ALI-Provence

Transcription d’interventions enregistrées lors du Séminaire d’hiver de janvier 2016

Cette transcription n’a pas été soumise à la relecture des intervenants et est donc sous la responsabilité de Lucile Lignée et Rafaëlle Bernard-Rolain.

Intervention de Marc Morali :

Il s’intéresse au texte de 1904 et retient 2 mots qui lui paraissent essentiels pour la question de la technique psychanalytique mais aussi car ils sont d’actualité dans le social aujourd’hui :

Élargissement de la conscience

Catharsis de Breuer

Freud a appris quelque chose de l’hypnose : l’élargissement du champ de la conscience. Mais dans l’hypnose elle est aussi congédiée car elle ne participe pas à l’élaboration psychique du matériel que l’hypnose révèle. C’est pour ça que ça ne marche pas.

Freud fait le choix de l’association libre comme autre modalité de l’élargissement de la conscience, qui permet de retrouver la nature même de l’appareil psychique car le simple fait de se soumettre aux associations libres fait qu’on rencontre un bord. Un bord, car quelque chose cesse et le patient ressent l’imminence d’un danger, une frontière à partir de laquelle ce qui pouvait l’anéantir va prendre un autre sens à cet endroit. Il fait l’épreuve de la division psychique.

Quelle est la nature de ce bord, quelle est sa structure par rapport à ce qu’il appelle l’appareil psychique ? L’appareil psychique se différencie de l’esprit/ de l’âme/ de la psyché. C’est intéressant de le situer dans ce sillage car pour Freud c’est la question du père.

Ce bord, cette division, c’est ce qui s’oppose à l’hypnose.

Pour élargir le champ de la conscience : les drogues, le transfert en rapport avec la suggestion.

Aujourd ‘hui à Strasbourg il y a un nouvelle discipline : la méditation en pleine conscience : non seulement la conscience est élargie mais elle ne rencontre plus de bord. Qu’est ce qui fait retour aujourd’hui ? Cette pente naturelle de l’appareil psychique d’être soumis à l’élargissement de la conscience que Freud appelle l’association libre, il fini par remarquer que si l’association libre conduit quelque part c’est parce quelque chose leste la parole, lui donne son poids, l’attire vers un point précis .

Il y a deux mécanismes dans la cure, deux dimensions contradictoires où est prise la psychanalyse que Freud est obligé d’interroger :d’un côté une dimension universelle la technique la même pour tous, et en même temps du matériau singulier chacun est différent et chaque cas peut contredire la théorie.

Il est paradoxal de dire catharsis de Breuer. En fait elle est d’Aristote. Pour Freud il y a là un souci que j’essaye d’introduire comme ça, ça introduit une question très importante dans le travail de Freud surtout quand il s’approche de la question d’un Réel, qu’il appellera avec ses mots car il n‘a pas les concepts lacaniens, il appellera ça le somatique, il faut l’entendre comme un réel.

Il dit quelque chose de surprenant de cette dimension qui est dans la même veine que cette question de l’élargissement de la conscience. Il dit que si on comprend la catharsis comme un simple mécanisme de décharge auquel il faut ajouter un aménagement, l’abréaction, alors la psychanalyse ne peut pas se contenter de ce mécanisme de décharge mais de ses effets sur l’appareil psychique. Cela a toute son importance car on voit bien que là quelque chose du Réel intervient. Mais s’il n’y a pas à cet endroit-là d’élaboration par l’appareil psychique, alors nous ne sommes plus du côté de la psychanalyse.

Pour vous montrer que dès les premiers textes qui peuvent paraître anodins, nous sentons poindre ce que Freud attend comme précisions concernant son outil avec l’esquisse de ce qui dans le champ social (la notion du père) préfigure déjà les questions des réaménagements de la deuxième topique qui même si elle n’est pas toujours très appréciée, introduit de façon très claire l’articulation de la singularité avec le champ social.

Donc on peut lire Freud sans les commentaires de Lacan et que cette lecture éclaire Lacan contrairement à ce qui est répandu.

Intervention de Perraudin :

Citation de Jean-Jacques Rassial : « la règle fondamentale dit moins comment le patient va parler mais plutôt comment je vais vous écouter »

Intervention de Darmon : sur le texte de l’engagement du traitement

Le mot engagement est plus significatif que le mot début.

Freud compare cet engagement du traitement à un engagement dans une partie d’échecs, au moment de l’ouverture donc il y a beaucoup de possibilités mais les choix sont restreints, il y a certaines manœuvres délicates qui engagent la suite. Et cette métaphore sur le jeu d’échecs est exactement la même que ce que Ferdinand de Saussure emploie pour faire entendre ce qui définit le signifiant, c\’est-à-dire un système de différences où chaque signifiant tient sa place en fonction de tous les autres. Vous pouvez remplacer dans le jeu d’échecs une pièce par n’importe quel objet, un bouchon par exemple, l’essentiel c’est sa valeur par rapport aux autres pièces et à ses possibilités de mouvement. On entendait dans ce petit texte Freud situer l’analyste du côté du symbolique : l’entrée en analyse suppose le dégagement, la mise au jour de cette dimension symbolique.

Intervention de C. Melman après M. Morali

Il reprend le mot d’élargissement de la conscience que Marc Morali a utilisé.

« La conscience n’est aucunement ce qui donnerait sa juste mesure à la réalité, car nous savons depuis Freud qu’elle est entièrement informée par l’inconscient. C’est donc à partir d’une position inconsciente que nous interrogerons l’inconscient de telle sorte que nous n’avons aucune raison de ne pas estimer que c’est d’un point de vue névrotique que Freud aborde la question de l’inconscient. Et je crois que que nous voyons bien de quelle façon ce parcours est alimenté par ce que légitimement d’un point de vue névrotique et nous en avons l’illustration immédiate dans ce qui est sans cesse en rappel dans le processus de l’hypnose. L’hypnose ça veut dire qu’il est toujours possible de venir introduire à l’insu du sujet, le texte qui va ensuite commander sa conduite. Et ce dont il s’agit dans l’analyse, c’est de venir déchiffrer ce texte qui chez chacun, hypnose ou pas hypnose, se trouverait inscrit de telle sorte qu’il commanderait sa conduite. Autrement dit la question pour Freud, et je ne crois pas ici me livrer à une interprétation sauvage, que ce qui l’intéresse c’est pour chacun d’entre nous le texte originel qui détermine effectivement sa conscience et sa conduite. Et ce texte originel évidemment la bascule se fait du côté de l’origine autrement dit de la question du texte inscrit du fait du refoulement par le rapport à un père.

