femme, ou tout ce que vous voudrez, enfin un autre qui est là tout le temps présent, et bien il faudra bien vous y faire que la présence que vous aurez de sa part, elle sera truffée d’absences. Autrement il ne sera pas exactement, il ne répondra pas exactement à vos attentes, et le malentendu est d’emblée là, et autrement dit le non rapport est là, et sauf d’être amoureux un petit peu, et comme on sait ça tombe très vite, et après il faut faire avec les moyens du bord, c’est-à-dire avec le fait qu’il n’est jamais là où vous attendez exactement que l’autre est. Et tout va dans le même sens. Y a que les gens qui sont addictés qui pensent que l’objet va les tenir entièrement à les satisfaire , mais les autres savent bien que même si ça vous intéresse d’avoir un objet, je ne sais lequel, la voiture la plus mirobolante, le dernier appareil, je ne sais lequel, maintenant je ne peux même pas suivre, et bien cet appareil là de toutes façons une fois que vous l’aurez, ou vous ne l’aurez peut être même pas encore que vous aurez déjà envie d’un autre. C’est ça être frappés d’absence, donc l’absence il faut la mettre au cœur du système puisqu’au départ on part de la présence, la mère est présente, et il faut mettre l’absence au cœur du système. C’est pour cela d’ailleurs que très souvent, très longtemps, et encore toujours aujourd’hui mais d’une autre façon, que père et mère faisait entendre, pôle de l’absence le père, pôle de la présence, la mère. Il ne fallait pas je vous signale être psychanalyste pour avoir découvert ça. On le dit, là, comme cela ça simplifie, mais je vous lis une petite phrase de Marcel Proust, qui à cet égard est terrible parce qu’à cet égard il a tout compris, « comme tous ceux qui possèdent une chose, pour savoir ce qui arriverait s’ils cessaient un moment de la posséder, il avait ôté cette chose de son esprit, en y laissant tout le reste dans le même état que quand elle était là. Or l’absence d’une chose ce n’est pas que ça, ce n’est pas un simple manque partiel , c’est un bouleversement de tout le reste, c’est un état nouveau, qu’on ne peut pas prévoir dans l’ancien». C’est joliment dit comment l’absence va complètement remanier, une fois que vous mettez l’absence au creux de la psyché, tout le système va être remanié, et du coup, vous pouvez avoir une série, lire une série de conséquences à cette condition, la seule condition qui est l’interdit de l’inceste, faire du trou, mettre l’absence au cœur du système et du coup toute une série de conséquences qui s’ensuivent, qui sont aussi les conditions de la condition humaine. Exemple, la certitude qui est la vôtre que vous n’en avez pas, elle ne sera jamais que division, elle ne sera jamais que incertitude. Exemple, il y aura des places différentes, en l’occurrence par exemple c’est moi qui parle c’est vous qui vous taisez, mais tout à l’heure peut être qu’on va changer, mais il y aura des places différentes. Exemple, il y aura de la coupure. Si il y a de l’absence il y a de la coupure, vous ne pouvez pas tout le temps être là dans la continuité, il y a bien des moments où vous devez accepter que ça coupe. Exemple vous allez devoir en passer par la contrainte de comment la langue fonctionne, sinon vous en resterez au babil que vous aviez avec papa maman, il faudra bien à un moment donné que vous acceptiez d’entrer dans une langue qui vient d’ailleurs. Personne ici n’a la prétention j’imagine, d’avoir inventé le français, la langue vient du dessus, et comme je rappelais ce que disait Lacan tout à l’heure à propos de l’humus humain, l’inconscient, c’est un savoir humain universel, c’est ce qui passe d’une génération à l’autre, et bien la langue passe d’une génération à l’autre. On est dans le même mouvement de transmission, et bien voilà donc comment on peut dire que la présence jusqu’il y a peu semble avoir été identifiée culturellement par la mère et c’est logique puisque l’enfant dans un corps à corps avec la mère, bien sûr, et la dimension de l’absence était plutôt prise culturellement par la polarité du père. Ca semble avoir été vrai depuis 25 siècles, et il semble bien que cela ne soit plus le cas. Qu’est ce qui s’est passé ? Et bien il y a 25 siècles effectivement, on a décidé, vous pouvez en trouver les traces dans une tragédi
e grecque, je ne vais pas le développer, qui s’appelle l’Orestie, il a été décidé que l’enfant était d’abord l’enfant du père. Que la mère n’était que le réceptacle, je suis désolé, mesdames, mais c’est ainsi que les anciens grecs pensaient la chose. Et en lisant bien les textes, si vous avez l’occasion de le faire, vous verrez que l’intérêt n’est pas du tout de discréditer la mère, l’intérêt de l’opération était de faire entendre par le biais de la prévalence du père sur la mère qu’il fallait asseoir la prévalence de l’absence sur la présence, autrement dit la prévalence du langage, c’est-à-dire la prévalence de ce qu’est notre condition humaine. C’est noir sur blanc dans les écrits de l’Orestie, d’Eschyle, on ne va pas développer maintenant, cela nous amènerait trop loin, mais c’est écrit noir sur blanc. Même tragédie d’ailleurs où on va installer d’ailleurs où on va installer les lois de la parole, mettre la démocratie en place, tragédie aussi repérée comme la première fois que l’on met en place la justice humaine. Et bien la justice humaine et la démocratie, figurez vous ont été mises en place dans le même mouvement, que la reconnaissance nécessaire de la prévalence du père sur la mère, non pas parce que papa est mieux que maman, mais simplement parce qu’il s’agissait que l’enfant devienne un enfant inscrit dans le langage. Et que c’était cette capacité langagière là qui le caractérisait, et qui nécessitait que l’enfant ne reste pas collé à la mère, ne lui reste pas assujetti, mais que précisément, il fallait à un moment donné que le système social, prenne cet enfant, l’enlève de sa mère, et le fasse aller trouver sa place dans le social. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans les tribus africaines où vous avez des enfants qui restent jusqu’à 8-10 ans accrochés à la mère, mais à un moment donné il y aura des rites d’initiation, il y aura des choses prévues dans la culture qui vont faire que c’est terminé maintenant là, et attention ce n’est pas du tout la même chose que ce qui se passe aujourd’hui, parce que précisément dans ce contexte là, même si l’enfant veut rester très longtemps lové dans, près du corps maternel, il est déjà prévu au départ qu’il va falloir à un moment donné y renoncer. Qu’est ce qui se passe aujourd’hui ? Et bien ce qui se passe aujourd’hui, ce n’est pas compliqué à comprendre. Nous avons tout une évolution sociale dont je ne vais pas citer tous les éléments, parce que sinon on n’en sort pas, mais enfin quand même une des choses qu’il faut retenir, fondamentale, c’est que nous avons quitté un monde organisé, un lien social organisé sur le modèle d’une pyramide, quitté un monde organisé sur le modèle d’une prévalence reconnue au sommet de la pyramide, quitté un monde social où l’on parle du désenchantement du monde, quitté un monde social où c’est Dieu qui est plus ou moins celui que le roi vient à soutenir la représentation, et que sais je encore. Bref on a quitté ce monde organisé sur le modèle de la religion c’est-à-dire avec la reconnaissance comme allant de soi de quelqu’un qui est en légitimité d’imposer quelque chose à l’autre, sans que ce ne soit pour autant de l’autoritarisme, ce qui ne veut pas dire pour autant que certains n’en ont pas abusé et profité de la légitimité qu’ils avaient pour imposer non pas ce qui est nécessaire, mais en ont profité pour asseoir et assurer leur propre jouissance. Ca c’est toujours le risque, mais il n’empêche que le modèle de ce qui avait été mis en place, c’est une prévalence de cette place là qui équivaut à la prévalence du collectif sur le sujet et sur l’individu. Et qui va donc s’imposer à lui d’une manière tranchée, d’une manière nette parce qu’il n’aura pas d’autre issue que de devoir faire sa place à l’exigence de celui ci, celui qui est à cette place de légitimité. Et dans ce contexte là il intronisait, introjectait, il assumait en quelque sorte les exigences de la génération d’avant, et cela transmettait un système. Or là dessus nous sommes en difficultés à partir de quoi ? Mais à partir de deux choses fondamentales à mon avis. La première qui est l’évolution démocratique qui désormais aujourd’hui a privilégié de manière radicale, l’égalité des conditions, comme doctrine, c’est-à-dire nous sommes tous sur le même pied. Donc il n’y a plus de légitimité à avoir cette différence de places. Mais s’il n’y a plus de légitimité à avoir cette différence de places, il n’y a plus non plus légitimité à avoir autorité, il n’y a plus non plus légitimité à vouloir imposer à quelqu’un qui reste plus proche de la mère, ou plus proche de la présence, ou qui ne veut pas, il n’y a plus de légitimité pour lui imposer l’absence. Et nous sommes dans ce contexte-là aujourd’hui. Je ne vais pas développer énormément mais je voudrais quand même que vous entendiez un tout petit peu le trait concret de cette affaire, le trait concret. Dès qu’aujourd’hui qu’il y a quelqu’un, vous savez qu’il y a aujourd’hui (un) sociologue qui a participé au Conseil constitutionnel en France, et qui a fait un exposé l’année passée à Montpellier tout à fait intéressant où il disait que ce qui l’affligeait beaucoup c’était la position de méfiance généralisée aujourd’hui. Nous nous méfions de quiconque serait une position d’autorité, nous nous méfions de quiconque occupe une place différente. Nous nous méfions de quiconque, car s’il occupe cette place là, il pourrait bien s’en servir pour… donc vous avez là quelque chose d’extrêmement puissant qui est en train de fonctionner, c’est que le nouveau modèle social démocratique qui est mis en place et qui a toute sa légitimité évidemment, mais ce nouveau modèle, il est difficile, ou compliqué de ne pas se satisfaire uniquement de débusquer celui qui s’autorise de la place qu’il occupe pour abuser, de ne pas se contenter de cela, mais de devoir aussi faire la place aussi au fait que désormais il faut bien se demander comment on va faire prévaloir quelque chose qui relève du collectif, alors que dès qu’il y a quelqu’un qui se prévaut d’une place différente des autres, il est évidemment dans une position un peu antagoniste avec l’égalité des conditions qui a été décrétée. C’est une vraie difficulté, entendez bien ce que je dis, il ne s’agit pas ici de vouloir à tout prix rétablir l’ancien machin tout ça, non, il s’agit de repérer que la mutation sociale, la mutation du lien social dans lequel nous sommes pris, a comme logique de rendre de plus en plus difficile pour certains sujets, de pouvoir occuper une place différente des autres parce que d’emblée ils