L’exemple que Darmon nous a rappelé, celui du mot de passe, des dames diront qu’elles vont cueillir quelque fleurs , qu’elles disent qu’elles vont aux toilettes, c’est une métaphore tout aussi recommandable et valable que de dire qu’elles vont cueillir des fleurs. Autrement dit je n’aurai de façon de traiter ce qui à cette occasion se trouverait venir risquer de faire surgir ce qu’il en est de la castration féminine en l’occurrence, je ne saurai le traiter que par une métaphore.

J’ai connu une dame qui avait sa formule à elle, elle disait je vais au pipi room. On s’approche de ce qui serait une saisie là de la formule directe avec la réalité alors que bien évidemment je ne vais pas développer l’usage d’un terme qui mène de la langue d’origine à la langue étrangère mais il est bien évident là aussi que l’on est dans la métaphore et le problème des métaphores c’est de savoir le mode de rapport au réel qui les origine.

Donc si vous voulez pour notre propre démarche eclaircir ceci nous avons entendu un parcours que nous allons définir de rationnel, à part quelques remarques très jolies et adjacentes c’est un recensement rationnel. Mais la rationalité, c’est bien connu, est un mode névrotique de défense contre le père, c’est tout simplement la volonté de sa suppression, … c’est une succession de logique de terme il n’y a pas de mystère, la démarche rationnelle est une modalité défensive et névrotique contre le texte originel.

Le progrès de Freud dans ces écrits, c’est pourquoi on en peut en lire un sans tenir compte de son parcours, c’est d’abord de montrer que ce texte originel avec ce qui se trouvera dans la perlaboration, la résistance du sujet à vouloir y renoncer, c’est bien normal qu’il y tienne c’est là son origine, alors on voit pas pourquoi il consentirait si facilement à le mettre de côté. Freud il dit oui il suffit de lui laisser le temps, mais le temps ne fait que l’entretenir bien sur. Mais avec cette liquidation du transfert, c\’est-à-dire de cet amour pour le savoir inconscient, ce texte originel qui a avoir avec le refoulement exercé par le père. Avec la liquidation du transfert, il y a quelque chose qui fait origine et aspiration pour se constituer en texte mais c’est là tout ce qu’on peut dire. Et il s’agirait de repenser à l’amour que le causateur supposé de ce texte entretient pour chacun d’entre nous. C’est pourquoi on va dire que Lacan a pris les choses au niveau de ce terme de Freud, de cet aboutissement, je passe sur le fait que Freud a dit que ce texte était étranger puisque Moses est égyptien. Ce qui aboutirait à ceci, que je vous prierai de considérer pour savoir si nous pourrons accepter que ce que chacun d’entre nous est amené là-dessus à dire, s’expose à n’être pas moins névrotique que le fragment auquel il s’intéresse ; qu’est-ce qu’il y avait pour garantir que ma propre parole ici se fonderait autrement que sur ce qui serait mon approche tout à fait personnelle de névrosé dans l’étude de l’inconscience.

Il y a des réponses à cela…. en tout cas nous ne pourrons pas légitimement échapper à ceci ; que Freud n’avait à sa disposition d’autre position que névrotique pour aborder la question de l’inconscient ; les débuts de la technique, ce qui nous intéresse et c’est je crois ce que nous avons à légitimement accepter pour du même coup ne pas refuser, ce qui va être pour chacun d’entre nous notre propre approche.

Question de JJ. Tysler

C’est sur le temps. La référence au jeu des échecs, le jeu d’échecs est très différent si le temps est infini ou si tu es dans un concours où le temps est imparti. Les techniques n’ont rien à voir. Ce qui est intéressant c’est que les textes sur lesquels s’appuie la technique analytique, il faudra bien en parler, c’est que les cures dont nous parle Freud sont très courtes. D’ailleurs il n’y a que celle de l’homme aux loups qui a dépassé un certain temps. Pour le reste, ce sont des moments très courts. Il y a ça qui m’a toujours paru étrange, c’est qu’on n’a pas beaucoup de réflexion, mes collègues expliquaient ce qu’avait produit l’allongement massif en terme d’années de dizaine d’années, le temps des cures quand on reprend les textes de Freud lui qui travaillait, comme au jeu d’échecs, sur un temps imparti. On n’est plus du tout dans la même temporalité et quid de la technique en rapport ?

La psychanalyse sauvage : C. Lacôte

Entre trauma et inscription et déchiffrage de la cure ?

Dans ces textes qui sont pas si simples que ça, on peut lire, déchiffrer l’inquiétude de Freud devant ce qu’il a déclenché. Cela se lit aussi dans les correspondances.

Freud a –t- il ouvert un espace de sauvagerie ? C’est ce que dit Fathi Benslama à propos d’internet.

Freud sur l’interprétation « ne sommes nous pas obligés de faire connaître la vérité telle que nous l’avons découverte ». Il s’agit de lever l’ignorance, il s’agit de savoir et pas forcément de la vérité (problème de traduction française). Alors quels sont les obstacles au savoir ? Il ne suffit pas d’informer le patient d’éléments traumatisants pour que cela s’inscrive. L’importance de cette caricature de l’inscription qui se fait en même temps que le déchiffrage, et la caricature c’est bien sûr le trauma. Le trauma c’est quelque chose qui induit l’absence du sujet, que cette absence se marque par l’oubli ou surtout que le sujet n’y était pas encore.

Un psychanalyste en annonçant une vérité lancerait malgré les apparences subjectives de son énonciation une parole désubjectivée en réalité. En effet la vérité, mi-dite selon Lacan ne vaut que pour et par la psychanalyse, la vérité est d’emblée non pas dans le mi-dire mais dans le trou-dire, brute brutale la vérité une se pose sous la forme d’une évidence, transmettons une évidence, il ne me semble pas… Le psychanalyste qui lance une vérité s’échappe lui-même à sa division subjective et invoque une transcendance intacte et le psychanalyste se met sur un mode philosofico-religieux et présente la lune à son patient. L’évidence en effet ne s’évide pas dans ce cas là comme le jeu de mot de Lacan le précise. «  La sauvagerie de cette vérité toute dite » et Freud s’inquiétait de cette sauvagerie au début de la psychanalyse.

Je propose aujourd’hui cette réflexion de fethi Benslama à propos d’internet, il dénonce internet comme espace de sauvagerie où on peut dire n’importe quoi à n’importe qui mais en toute vérité, puisque le seul rapport qui est lié à cette vérité toute c’est l’appropriation de ma ou sa ou notre vérité. Là encore il ne s’agit pas du contenu de ce qui est envoyé sur internet, il ne s’agit pas des représentations terroristes, la violence est dans ce mode de vérité total où le sujet se fait anonyme en général, derrière sa vérité paradoxalement qu’il possède.