vont être suspectés de revenir au modèle ancien. Et il faut donc qu’on se débarrasse aussitôt de ces gens-là. Ce n’est pas possible, on doit aussitôt les surveiller. Dans les faits concrets, ça va très loin, car ce faisant il ne faut pas vous étonner que l’élève à qui on dit il faut aller au tableau, il faut expliquer, « est ce que tu as compris le problème là », bon, pourrait très bien répondre à l’enseignant « t’as pas à m’obliger. Pourquoi est ce que tu me forces ? » Ce qui veut dire ceci, c’est que là où avant vous aviez, vous connaissez le coup, de la contestation, c’est normal, un adolescent il ne veut pas, vous avez aujourd’hui la possibilité, et ce n’est pas la même chose la contestation et la récusation, il a aujourd’hui la légitimité pour lui de récuser quiconque viendrait lui demander, l’obliger le contraindre, tout cela avec des termes entre guillemets, c’est calme, cool, mais il faut quand même le faire. Il a la légitimité de venir récuser ça. J’ai vu hier par hasard, et je ne vais pas développer, ce serait m’aventurer dans un terrain très glissant, l’histoire du
maire et de la gifle, c’est quand même très embêtant pour moi la façon dont c’est formulé comment ce monsieur le maire, le propos du père, que j’ai entendu hier soir à la télévision, le propos du père est de dire « il n’avait pas à être au-dessus des lois ». Mais son fils non plus ! Alors qu’est ce qu’on fait, comment on fait, comment on s’en débrouille ? Voyez on aurait quand même pu faire un jugement qui aurait été de dire « monsieur le maire vous avez été un peu excessif, on ne fout pas une gifle à un enfant parce qu’il vous conteste un peu méchamment, mais vous vous n’avez pas non plus à le contester de la sorte». Il y aurait pu avoir un propos un peu nuancé un peu plus fin. Non on va dans le sens de… évidemment ! Vous voyez bien ce que ça veut dire. Ca veut dire que le père de famille aujourd’hui vous voyez, vous connaissez tous ça, ce qui fréquente l’école connaisse bien ces parents aujourd’hui qui vont se précipiter, dès qu’on a touché à quelque chose de leur enfant, dès qu’on leur a dit il a une mauvais note, moyennant quoi il y a une légitimité de plus en plus grande à récuser toute intervention qui devrait en principe devrait aider, aider parce que contraignante. C’est ça qui est paradoxal. Pour aider aujourd’hui tout le monde est là pour ça, vraiment si c’est dans l’amour, mais pour contraindre, pour exiger, là vous allez devoir vous lever un peu plus tôt et vous allez surtout très vite être mis à mal par quelqu’un qui va vous dire « mais de quel droit est ce que tu exige cela ? » qu’est ce que c’est que cette histoire ? Qu’est ce qui se passe ? » . Et donc vous allez vous trouver acculé où ? A mon trou de tout à l’heure, c’est-à-dire que si vous n’avez pas en vous les ressources costaudes, suffisamment pour dire « écoutes, moi je suis enseignant je ne suis pas là pour t’imposer quoi que ce soit, la question n’a rien avoir avec ça. Mais ma tâche est que tu saches lire et calculer, et avec ce que tu fabriques là, ça ne marchera pas comme ça ». Si vous ne pouvez pas soutenir ça très sereinement en plus, alors que lui il a essayé de vous faire sortir, si vous sortez de votre rôle parce que vous vous emportez alors vous êtes foutu. Parce qu’évidemment, il y a cette jouissance à imposer, c’est scandaleux, mais ça devient très compliqué, cette inversion de légitimité est quelque chose de très très grave dont les effets sont anodins, mais ont la fonction de l’effet papillon, c’est-à-dire qu’ils se répandent de manière extraordinaire. Donc on est là avec une grande difficulté, de tant en tant ce que je dis là je le vérifie de temps en temps dans les réactions parmi vous parce que forcément, je suis en train de dire que le vieux modèle est le bon et le seul bon. C’est pas ça du tout que je dis, je dis que nous avons quitté un modèle, nous ne l’avons plus, nous n’avons même plus aujourd’hui chez les parents, le fait de pouvoir se soutenir de mère et père comme figures culturelles de ce qu’il y a à faire dans la dialectique présence/absence. Ca n’est même plus là puisque le premier Autre ce peut très bien être un homme, alors vous allez l’appeler mère peut-être, mais quand même c’est pas si simple, autrement dit, le grand changement qui a opéré, c’est que aujourd’hui aussi bien, homme/femme, mère/père, des deux côtés, ils se sont mis comme du même côté, à savoir aider l’enfant à grandir, et la tâche de devoir limiter, de devoir introduire l’absence, c’est là qu’on espère bien qu’il va pouvoir la découvrir par lui-même, mais plus personne ne veut être celui qui va endosser l’effet que cela va avoir sur lui, le fait de le marquer de l’absence. Ce qu’on constate évidemment c’est que dans ce contexte, l’enfant évite soigneusement évidemment de se consacrer à l’absence. Et autre chose aussi, on constate que dans ce cadre-là, la génération supérieure, la génération du dessus, se décharge d’une tâche pourtant essentielle qui est de soutenir la haine qui ne peut que surgir au moment où vous allez lui témoigner que dans la présence que vous êtes pour lui, il y a de l’absence qui est inscrite et que c’est bien de ce côté là aussi qu’il faudra qu’il assume la tâche qui est la sienne. Et bien vous allez avoir quelque chose de très difficile, une grande difficulté à le soutenir vous, à le faire accepter, vous allez vous trouver dans une très grande difficulté.
Aujourd’hui, au fond, la famille protège bien souvent, l’enfant de la vie hostile qu’il va rencontrer. Vous allez me dire c’est normal elle est tellement hostile. C’est vrai mais ça ne va pas l’aider de le laisser croire qu’il y aurait moyen d’éviter l’hostilité. Donc ce passage à la récusation va être quelque chose qui va manifestement venir rendre difficile le fait de soutenir cela pour la génération du dessous. Ce n’est pas tout. Il y a une deuxième force terrible qui est en jeu. C’est que si je viens de vous dire que l’interdit de l’inceste, l’inceste est ce à quoi il faut renoncer, l’inceste est ce qui va faire trou, ce qui va organiser l’appareil psychique, c’est ça qui est fondamental, c’est la condition même. Mais l’ensemble du discours néo libéral, et même hyper libéral, ne vous fait absolument pas entendre que ce trou, cette absence est au programme, c’est l’inverse. Le point central que cela veut dire, mettre l’absence au centre, ça veut dire un trait caractéristique de notre humanité, à savoir que pour ce qui est de l’immédiat vous repasserez. Plus jamais un être humain ne sera dans le Réel brut, plus jamais, il ne sera confronté à une immédiateté totale. L’immédiateté autrement dit, elle est frappée d’un impossible, puisqu’il ne peut plus passer que par cette dimension langagière, ça n’est que là qu’il peut passer, et dans cette dimension langagière, elle s’organise selon certaines formalisations qui fait que l’immédiat, il n’y a plus accès. Alors l’impossible immédiateté c’est un autre mot pour désigner ce que le psychanalyste appelle la castration symbolique. C’est la même chose. Et bien donc cela veut dire que, vous allez pas me dire que aujourd’hui, ce n’est pas le tout tout de suite qui est valorisé. Vous ne pouvez pas dire qu’aujourd’hui, l’impossible immédiat est sans arrêt contourné, on exige la transparence. On va tout de suite dire que n’importe quoi qui n’est pas tout à fait éclairci, comme l’opacité, on va exiger de vous une communication franche directe et totale. Enfin à tous les niveaux on va faire, non pas aller dans le sens d’introduire cette dimension de consentement à la perte de l’immédiat, mais on va au contraire, vous laisser croire que l’immédiateté peut être contournée, peut être accessible, et que cette nécessaire médiation que vous impose le langage, il y a moyen de l’escamoter. A ce moment-là vous avez donc tout un discours social, qui ne présentifie plus au sujet la castration. Il ne présentifie plus au sujet que c’est comme ça la condition humaine. Et l’effet de cela c’est quoi ? Et bien l’effet de cela c’est que l’enfant, le jeune, l’adolescent, n’est plus obligé d’intérioriser ce qui devrait être présentifié par le discours social. Il peut se contenter de glisser, de zapper, d’être, ce que j’appelle moi, absent à lui-même, il est là, sans être là, ce que les enseignants connaissent bien chez des élèves, à savoir cette présence qu’ils sont là, mais ils sont complètement ailleurs, ça ne les intéresse pas vraiment, ils veulent pas vraiment endosser. Parce que c’est comme si on leur disait ce n’est pas nécessaire. Alors si ce n’est pas nécessaire pourquoi je le ferai. Ils sont plutôt invités dans une position de déni. Ils sont plutôt invités à dire, oui je sais bien que c’est comme ça que ça devrait marcher mais en même temps…
Donc la possibilité, de prévalence, de faire prévaloir, ce qui est frappé par la dimension de l’absence est à la fois rendu difficile parce qu’il n’y a plus la légitimité de la place pour en témoigner, et en même temps c’est subverti par le fonctionnement même du discours social qui vient à tout moment vous donner des moyens pour contourner, éviter de ne pas devoir prendre en compte cette dimension. Le portable, le portable c’est magnifique, le portable si vous voulez éviter la coupure, si vous voulez éviter de faire le travail de séparation, il y a le portable. Il paraît que selon notre collègue qui m’a dit hier qu’il y avait plus de portable que de brosses à dents. C’est extraordinaire ! Bon le portable, vous connaissez bien le système du portable, vous connaissez bien les parents, les enseignants qui veulent lutter, pour faire en sorte qu’au moins le portable ils ne puissent pas répondre pendant la scolarité. Tout ça c’est assez, autrement dit aujourd’hui l’immédiateté est au programme social. On est sous la tyrannie de l’immédiat. On a aussi d’autres espoirs illusoires, comme par exemple celui qui est que le collectif pourrait être la somme de toutes nos singularités. Ca c’est vraiment l’idéologie ambiante la plus extraordinaire ! La dimension du collectif pourrait être, nous sommes la France ou la Belgique, peu