Freud dans ce texte ne parle pas de vérité mais de savoir, soucieux de la formation de ses disciples, savoir à communiquer au sommet de la résistance, choisir les bons moments, pour un savoir progressif et complet. Dans le texte de l’analyse sauvage il complexifie la notion de sexualité et pas seulement pour ne pas choquer Vienne mais pas non plus en savoir de maître.

Lettre de Freud à Jung du 21 avril 1907 : «  je sais qu’on apprend plus de 3 analyses poussées dans le détail que de tout ce qu’on ne peut jamais bricoler à son bureau »

Ce qui nous guide dans le détail ce n’est pas le signifiant qui aurait été traumatique d’avoir été trop sidérant, mais peut-être qu’au-delà de toute vérité, le signifiant par son Réel par lequel il peut s’inscrire, le signifiant est bête, fondamentalement bête, c’est la trace de son attache au réel.

M. Morali :

C’est quoi la vérité en psychanalyse ?

« Il n’y a pas de possibilité de parler de politique si on n’a pas entre les gens qui en parlent un accord sur la vérité » cet accord sur la vérité chez nos politiciens procède du mensonge.

La psychanalyse introduit quelque chose de nouveau c’est le mot de semblant. Est-ce qu’il y a autres chose que des semblants de vérité en psychanalyse ?

La psychanalyse sauvage, est ce qu’elle interroge quelque chose qui serait du semblant dans le discours ou bien justement ce que Lacan nomme un discours qui ne serait pas du semblant et qui serait comme tel éminemment traumatique pour qui n’est pas demandeur de cette rencontre.

C’est pourquoi la façon dont tu as amené la question de la vérité au milieu de ce texte me paraissait très justifiée.

Je me demande si ce médecin ce n’est pas lui, il le ménage un peu trop pour être honnête.

Référence à ce que tout le monde se saisit de l’intime et comment la sauvagerie parfois de l’interprétation qui nous fait violence car nous n’en voulons rien savoir…

Ouvrir un espace sans limite, et qui pourrait être utilisé par n’importe qui..

Intervention de C.Melman après C. Lacôte

Nous voulons tous savoir la vérité mais lorsque Freud prône l’élargissement du champ de la conscience, il est pour l’interprétation sauvage parce que si l’inconscient est fait de lacunes dans le champ de la conscience, il est bien évident que vouloir le combler est de l’ordre de l’interprétation sauvage. Cette façon de traiter Dora est évidemment limite, c’est ce qu’il lui dit à Dora, « au lieu de tousser tu ferai mieux d’aller baiser », on peut pas dire, ça n’a pas eu les effets espérés, mais même l’ouverture de la science des rêves avec l’injections faites à Irma, ce qui se présente d’emblée c’est CETTE femme qui nous cache la vérité, donc où est-ce qu’elle le cache, où est ce qu’elle le met, où est-ce qu’elle le dissimule ?

Alors ça nous amène à considérer que il y a du point de vue analytique chez Freud, bien que ce soit proche de l’interprétation médicale, il y a quand même ceci que pour pallier l’absence de vérité il n’y a que la jouissance des corps ; y’a que ça et que si c’est pas ça, c’est la condamnation aux errances de la névrose et toutes ses déviances etc.

Alors pour l’analyse et en particulier pour Lacan car il est le seul à réserver une place à ce que c’est que la vérité, il n’y a pas de place chez quiconque, la vérité on s’en fout, on s’en fout pour la raison suivante : ça ne sert pas la jouissance à la réalité, une fois qu’on en a extrait je dirais la pornographie la jouissance des corps ou l’exhibition qui est aussi une façon de la traiter la vérité…

Alors qu’est ce que ce serait la place de la vérité dans les 4 discours ; c’est qu’il y a dans l’inconscient de l’écriture qui n’a aucun sens et qui ne sert pas au fantasme. Comme dans l’ADN il y a des éléments écrits qui à priori n’ont aucun usage…Aussi je ne pourrais pas non plus prendre l’inconscient comme une manifestation de ce qui serait l’épuisement du réel par le nom du père, que le nom du père ce serait tout.

R. Chemama :

Rappel historique de Freud :

D’abord expliquer les symptômes, puis ensuite le travail est de découvrir les complexes.

1904 « Il n’existe pas de névrose sans quelques amnésies »

La psychanalyse consiste en la levée la levée du refoulement et la remémoration.

Avec le texte « Perlaboration..» Freud modifie-t-il la pratique ?

Il dit dans ce texte que souvent chez les patients les voies de la remémoration sont très obstruées, le refoulement se traduit par une résistance au retour des souvenirs. Et ces résistances empêchent de penser la direction de la cure dans la seule dimension de la remémoration. Quand la résistance est trop forte, le sujet en analyse répète au lieu de se souvenir.

L’analysé ne se souvient pas s’être senti au cours de ses investigations infantiles sexuelles désespéré et déconcerté, et parce qu’il ne souvient pas, il l’exprime autrement, il dit qu’il est déconcerté par la cure. C’est dans la cure que son désarroi se répète.

Donc dans ce texte Freud prend en compte la répétition, il a l’idée que celle-ci a une vraie consistance, qu’elle ne va pas facilement et qu’il faudra un temps pour la dépasser, ce qui pourrait impliquer un changement de technique.

Il me semble néanmoins que Freud ne va pas vraiment jusque-là et c’est bien la question aujourd’hui. Il met plutôt l’accent sur le fait que cette dimension qu’il explore n’est perçue que négativement. Disons que la répétition y compris dans la cure c’est seulement un moins par rapport à l’analyse. Parce que le but de l’analyse lui n’a pas changé son but il le dit dans l’article est le rappel par le souvenir à la vieille façon … la seule voie possible consiste dans un premier temps… il faut analyser ce qui se répète et cela n’a de valeur que si ça permet au bout du compte de remettre en marche le mouvement de remémoration. Ce sur quoi fondamentalement se fonde l’analyse c’est la remémoration.

Si je rappelle tout ça, c’est pour mesurer la prise de position de Lacan au début du séminaire 1. C’est vraiment un des premiers points sur lesquels Lacan intervient. Lacan d’ailleurs ne présente pas son apport comme contradictoire avec Freud, disons qu’il renouvelle la lecture de Freud «  pour Freud ce dont il s’agit c’est moins de se souvenir que de réécrire l’histoire ». Ce qui n’est pas exactement ce que dit Freud.

Lacan conçoit à cette époque là la psychanalyse comme la réintégration par le sujet de son histoire. Or l’histoire n’est pas le passé, elle est le passé pour autant qu’il est historicisé dans le présent. Il y a ici me semble-t-il 2 idées : d’une part il ne s’agit pas seulement de souvenir, il ne s’agit pas d’ une reviviscence du passé au sens affectif mais il s’agit d’une reconstruction…..Lacan dit construction dans l’analyse.

Le plus important c’est la question du temps puisque même quand le passé qui est abordé dans un cure, il faut maintenir, et je ne fais ici que citer Lacan «  il faut maintenir un point de vue structurel » et ce point de vue structurel dit Lacan fera que Freud va de plus en plus se centrer sur la relation clinique dans le présent sur la séance dans son actualité même entre les 4 murs de l’analyse.

Il me semble que ce que Lacan dit renvoie à une certaine conception de l’inconscient, celle-ci apparaît plus loin dans le séminaire.

Leçon du 7 avril : Lacan présente l’inconscient comme étant à la fois : quelque chose de négatif, inaccessible / quelque chose de réel / quelque chose qui sera réalisé dans le symbolique ou plus exactement qui grâce au progrès symbolique dans l’analyse aura été…

Alors j’aurais envie de dire qu’au fond l’inconscient n’est pas, il n’a pas de dimension en dehors de la cure, il n’est pas tant que quelque chose ne s’est pas passé dans les 4 murs de l’analyse, il n’est pas sans le progrès symbolique. Et je peux encore citer quelques lignes de Lacan dans la même page : « ce que nous voyons sous le retour du refoulé est le signal effacé de quelque chose qui ne prendra sa réalisation symbolique, sa valeur historique, son intégration au sujet que dans le futur et qui littéralement…  » Ce sont des questions importantes je pense

Et pour en parler je ne souhaite pas en rester sur cette seule mise en tension des textes de Freud et de lacan.

Il me semble nécessaire d’avoir une approche historique plus large. Entre Freud et Lacan il y a des analystes auxquels Lacan lui-même se réfère et qui constituent à la fois un jalon important de l’histoire de la psychanalyse et l’occasion de reposer des questions toujours actuelles.

J’ai choisi l’ouvrage de Rank et Ferenczi «  Perspectives de la psychanalyse actuelle », ouvrage publié en 1924. On trouve dans ce petit titre, sous la plume de Ferenczi une présentation très particulière de la question de la répétition qui s’est appuyé sur une discussion du texte « remémoration répétition perlaboration ». Pour Ferenczi ça ne sert à rien de vouloir élargir le champ de la conscience. Ce qui pour Ferenczi a un effet thérapeutique c’est le fait que les facteurs pathogènes soient réactivés dans la cure elle même. Les processus pathogènes reviennent au premier plan dans le cadre du transfert et c’est en les revivant dans ce cadre que l’analyse progresserait. Mais ce n’est pas tout, pour lui les motions pulsionnelles ne peuvent jamais revenir sous forme de souvenir, elles ne peuvent se manifester que sous forme d’actes, répétées, ça peut être conçu d’un acte psychique et pas seulement d’une remémoration. Ce renoncement radical à penser la cure comme remémoration est solidaire d’une nouvelle conception de l’inconscient. L’analyse du transfert, dit Ferenczi, c’est faire ressentir pour la première fois intensément ces motions de désir chassées par l’enfance qui dans l’inconscient aspirent toujours à leur réalisation. Je souligne ces mots les motions pulsionnelles aspirent à la réalisation. L’inconscient dans cette conception c’est toujours du non réalisé. On est très prés de ce que dit Lacan dans les 4 concepts «  l’inconscient comme non réalisé ». Vous voyez je résume si l’analyse n’est pas la remémoration il faut insister sur l’idée qu’on ne pourra jamais retrouver dans l’inconscient au titre de souvenir, de pensée ou de désir qui aurait été vécu pleinement et oublié par le refoulement. Il faudrait peut être concevoir que s’il n’a jamais été ressenti intensément, et insiste toujours pour se réaliser, il ne peut le faire que dans l’analyse elle-même, dans le transfert.

Si j’insiste là-dessus c’est que l’analyste a une responsabilité beaucoup plus grande que s’il s’agissait simplement de fournir les conditions pour que le sujet retrouve en lui-même ses souvenirs, sa soif de signifiant.

Comment concevoir la responsabilité de l’analyste ? Je suis obligé d’aller vite pour introduire un pas de plus. Il me semble que l’analyste est responsable dans le sens où …..Si l’analyste refusait d’y aller de ses signifiants propres. Si les signifiants de la cure ne sont pas avancés comme extraits d’un savoir déjà là, un savoir que l’analysant n’aurait qu’à se remémorer. Si les signifiants de la cure sont produits par la cure elle-même, on saisit mieux l’importance des signifiants apportés par l’analyste, on saisit mieux comme dit Lacan dans une formule, qui pourrait en surprendre quelques uns, dans l’acte psychanalytique du 7 janvier « ce en quoi, dit Lacan dans cette leçon, le psychanalyste agit si peu que ce soit mais où il agit proprement, dans le cours de la tache, c’est d’être capable de cette immixtion signifiante, qui à proprement parler n’est susceptible d’aucune généralisation qui puisse s’appeler savoir »

Comment comprendre cette affirmation ? Lacan n’a pas beaucoup employé ce terme d’immixtion, il l’emploie à propos du rêve de l’injection faite à Irma o ù il évoque un sujet polycéphale qui aussi bien pourrait se représenter comme un sujet acéphale et qui pour nous peut figurer l’inconscient.

Revenons à l’immixtion des signifiants eh bien comme dans un rêve on peut entendre différentes voix, de même dans l’analyse il y a une polyphonie ou tout du moins contrepoint. Certes l’analyste tente de ne pas trop ajouter sur le texte de l’analysant, de mettre seulement en relief certains points du texte. Mais est ce qu’on pourrait penser par là qu’il reste neutre ?

Prenons même le cas où il se contenterait de répéter les mots que l’analysant a employé en racontant un rêve, au fond est-ce un signifiant de l’analysant ou de l’analyste ? Toute parole n’a pas valeur de signifiant. Le patient peut avoir prononcé tel mot en se fiant simplement à sa signification ordinaire, en quelque sorte usée, c’est l’analyste qui en fait un signifiant en le détachant et c’est alors seulement que l’analysant va lui donner une valeur de signifiant. Donc j’insiste détacher un mot du discours, c’est déjà lui donner une signification particulière. Alors une question vient à se poser est ce que nous sommes toujours sûrs quand nous procédons à ça que ce n’est pas en relation avec ce qui ….pour nous.