importe, et bien le collectif ça ne serait rien d’autres que la somme de tous vos desideratas mis les uns à côté des autres. Comme si ça n’allait pas susciter des conflits, comme si c’était possible, comme si en fin de compte le collectif n’avait d’autres fonctions que de pourvoir aux appétits de notre volonté propre, chacun y est pris. Surtout dans les démocraties, le sujet, il est bien obligé d’endosser, à la fois ce qu’il veut lui, et à la fois la dimension du collectif. Faute de quoi c’est impossible. Vous voyez bien comment du coup on est dans une sorte de déni ou démesure, le déni aujourd’hui est une figure extrêmement puissante parce que, vous le savez sans doute aussi, c’est souvent ce qui est utilisé lorsque la mort se rapproche. Qui ne connaît pas quelqu’un qui, au moment où tout le monde sait qu’il a un cancer, et qu’il n’en a plus pour longtemps, va vous parler de n’importe quoi sauf de ça. Il va faire comme si ça n’existait pas. Donc le déni a une fonction. C’est une défense inefficace pour la réussite de l’opération, mais c’est une défense très efficace pour la psyché. On n’est pas obligé de se farcir la difficulté, mais malheureusement à long terme c’est une défense tout à fait inefficace. Alors je vais pas m’étendre. Je ne sais pas si je vais arriver à vous le rendre. Il me semble que le discours social aujourd’hui au fond est complètement piégé parce qu’il est privé de cette place de légitimité pour pouvoir imposer quelque chose au nom du collectif. Et du coup il n’a d’autres issues que d’inventer des systèmes par lesquels il va quand même faire fonctionner le collectif, mais en masquant qu’il continue à tirer les rennes, à tirer les ficelles.
Vous avez ça, dans le fameux – Lacan avait parlé à un moment donné qu’il n’y avait pas du Nom du Père, mais qu’il y avait du nommé à. Alors c’est une très jolie formule que j’aime bien chez Lacan, je vous dis ce que cela veut dire. Quand vous avez quelque chose qui est soumis au Nom du Père, cela veut dire que vous l’avez fait vôtre, d’une certaine manière, vous avez la possibilité de le faire vôtre, vous avez à en endosser les conséquences. Tandis que le Nommé à vous n’êtes pas obligé. Il suffit que vous soyez en ordre, que vous donniez l’apparence que ça marche, c’est bien, et ça suffit. Et bien c’est un tout, petit peu ce qu’il se passe au niveau de ce qu’exige le social aujourd’hui, qui n’exige plus, qui n’arrive plus à exiger une normativation. Mais qui veut par contre une normalisation, c’est à dire une normalisation sans normativation. Il veut que ça soit normal, il veut que les comportements soient corrects, mais il n’a pas besoin d’exiger que le sujet introjecte cette affaire. Du moment que, l’interdit du meurtre ça ne l’intéresse plus, ce qui compte c’est qu’on ne tue pas. Alors quand même cela ne se fait pas, là dessus on est d’accord et tout le monde est d’accord là dessus, voilà on va tous se serrer les coudes. On va être sévère là. Et là il y a toute une stratégie extrêmement fine dont par hasard, je vous renvoie à un livre que je trouve tout à fait sympathique à cet égard là « petit traité de la bêtise contemporaine » suivi de « comment redevenir intelligent ». C’est de Marilia Amorim qui est une psychologue sociale, qui n’est pas une psychanalyste, bien qu’elle soit attentive, elle prend d’autres appuis. Elle étudie des choses très simples, comme les notices de médicaments, comme ce qui est écrit sur les boîtes de consommation, comme ce qui est écrit dans le métro. Alors je vous donne l’histoire du métro parce que je la trouve très bonne. Il y a quelque temps sur les vitres des portes de la ligne 13, du métro parisien ont été déposés des autocollants colorés portant des messages adressés aux voyageurs avec des consignes de sécurité habituelles. Avant on entendait la voix du conducteur qui disait : « Faites attention à la fermeture des portières s’il vous plait ». Ensuite pendant quelques mois, chaque voyageur a pu lire sur la porte, « les portes s’ouvrent, je laisse descendre ». Ca paraît anodin, mais c’est essentiel. Elle étudie ça avec beaucoup de finesse. Qu’est ce que la différence entre un conducteur qui vous rappelle, par son énonciation, qu’il faut bien faire attention, et un énoncé construit comme celui-là ? « Les portes s’ouvrent, je laisse descendre ». Elle appelle ça les énoncés fusionnels, c’est-à-dire un énoncé qui vaut pour tous et dont on suppose qu’immédiatement vous allez y adhérer. Vous voyez bien que dans ce contexte là on ne demande plus que vous respectiez quelque chose, que vous assumiez quelque chose, d’un ordre une exigence une énonciation du conducteur de la rame prévient en