Cette immixtion a pu naître car l’analyste joue sur les mots, il joue sur l’équivoque puisque si on suit Lacan l’interprétation se présente souvent sur l’équivoque. Un analysant rêvait que les objets tombaient de la table mais ne se cassaient pas et l’analyste risquait une polysémie «  ça tombait bien ». C’est qui donnait au terme « tomber » la valeur d’un signifiant susceptible d’avoir un effet de sens. Ca veut dire au fond que l’analyste intervient avec des signifiants dont il ne sait jamais tout à fait si ceux sont les siens ou celui de l’analysant ou si la part des signifiants de l’analysant par ce que sa rencontre est signifiante ou encore si l’analysant pour dire son désir inconscient ne peut pas faire autrement, à un moment donner,qu’emprunter les signifiants de son analyste et qu’il est donc légitime à ce moment que l’analyste fasse usage de ce qui pour lui-même à valeur signifiante, puisque l’analysant à ce moment là ne peut qu’emprunter ce chemin.

Peut être y aurait il une autre façon de relier tout ce que je vous dis à la méthode psychanalytique. Il me semble que dans l’histoire de la psychanalyse les analystes se sont trop souvent défendus contre le rôle joué dans la cure par le désir de l’analyste. Ils se sont défendus de la nécessité d’introduire des signifiants dans la cure. Et c’est donc pour cela que certains analystes mettent un cadre supposé préalable à tout ce qui …c’est se défendre du désir de l’analyste de faire en sorte qu’une grande partie du travail soit déjà cadré.

La règle triviale comme quoi toute séance manquée par l’analysant doit être payée. Quelle que soit la valeur de cette règle, Freud en donne des justifications. Je trouve pour ma part plus intéressant de ne pas en faire… en l’énonçant à l’avance… un point purement technique.

Un patient s’absente car ce signifiant absence n’est pas encore entendu par l’analysante, commençait à faire pivot dans les rapports qu’elle entretenait avec son compagnon et sa fille.

Un jour elle appelle pour dire qu’elle ne viendrait pas. La séance d’après …de formuler la façon dont il me semblait qu’il fallait concevoir le sens de ses absences. C’est à partir de cette intervention que l’analysante a pu revenir sur la perception qu’elle avait de son enfance où elle s’absentait pour échapper à des actes graves.

Discussion :

M. Darmon :

Est-ce que l’inconscient était avant d’être interprété ?

L’analyste fait partie du nœud, c’est un parasite ;

Résoudre le paradoxe du signifiant qui était là sans être là, qui apparaît au moment de l’acte ? Les signifiants sont au croisement, ce croisement est essentiel et il n’est localisable qu’au moment où on l’oblige à se manifester à cet endroit ; voila comment je résous ce paradoxe.

La responsabilité de l’analyste, cette conception laisse une grande liberté à l’analyste, mais lui-même fait partie du noeud et ce qu’il fait a des conséquences.

R. Chemama

L’analyste fait partie du concept de l’inconscient

M. Morali :

Je tente une construction

De la reminescence à la remémoration

« Là ou je me souviens, je ne suis pas  » l’esquisse Freud, je suis ce souvenir là.

La régression : Freud dit est-ce qu’il s’agit de retrouver un souvenir ancien (régression temporelle), ou bien sommes nous devant un mécanisme qui reproduit à l’identique et qui touche à la structure, auquel cas ce n’est pas se souvenir de quelque chose d’ancien mais la reconstruction immédiate dans la conscience de cette chose là. La conscience est dirigé par l’inconscient à ceci près que la conscience est une synthèse hétérogène elle draine des matériaux hétérogènes, ça veut dire que le monde que nous construisons, là on est tous dans une salle on voit les perspectives, qui se rejoindront à l’infini c’est fantastique on sait que ce n’est pas vrai mais c’est ça qu’on voit. Si nous étions phobiques on pourrait reconstruire ce mur à l’identique on dirait qu’on ne veut pas rentrer dans cette salle parce que je vais me faire écraser par les murs. Cette perception en bocal, ça n’à rien avoir avec un souvenir quelconque c’est toujours le même mécanisme qui reconstruit le même monde. Cette découpe faite dans le texte de l’autre ce n’est pas fait n’importe comment, si tant est qu’on ne fasse pas une découpe technique, c\’est-à-dire qu’on fasse comme l’a dit Freud, qu’on laisse notre propre inconscient opérer cette découpe quand on entend, cette découpe elle viendra bien de quelque part.

R. Chemama :

Est-ce que le souvenir est un souvenir écran ? Est-ce que c’est une régression topique ou une régression temporelle ?

JJ. Tysler :

La filiation de Ferecnzi et de Klein

L’école anglaise a une conception très différente sur le contre-transfert.

C. Melman :

Si l’analyste fait partie de l’inconscient, c’est que dans l’inconscient il y a la notion d’adresse, comme s’il y avait là toujours un sujet qui cherche à se faire connaître, à prendre voix, ce qu’il n’a pas en général, c’est par le biais de l’écriture, c\’est-à-dire du lapsus qu’en général il se fait connaître. C’est bien pourquoi l’analyse est née avec l’hystérie, quelqu’un à l’évidence qui témoigne de ce besoin, cet appel à celui qui l’entendra. Et donc rencontrer quelqu’un disposé à cette opération ça nous permet d’entendre pourquoi l’analyste fait partie de l’inconscient.

Est-ce que nous pouvons dire que les signifiants qui circulent entre les deux se font à l’intérieur du transfert, qu’ils n’appartiennent plus ni à l’un ni à l’autre.

La répétition et l’élaboration ça ne marche pas ; A partir du moment où un analysant est amené à exprimer son inconscient par un certain nombre de passages à l’acte dans sa relation à l’analyste, à partir de ce moment là ça parait bien cuit ! Et malgré tous les efforts de l’un et de l’autre, on se trouve dans une situation de blocage qui ouvre un chapitre qui me parait important et que habituellement nous négligeons pour aller directement au chapitre de la pulsion c\’est-à-dire dans cette situation où le message venu de l’inconscient se traduit par ce qui immédiatement est une mise en acte. C’est une situation d’une grande actualité au niveau social, que des personnes, c’est vrai le plus souvent …cultivées mais ce n’est pas ce qui est caractéristique, puissent ainsi transformer le message venu d’une religion immédiatement en acte.

Ça ne va jamais de soi puisque nous sommes fondamentalement des créatures inhibées. Et donc à propos de ce que Freud amène de la répétition il y aurait à ouvrir ce chapitre de ce qui serait la disposition topologique très particulière et qui ferait que le message venu de l’Autre viendrait ainsi de façon immédiate et directe se traduire dans une action. Ce qui ouvre un autre chapitre très énigmatique c’est la façon dont chez le bébé un apprentissage qui fait passer de la parole entendue à la motricité, et si ce passage de la parole à la motricité ne se fait pas dans une fenêtre, un créneau de temps limité on aura affaire à un enfant handicapé. Il y a donc là des problèmes qui sont à la fois éminemment d’ordre psychique et également physiologique ouvrant la question si délicate du rapport entre le signifiant et le corps. Comment ça marche entre eux ? Et sûrement pas de la même façon pour chacun. Donc il y a tout un chapitre à propos de la répétition qui ne se trouve pas manifeste dans le texte mais qui mériterait d’être ouvert.

La perlaboration qui est d’ailleurs finalement…d’après Freud il suffit de s’en remettre au temps et que à force de ruminer l’interprétation qu’on lui à faite, l’analysant finira par comprendre etc.. ce n’est pas vérifiable. A priori on peut aisément comprendre pourquoi un analysant est scotché à son message originel s’il fait fonctionner comme un message originel, et que passer à l’étape suivante que pourrait espérer l’analyste et que Lacan espérait illustrer avec le processus de la passe, ce passage-là n’est pas des plus évidents.

La technique est différente de la praxis, la psychanalyse est du côté de la praxis

JP. Hiltenbrandt : le réel du narcissisme

Le narcissisme ici n’est pas entendu comme résistance.

La fonction narcissique peut prendre une forme de réel traumatique

Il y a un réel qui concerne le narcissisme.

Le narcissisme n’est pas seulement imaginaire.

Lacan insiste sur un réel de la dépendance du nourrissage, réel au miroir de la discorde primordiale, de l’incoordination motrice d’inachèvement organique, qui demande le reflet du miroir sans surmonter cette activité jubilatoire, nous lui donnons le sens d’un dynamisme libidinal. C’est donc un réel recouvert par une imaginarisation. Dans la répétition de la manifestation imaginaire, c’est sous la forme d’un réel que cet imaginaire se manifeste à l’identique de la forme initiale primitive comme Freud l’avait décrite dans totem et tabou. Ce nœud primitif, chaque fois on trouve un réel qui est finalement le point de départ de la dynamique subjective et qui va conduire aussi bien le processus de répétition.

Norbert Bon : est-ce qu’on peut distinguer éthique et technique ?

Colette SEPEL « le sérieux de l’amour de transfert »

– au début de la psychanalyse il y a l’amour d’Anna pour Breuer

– faire naître un désir autre, non pas un désir d’être aimé en retour mais un désir de savoir et de sortir de la plainte.

Tysler : la répétition ces flips et ces flops

3 exemples

1 la névrose obsessionnelle chez une femme

2 la question du traumatisme – place de la technique et de la répétition dans le traumatisme

3 le passage de la réplication à la répétition dans la psychose de l’enfant (petite chirurgie du nœud)

Dans le 1er exemple je donnerai une interprétation qui a fait flop

Il y a des aspects de la technique c’est pas une méthode et bien évidemment il y a des variantes de la technique, il y a des variantes de la cure-type. Dans une vie d’analyste, les aspects techniques pour beaucoup nous viennent de notre propre cure et je dirais que ce n’est pas par imitation, ça pourrait être ça mais je ne crois pas, je pense que des aspects de la technique s’apprennent dans une cure analytique. Je ne vois pas comment on pourrait dire autrement. Mais pas que. Beaucoup d’éléments de technique nous viennent aussi bien des grands textes, de la lecture des fondateurs de la psychanalyse. Je vais vous prendre un exemple tout à fait simple. Il va de soit qu’un collègue dans mon service comme dans tous les services d’enfants, les collègues qui ont beaucoup lu Winnicott, les lecteurs de Winnicott, c’est ceux qui vont être le plus capables de travailler le jeu. Evidemment dans tous les services enfants il y a le jeu, le jeu thérapeutique et le dessin d’enfant. Le jeu thérapeutique est considéré par le psychanalyste pour enfants comme l’équivalent symbolique d’une séance. Un winnicotien de transmission est beaucoup plus à l’aise que moi pour travailler avec le dessin. Moi je ne sais pas travailler avec le dessin et le jeu, je ne l’ai pas appris je ne sais pas faire et ma lecture tardive de Winnicott ne me permet plus, y a un point de forclusion sur ces questions, ça ne me permet plus de faire. Sur quoi je travaille même avec des enfants petits, là c’est curieux les textes lacaniens, je travaille sur la poésie, les collègues sont étonnés que j’ai des petits livres de poésie que je propose aux plus petits, 3, 4, 5 ans. Ce qui est étonnant c’est que l’enfant a un appétit féroce tout à fait naturel pour la poésie, je dirai plus pour les effets de sens que pour la signification, l’enfant petit saisit avec amour, jubilation les effets de sens, si on lui demande de préciser ce que la phrase veut dire, il est en panne, le réel de l’effet de sens.

Moi je travaille avec ça entre autres. Vous voyez les textes de Lacan bizarrement ne sont pas directement sur l’enfant mais il m’inspire alors que d’autres collègues portés par d’autres grands textes de fondation, sans parler de Mélanie Klein, vont se porter vers d’autres variantes du travail. Est-ce qu’on va dire que les uns ou les autres ont raison ? C’est idiot ! Dans toute unité d’enfant vous avez une variété, vous pouvez vous y opposer d’une manière intellectuelle mais vous ne serez pas recrutés dans cette unité.

Dans les psychoses, pour Freud souvent les psychoses il considère ça comme hors de sa portée. Avec Lacan, comme Lacan est rentré dans la psychanalyse par la psychose, les problèmes de techniques sont immédiatement différents. C’est fatal. Quand je travaille avec des psychotiques comment je m’inspire. Ca va vous paraître bête et simple et pourtant ça a sa complexité. J’ai été formé, dans mon transfert de travail, je me sens élève de ce que j’ai vécu à St Anne, j’arrive externe chez Czermack et je plonge dans cet univers de la psychose et je découvre les aspects techniques engagés par le service autour de Marcel et sa façon si particulière d’aller au contact, je vais le dire comme ça, du patient psychotique. D’un certain point de vue, et je trouve que Mr Melman a raison , on peut pas prendre un trait et l’incorporer, c’est pas ça on peut pas faire du Czermak propre, d’ailleurs on n’aurait pas le génie de le faire. Mais ce qui m’a passionné immédiatement chez Marcel, qui me parait un élément de technique analytique avec la psychose c’est ce que Marcel a toujours fait dans sa transmission. Même dans un univers de signes en quelque sorte, même avec un patient sous l’emprise du signe, regard persécuté, voix ou commentaires hallucinatoires, il va quand même chercher l’éventuel signifiant que le sujet puisse endosser, d’où l’aspect parfois de rugosité dans le maniement d’éventuels signifiants représentants quelque chose hors du sujet…serait-il pas fantasmatique, endossés par le sujet…serait-il psychotique. Moi je crois que très jeune ça m’ a…, et encore maintenant c’est avec ça que je travaille.