quelque sorte, faites attention, c’est une voix qui vous dit que c’est vous qui devez faire attention. Ici nous sommes d’emblée pris dans l’ensemble et ce qu’on ne vous dit pas c’est qu’on se fiche carrément de vous, on en a plus rien à cirer, on veut simplement que vous passiez au bon moment par la porte. C’est tout. Voilà le type d’énoncé qu’elle étudie avec beaucoup de finesse. Alors évidemment comme elle dit cela rend bête, parce que au bout d’un moment on est complètement bêtifié par ce type d’énoncés. Surtout que c’est très, moi j’appelle cela l’entousement dans la perversion ordinaire. Il s’agit d’obtenir un sentiment collectif, uniquement par une horizontalité, en croyant qu’on peut complètement se débarrasser de la dimension de la verticalité.
Les conséquences de tout ça au niveau du collectif, c’est très impressionnant. Parce que ça veut dire que dans un contexte pareil, le sujet n’a plus à disposition de pouvoir supporter un conflit. Parce qu’il est pris dans une sorte d’obligation, c’est l’exagération du politiquement correct dont on parle aujourd’hui. Il est complètement noyé. Il n’est pas séparé. On revient à la question d’être séparé. Il n’est pas vraiment séparé. Il est entousé. Il n’a pas pu assumer la séparation d’avec l’Autre pour pouvoir être dans la ligne de ce qu’il faut. Dans ce cas-là évidemment aussi il ne sait pas comment traiter la violence. C’est pour ça d’ailleurs qu’aujourd’hui comme vous le savez, on interdit plus, mais on empêche.
Ce n’est pas la même chose. Interdire cela demande de nouveau que vous introjectiez l’interdit, tandis que empêcher, ça veut dire que je vais être là, ou bien que je mets l’équivalent de ce que je suis, là, pour faire en sorte que vous n’alliez pas plus vite qu’il ne faut. Vous pouvez donc aujourd’hui à force de casse-vitesse et d’appareils neufs finir par rouler dans les limites des vitesses prévues. Mais entre temps, vous avez pu complètement laisser tomber le processus introjecté qui dit non, il faut quand même tenir compte de cette limite. Vous êtes chaque fois tenus par rames. Autrement dit cela veut dire que le discours social aujourd’hui espère obtenir par un supplément de présence, ce qu’il ne peut en fait obtenir, ce qu’il ne va jamais savoir obtenir par le traitement de l’absence. Il faut être plus présent, de plus en plus présent. Et le terme d’absence ne l’intéresse pas parce que lui il va introduire la séparation.
Alors les conséquences de tout cela sur le sujet individuel de la parole, c’est terrible. C’est terrible parce que ça veut dire quoi pour ce modèle-là ? Cela veut dire que la compétition intrapsychique, qui est notre lot à tous, entre une modalité de fonctionnement de type de la jouissance où nous sommes happés par l’autre, et une autre dimension qui est plutôt l’installation d’un désir, ou des bribes, voilà quelque chose qui aujourd’hui fait que le sujet est laissé abandonné à cette compétition intra psychique. Alors qu’en principe, le travail de la culture qui passait par d’une génération à une autre, a comme objectif d’essayer de l’inscrire davantage du côté du désir, à donner l’avantage au désir plutôt qu’à la jouissance. Mais ici comme la génération qui doit faire ce travail là, se trouve complètement mise à mal, elle est chancelante, parce qu’elle ne sait plus très bien comment elle doit assumer cette affaire, au nom de quelle légitimité elle peut encore le faire. Ce qui n’est pas au clair avec le fait que de finalement c’est à partir du trou qu’elle peut l’assumer, enfin tout ce je vous l’ai dit auparavant. Cela laisse probablement toute une génération en train de se trouver à devoir régler elle-même cette compétition intrapsychique. Et je vous assure que quand vous demandez aux enseignants aujourd’hui qu’est ce qu’ils voient, qu’est ce qui caractérisent comme évolution dans les quelques années, la plupart vous réponde la diminution du temps de la capacité d’attention. Pourquoi ? Parce que ce qui n’est pas mis en place au moment d’empreinte, au moment important à cet endroit-là, après vous le rattrapez très difficilement. C’est dans le moment précisément de la petite enfance que vient se mettre en place là cette manière de venir donner avantage à la question du désir pour autant qu’on respecte le renoncement à l’immédiat, tout ce que j’ai dit, que j’ai résumé finalement sur le terme d’interdit de l’inceste, au sens où je l’entend bien sûr 1 :03. Et bien c’est dans la mesure où ça c’est soutenu par la génération du dessus, que l’enfant se trouve favorisé dans ses capacités, qui seront celles d’écrire, de lire et de calculer. Mais si à ce moment là il est laissé livré à lui-même, le temps