Exemple : un patient que je reçois en cabinet, un patient très difficile avec une schizophrénie paranoïde et toxicomane. Si je ne le connaissais pas je ne me prêterais pas à ce genre de technique spéciale. Sur quoi s’est fait l’alliance très vite, le patient, c’est drôle c’est à nouveau la question de la poésie. Très vite j’ai appris qu’il écrivait des poèmes, ça arrive fréquemment, même les patients les plus déstructurés se prêtent à des travaux de peinture et de poésie, enfin tous les hôpitaux connaissent ça enfin les meilleurs là où il y a encore une activité intellectuelle. Au point qu’il n’est arrivé fréquemment de prêter des petits livres de poésie, dont ils me rendaient compte sur un mode qui n’était pas du tout schizophasique dans la séance . Donc qu’est ce qui se partage là ? Pour moi ça fait partie de la technique. Comment toujours aller chercher quelques signifiants qui font pacte qui puissent être endossé par le sujet en souffrance.

[JJT décrit le cas du premier exemple] J’ouvre les guillemets : «  j’ai mes angoisses comme toujours, j’ai peur d’avoir peur je sais que ça va venir, mes craintes c’est pas tellement la peur du blasphème, mais j’ai peur d’avoir peur du blasphème, car du coup j’y pense, si j’ai peur de cette crainte alors ça vient »

Vous reconnaissez, les formules de l’implication de la névrose obsessionnelle, les formules si particulières et qui restent, c’est une jeune fille que je connais depuis 8 ans, absolument gelée sur cette forme de dialectique là. « Mes craintes ont toujours la même forme, avant c’était un blasphème de penser quelque choses sur les gens maintenant c’est pire c’est la religion » et du coup elle se prive d’aller à l’église alors qu’elle est croyante, elle se prive d’objet aimés et elle se prive de nourriture.

Ce tableau clinique est immuable depuis plusieurs années.

Ce qui manque c’est ça que Freud cherche avec l’homme aux rats, on a le troisième point uniquement si je puis dire du trépied freudien qui sont : la religiosité, il manque les deux premiers points capitaux : la question de la sexualité (et là pour l’homme aux rats pour Freud c’est la question de l’homosexualité), et toujours capital pour Freud la haine dissimulée par rapport au père.

Eh bien ces deux motifs pendant plusieurs années n’apparaissent pas au moins pour une raison technique toute bête, c’est qu’elle n’apporte jamais de rêve, jamais.

Donc les années passent et un jour il me vient cette interprétation qui a fait flop, c’est l’interprétation qui nous vient au bout d’un temps, on se fait plus freudien que Freud sans trop savoir vraiment s’il s’agit d’interprétation ou de construction dit Freud. Et donc je vous livre la phrase que je lui ai dite «  ne pensez-vous pas que la peur du blasphème vient de votre position faite d’une grande droiture et d’une vie très sage ? » Elle a reçue ça 5/5 et elle arrive dans un état catastrophique, cliniquement catastrophique. Alors je ne méconnais pas que Freud dit que si ça s’aggrave c’est bien. Je laisse cette pirouette de côté, car avec Freud quand ça va bien c’est bien et quand ça ne va pas c’est encore bien… Au point qu’elle exige de moi un traitement médicamenteux, elle décrit un état d’angoisse paroxystique. C’est pas pour faire une séance de supervision. c’est juste pour partager avec vous une difficulté technique. Freud c’était des cures de quelques mois, nous c’est des cures longues et il est vrai qu’au bout d’un temps, c’est les réflexes freudiens qui reviennent, une sorte de lassitude contre-transferentielle, une phrase qui a l’évidence ne fait pas interprétation lacanienne, une sorte de construction qui appelle de force à la sexualité refoulée. Et qui s’est payé d’un flop immédiat. Comment faites-vous quand souvent vous êtes au travail de la répétition qui fait infini, comment faites-vous pour rester sur une ligne qui ne saisirait que l’…? et les équivoques, ben comment on fait ? Et ne vous vient-il pas assez régulièrement une forme d’intervention qui déroge aux règles standart ? C’est ma question sans vouloir vous faire un contrôle voilé.

Je referme ce point.

Alors deuxième point sur le traumatisme. Alors je vais vous lire un passage sur le passage de la névrose à la névrose de transfert. «  par exemple il ne se remémore pas avoir été frondeur avec son père mais il l’est devant l’analyste… »

Alors j’en viens à mon second point. On est extrêmement sollicité sur la question du traumatisme en ce moment. Et donc je reçois, non nous recevons, pour des raisons de traduction, je ne pouvais être seul, c’est donc un transfert institutionnel, un transfert à l’institution. Ce n’est pas toujours isolément qu’on peut travailler les choses difficiles.

Donc on reçoit une jeune femme qui nous vient disons d’une région caucasienne, avec sa famille, d’une région dans lesquels les militaires ont mené une guerre implacable. Et donc il y a eu dans cette famille toute une série de barbarie, des disparus. Elle nous arrive dans l’unité. Alors comment faire pour recevoir, alors premier temps de la répétition, là plus du côté de la remémoration, comment vous faites ? D’habitude va se raconter à nouveau les évènements qui ont valu le fait que la famille soit partie du pays, réfugiée, demandé l’asile et donc la remémoration la répétition narrative, je ne vois pas comment ça pourrait se passer autrement. Donc répétition des évènements traumatiques vécus par les uns et les autres et cette petite jeune femme aussi. Les semaines passent, c’est là où le texte de Freud est intéressant, les semaines passent et tout d’un coup en séance elle se met à avoir des malaises, et des douleurs digestives. C’est une monstration. On est donc obligé de l’emmener au médecin, dans le service de santé elle est examinée, la semaine suivante à nouveau malaise : répétition. C’était pour dire quoi, vous l’avez deviné sûrement, c’est qu’elle racontait pour la premières fois les abus dont elle avait été victime par les troupes dont j’ai parlé précédemment.

La règle de la répétition, quelque chose est agi dans la séance qui va nécessité d’être reçu, puis essayer avec délicatesse de lui dire « qu’est-ce que vous voulez dire ? ». On s’aperçoit et c’est là que je voulais attirer votre attention sur la difficulté, on s’aperçoit pour la première fois grâce à une tante de la famille, que cette jeune fille n’a jamais parlé aux siens de ce qui c’était produit. Pourquoi ? Parce que dans beaucoup de pays il y a un pacte d’honneur et la loi du père fait que si elle dit ce qui c’est passé il n’y a pas d’autres possibilité que sa mort. Le clan la tue. Et d’ailleurs la tante aussi qui était informée semble en avoir peur. On commence un peu à s’angoisser dans l’unité, c’est des matériaux un peu particuliers. Alors pourquoi ça m’intéresse, je vous donne des pistes de travail. Pourquoi Lacan dit un jour le NdP oui mais c’est mieux de dire les NdP, les appuis différentiels possibles de la question du père et pour finir ce qui reste encore intriguant pour nous les 3 lettres RSI.

On a essayé de travailler avec cette jeune femme, on a repris les signifiants, toute la chaîne signifiante, la question d’abord du secret, pour elle le secret c’est une atteinte à la filiation. Alors on lui a raconté, travail de construction que chez nous dans notre service comme dans d’autres pays il y avait le secret médical. La déontologie c’est qu’en principe un enfant qui vient se confier à un praticien, seule le praticien est tenu au secret, ce ne peut pas être la porte ouverte.

2eme signifiant qui a posé beaucoup de difficulté c’est le travail  sur l’honneur ; est-ce que l’honneur c’est juste une filiation génétique, ce qui est édicté par les lois de la famille, ou bien la question de l’honneur peut se traduire par des appuis singuliers. Et ça même été pour elle le signifiant de la République, vous allez me trouver idéaliste comme à chaque fois. La façon dont la République honorait un écart avec la transmission clanique et religieuse. Créer des écarts que les grands signifiants de la République protégeaient.

Alors pour moi : répétition –remémoration-NdP

Je trouve que Lacan nous aide avec ces décalage sémantique : Œdipe –Ndp-RSI qui est un travail d’immixtion signifiante. Au bout d’un moment c’est nous qui choisissions : on va discuter de l’honneur. Il fallait traduire. Pour moi c’était un honneur que d’accueillir cette enfant, mais c’est un travail particulier.

3ème remarque :

C’est l’exemple clinique très simple : je reçois quand je suis arrivé au CMPPP, il y a 12 ans, je reçois une fillette qui m‘apporte un dessin. Je la reçois elle me fait un très joli dessin : 4 fleurs 2 nuages bleus, 1 soleil jaune. Je la félicite

2nde séance : 4 fleurs, 2 nuages bleus, 1 soleil jaune

3ème séance : même dessin.

On ne va pas appeler ça répétition il a raison czermack, c’est un phénomène réplicatif si grave pour la psychose et la psychose de l’enfant. C’est un phénomène de réplication. Comment vous faites ?

Arrive le 1er avril, j’arrive un peu guilleret et je vois cette petite, et je lui dis, immixtion de ma présence « c’est le 1er avril tu vas me faire un poisson ». La petite furieuse « je sais pas faire le poisson ». Je lui dis qu’à cela ne tienne je vais te le dessiner. Je fais mon Winnicott, et miracle, un micro évènement, ce jour elle réplique, elle dessine derrière un petit poisson.

Semaine suivant, je lui dis « on va continuer » et elle me dit « on n’est pas le premier avril »

Je sais pas si j’ai eu un rire je peux vous garantir, Golberg raconte comment se construit dans l’univers de la psychose de l’enfant un pacte moebien dans des structures qui apparemment ne le permettent pas.

Qu’est-ce qui se passe le jour où quelque chose fait part de notre transfert qui à l’évidence va faire un trou particulier qui accompagnera ces enfants et conduit souvent à des formes, là elle a grandi , une voie d’amélioration. Ca c’est un problème topologique.

Il y a cette indication qui est donné par les topologues. En 1913 2 mathématiciens découvrent le rôle fondamental joué en théorie des noeuds par deux petites opérations très simples. 2 façons de modifier les nœuds par incisions des brins. La 1ère que nous appellerons le flip consiste à transformer ….. Le flip peut changer le type de nœud. Par exemple avec un flip à partir d’un nœud de trèfle on obtient un nœud trivial.

Il y a des opérations de technicités induites par le nœud borroméen qui rend compte d’opérations transférentielles cliniques qui à l’évidence ont des formes d’efficace dans les cliniques comme celle que je vous ai cité, la psychose de l’enfant.

…Chantal Lheureux travaille avec des autistes de 10 ans comment elle travaillait sur l’espace avec cet enfant qui avait d’abord le regard bloqué à 10 cm puis au fur et à mesure plus. Et elle a fait ce travail uniquement par un travail strictement d’imitation dans le transfert et de répétition. …

Il y a donc beaucoup d’occurrences où la question de la technique du transfert est à l’intérieur, c’est pas seulement que le clinicien est dans le tableau clinique … qu’il a des sources de technicité de modification de cette nodalité dont parle Lacan à partir des récits.

Discussion

M. Morali :

L’hypnose ça ne marche pas quand on raconte au sujet car ça ne s’inscrit pas, ça ne fait pas trace parce que l’appareil psychique a été exclu de l’événement qu’ils sont en train de produire. Donc la question qui se pose pour Freud. Quand on est conscient que se produit cet élargissement de l’appareil psychique, on rencontre un bord. A partir du moment où l’opération inclut l’appareil psychique névrotique on peut avoir une chance que quelque chose s’inscrive. Cette opération sur le nœud laisse une trace.

Dans le cas que tu nous amènes « on n’est pas le 1er avril » je l’entendrais comme maintenant il y a un 1er avril. Et on pourrait même imaginer que du coup on puisse attendre le prochain. C\’est-à-dire le numéro 2. Mais est-ce qu’au numéro deux de la série elle va être dans un grand éclat de rire, te faire un rossignol plutôt qu’un poisson. Voilà une question. On est au plus près paradoxalement de la 1ère question qu’est-ce qui que quelque chose s’inscrit dans l’appareil psychique et laisse une trace qui fabrique un trait, un trait nouveau qui déplace ce 1er trait. Est-ce que ça ça va fabriquer un nouveau sujet ? Ou bien est-ce que ça va être un évènement local qui aura lieu une fois dont il ne subsiste dans le substrat de l’appareil psychique aucune trace?

Annie :

Séminaire sur l’identification 1971

« sur le chemin de l’identification du sujet au trait unaire qui est contemporain de la constitution même du sujet, se trouve le trauma et le nom propre »

A propos du trauma il en fait un trait unaire et il dit « devant la répétition ce n’est pas tant le contenu du trauma qui compte mais la retrouvaille impossible du numéro 1où s’est passé le trauma, qui est un numéro qui est perdu  »