d’empreinte étant dépassé, il va se retrouver avec un appareil psychique, qui pourrait peut être vraiment être modifié. D’où c’est vrai nous discutions hier de l’influence des neurosciences dans l’affaire, et bien cela ne m’étonnerait pas, et cela n’étonnerait pas non plus les neuro scientifiques un peu sérieux , de se dire mais qu’il y a des neurones qui fonctionnent un peu différemment. On va mettre des voies privilégiées qui vont précisément faire l’économie de ce travail. Et une fois que c’est mis en place, c’est difficile à rattraper. C’est bon pour les psychothérapeutes. Mais pour le reste c’est autre chose. Donc on se trouve d’une certaine manière, et c’est d’ailleurs très intéressant, parce que j’avais pensé, toujours trouvé très intéressant le travail de Serge Leclaire en son temps qui avait écrit un livre qui s’appelle « démasquer le Réel » et où il racontait l’histoire de 3 cas cliniques, de sujets qui pour des raisons familiales, s’étaient retrouvés sans l’interdiction de l’inceste. Il a des formules et des pages superbes sur ce que doit mettre en place la mère, qui ne doit pas être une mère m e r, mais plutôt un père c’est à dire qui doit parvenir, la mère étant la première qui, à partir d’une absence de limites, doit mettre des limites. C’est elle qui va faire ce boulot là, qui doit être bien sûr soutenu par le père, mais c’est surtout son travail à elle. Lorsque ce n’est pas fait, comme le dit Serge Leclaire, ces sujets sont condamnés leur vie durant à inventer la limite, à la mettre sans arrêt sur pied d’une manière qui ne tiendra jamais puisque c’est eux même qui l’avait mise. La difficulté est là, c’est que si vous devez la mettre vous même elle n’a pas vraiment d’assise. L’assise de la limite doit être dans un ailleurs. Pour que ça tienne dans la langue. Et bien cette hypothèse de Serge Leclaire, je crois qu’on peut aujourd’hui pour moi l’étendre au social. C’est-à-dire qu’on peut dire que ce n’est plus pour des raisons familiales que certains n’ont plus les capacités à poser des limites et à s’en soutenir, mais qu’ils sont condamnés sans arrêt devoir l’installer, et je vous assure ce n’est pas rien quand un sujet est en proie à ça, et aujourd’hui c’est pour une raison non plus familiale, mais pour des raisons sociales que cela pourrait se passer. C’est pourquoi j’insiste beaucoup, parce que j’aime bien montrer comment cela pourrait se passer, j’aime vraiment beaucoup d’avoir trouvé dans un texte de Lacan, dans cette lettre à Jany Aubry, il écrit à Jany Aubry pour lui dire ce que au fond les psychanalystes d’enfants doivent attendre de la psychanalyse Et il commence par rappeler qu’il y a deux sortes de symptômes au fond dit-il. Il dit que le symptôme peut représenter la vérité du couple familial, c’est le cas le plus complexe et le plus ouvert à nos interventions dit il. Et l’articulation se réduit beaucoup quand le symptôme qui vient à dominer ressorti de la subjectivité de la mère. Ici c’est comme corrélatif d’un fantasme que l’enfant est intéressé. En fait Lacan fait une distinction entre le symptôme de l’enfant qui relève du couple familial et le symptôme de l’enfant qui relève seulement de la subjectivité de la mère. Et bien sûr tout ce que je vous dis doit vous rendre facilement pensable que nous faisons de plus en plus des enfants seulement de la mère. C’est-à-dire d’enfants qui n’ont plus justement référence à un couple, mais que la structure de la famille monoparentale n’est pas qu’une notion sociologique. Au fond nous avons affaire aujourd’hui pour moi à l’émergence de la clinique du monoparental. Une clinique de la famille que j’appelle bi-monoparentale même si ils sont deux mais qu’ils sont deux non articulés, ils sont deux fois un, à qui nous avons affaire. Et ça veut dire quoi ? Et j’en reviens à ce que je disais au début, la mise en place de l’écart, l’inscription de l’interdit de l’inceste, se fait alors sans l’appui de cette référence paternelle. N’en faites pas tout de suite quelque chose de dramatique d’office. J’insiste simplement pour dire que le sujet n’a plus qu’une solution , c’est de lui-même mettre la barre sur l’Autre, de lui-même prendre la mesure de ce que l’Autre n’est pas le non castré qu’il pourrait penser. Mais ce travail-là c’est un travail qui pour certains sujets est très difficile à faire. Il y en a d’autres qui y arrivent, voire s’ils ont l’impression d’être aussi dépendants de l’Autre sans cette possibilité de pouvoir s’en dégager, de se construire dans cette absence à soi-même, qui va leur permettre, autrement dit, de trouver une défense extrêmement efficace, dans le fait de ne plus être assujetti à l’Autre. Mais moyennant quoi, il y a le prix de cette absence à eux-mêmes qui ne leur donne pas le sens pour trouver leur propre désir. C’est la difficulté. Je trouve beaucoup de jeunes aujourd’hui qui sont en difficultés de cet ordre là. Ils n’ont pas vraiment les modalités pour inscrire ce qu’ils doivent faire, ils ne savent d’ailleurs pas ce qu’ils veulent, absolument pas, mais ils sont dans un état qui les rend – parce que c’est ça la caractéristique d’être soumis uniquement à la mère, vous êtes dans un rapport uniquement à la mère, mais entendez non pas comme la méchante maman, c’est pas ça, mais entendez comme le premier Autre auquel on a affaire, et dont je n’ai pas pu me dégager encore, dont je suis encore non séparé de ce premier Autre, et bien dans ce co
ntexte là il se trouve très passif, il se trouve dans une très grande passivité, parce que d’une certaine manière ils ont récusé la dimension de l’activité, qui pouvait être un engagement phallique, on peut dire comme cela qu’ils allaient y trouver une issue, mais ils sont complètement noyés dans une position où figurez vous ils ont un très grand avantage parce que ils n’ont même pas à faire un effort pour être ce qui comble l’Autre, il suffit qu’ils soient là. Alors ça c’est vraiment la position fantastique, voilà du coup s’installe comme ça une passivité assez conséquente, ils peuvent , et vous en voyez des traces tout le temps – je ne sais pas si vous avez déjà repéré par exemple dans notre discours social aujourd’hui récuse le terme de père ou le terme de mère pour parler sans arrêt de papa et de maman. C’est la maman de monsieur Sarkozy. C’est le papa de celui-là. Or c’est très joli ces termes là. Ca veut donc dire, que le social est en train aujourd’hui de se tromper, c’est comme s’il devenait l’extension du privé qu’il n’était que l’extension du privé. Or le social c’est une rupture avec le privé. Moi j’ai eu je me rappelle bien , ma belle-fille un jour avait dit que mon petit-fils qui avait 4 ou 5 ans, en se promenant dans la rue, rencontre un autre petit copain, et à ce petit copain il s’adresse et en montrant sa maman et il dit « voilà ma mère » ! Boum !! Le coup a été dur pour la maman en question, elle a pris un coup, mais voilà c’est ça le truc et en même temps c’est un coup heureux. Elle savait bien ce que cela signifiait. Il avait déjà pigé quelque chose. Et bien aujourd’hui vous voyez que même dans le discours social, c’est maman qui triomphe, c’est-à-dire des propos d’enfants. On parle beaucoup aujourd’hui de la difficulté des enfants qui parlent mal. Mais ça n’est autre chose que l’extension du parler privé dont il s’agit dans le parler public. Cette génération va devoir travailler à restituer la manière de devoir parler public, c’est drôle, on est vraiment dans ce monde là où c’est le privé qui va finir par devenir le public par inflation comme la grenouille qui fait le boeuf, non le public vient faire rupture, et si vous n’avez pas cette possibilité d’accéder à cette structure qui est reconnue, vous n’arriverez pas à avoir accès à quelque chose qui est de l’ordre public. D’où l’intérêt de ce que dit Lacan de la langue, de la Lalangue.
Il y aurait des tas de choses à dire là dessus. En tout cas je pense que, et je ne vais pas en rajouter beaucoup plus, on peut en discuter si vous voulez, je vais peut être m’arrêter là, il me semble que c’est déjà long assez. Ca va ? Je voulais simplement dire que vous voyez pourquoi, je dirai volontiers je crois que si vous voulez supporter ce que je vais dire sans vous en offusquer trop, je pense que nous sommes au delà de toutes les crises que nous devons traverser, nous sommes dans une crise de l’humanisation. N’entendez pas crise comme catastrophe, crise comme le gouvernement belge qui met 545 jours à se constituer, c’est ça que je veux dire comme crise. Nous ne savons plus comment il faut humaniser, parce que nous avons perdu tout une série de repères, et nous ne nous mettons pas à la hauteur de ce qui est exigé pour l’humanisation. En revanche nous dénions la démesure du social dans lequel nous sommes et nous risquons donc beaucoup de ne pas aider les gens et la génération d’après, à s’humaniser, et ça donnerait à ce moment là une terrible vérité à ce que Morgan Scortèse a mis dans son roman « Tout tout de suite », qui raconte littéralement l’histoire du gang des barbares, il a mis en exergue cette phrase de James Semprun que je vous cite de mémoire où il dit que les écologistes ont le grave souci de quelle terre allons-nous laisser à nos enfants, mais il dit qu’il y a encore une question beaucoup plus grave, quels enfants allons-nous laisser à la planète. Je vous remercie.