Lundi 7 décembre 2020 , ALI PROVENCE
Double inscription et trait unaire
Comment ce qui s’inscrit ou pas, relève de la responsabilité
Il est récurent de constater que lorsque quelque chose arrive de fâcheux, on recherche toujours … un responsable.
Qui est responsable ?
Pas moi, pas ma faute, entendons nous.
Drôles de pensées, que de penser que parce qu’il y aurait de l’Autre, ça dégagerait de toutes responsabilités, y compris celle de répondre de ses actes, si manqués soient-ils.
Du coup, ça fait penser que celui qui n’a jamais rien fait, a surement beaucoup pensé à faire, sans forcément y parvenir.
Voilà qui fait cogiter, sans trop avancer.
Sauf à penser au cogito lui même.
Lacan, qui s’est intéressé au « je pense donc je suis », propose une toute autre formule :
« Là, où je pense, je ne suis pas »
« Là, où je suis je ne pense pas »
Encore faut il que nous puissions, identifier à l’adverbe « là », ce lieu dont on parle.
Pour tenter d’amorcer quelques réponses, partons du trait unique de Freud dans ce qui sera élaborer plus tard comme « trait unaire » par Lacan.
Ceci en rappelant ce pourquoi en vient en analyse, après tout, le psychanalyste est bien celui à qui on s’adresse parce qu’i serait celui qui en connaît un « bout », à l extrémité de quelque chose, d’où le concept « de sujet supposé savoir ».
Nous voici donc avec un sujet réduit au cogito, à sa pensée donc selon Descartes.
Oui mais voilà, le bon psychanalyste va demander à son analysant à peu près le contraire soit :
Ne pensez à rien, mais dites tout ce qui vous passe par la tête, voilà que penser et avoir des pensées, c’est pas du tout pareil, et en plus cela se complique quand l’analysant se rend compte que tout cela n’est pas sans quelques conséquences.
Alors que la fonction du trait unaire est reliée à l’idéal du moi, on se demande bien pourquoi Lacan ramène les choses au sujet supposé savoir …
Si le sujet reçoit de l’autre son message sous une forme inversée il y a nécessité de faire intervenir un tiers, le message à l’adresse du partenaire, ami ….vise un au dela comme garant absolu, un Autre témoin et caution.
Et de dire qu’il ne suffit pas d’être un « pense être » pour être « un être pensant », au pire on ne peut que « s’empêtrer » dira Lacan avec humour, p 30.
C’est en partant du trait unique de Freud à l’identification que Lacan opère la fonction de l’UN comme trait commun à toutes une série d’identifications répertoriées, le trait n’étant que le tracé du signifiant, d’où s’organise l’identité.
A l’exemple de la marque du trait, un chasseur tue une bête, fait une coche pour la première, la deuxième ….etc. les traits sont ne sont en aucun cas à la même place, ce qui conclue à la différence.
L’identification comme la vérité, dont Lacan dira qu’elle ne peut être dite « toute » pose la valeur de l’objet perdu, induisant un investissement toujours partiel, limité à un seul trait.
Dans notre exemple, la seconde, la troisième bête du chasseur ne sont pas semblables mais empruntent la valeur d’un trait commun limité et partiel.
Dans ce que Lacan a démontré dans la leçon 2, à savoir l’identification comme identification au signifiant.
A noter, l’exemple p 23, de l’Express de 10h15, le train est identifié au signifiant (train rapide et son horaire), ce n’est pas le même train qui est en gare chaque jour, pourtant la sérialité du trait est constitutive d’une inscription dans le temps.
Ceci installe la qualité du trait, comme support à la différence dans ce que la répétition vient inscrire comme une topologie du retour.
Proposition faite d’en étudier les lois (p 24), en partant du fait que l’identification au signifiant n’est pas une identification imaginaire, puisque basée sur le caractère biunivoque de l’image (en exemple, le lac reflétant la montagne).
Le sujet est là où il ne pense pas, où il ne peut penser mais d’où incontestablement, ça parle.
L’Autre est le lieu où se constitue le je qui parle avec celui qui entend.
Il faut donc distinguer la partie réelle et celle symbolique que comprend la condition biunivoque.
Et puis cet exemple avec le criquet Pellerin, grégaire (c’est à dire avec tous les autres) ou le solitaire, Lacan induisant le caractère épi génétique de la biologie à partir du traitement de l’information (y compris génétique).
Ainsi l ‘évolution d ‘une langue se rapporte à un trait de diachronie, qui évolue en phases (Les Romains d’aujourd’hui ne sont plus ceux de César, la linguistique non plus).
Lacan nous dit que les lois du signifiant ont une structure liée à l’évolution dans le temps, soit une diachronie du droit, dont la règle serait de se passer du sujet supposé savoir.
L’opposition contenue dans le contraire, l’univoque, (Diachronie/synchronie) nous invite à la supposition qui est celle du code, qui en linguistique correspond à l’articulation des symboles pour déterminer ce dont on parle.
Nous parlerons plus volontiers en psychanalyse de Symbolique, dans ce qui s’oppose au réel, donne ainsi au savoir une forme séquencée (Sérialité du trait p 26).
Une donnée importante est amenée, dans ce qui fonde l’un avec les autres, le moi et les autres …
Lacan dira « d être ce que les autres ne sont pas ».
Petite parenthèse, pour citer Oscar Wilde « Soyez vous même, les autres sont déjà pris ».
Ce qui n’est pas s’en rappeler la démonstration du double (non semblable) de la lettre A, obtenue par extraction dans la leçon 1, où nous retrouvons une similitude de cette extraction avec la distinction (p 24), à se distinguer pour être ce que les autres ne sont pas, soit à s’extraire du groupe, et de créer ainsi la différence.
Voilà, en référence une conclusion de C. Melman sur le sujet :
\ » Il n\’y a pas que le rapport privé, celui de l\’identification mais il y a ce qui se passe lorsque cette identification privée prend appui sur la communauté́ à laquelle nous appartenons et que dès lors elle devient un problème collectif et qu\’ainsi l\’identification passe effectivement à la forme moderne de l\’identité́, c\’est à dire de ce qui prend appui sur ce qui est non plus là maintenant le père privé, une sorte de mythique ancêtre collectif…» Melman
C’est que le sujet a beau penser ou avoir des penser, il a aussi à se repérer, bref à savoir où il se trouve pour comprendre qui il est, là où l’énoncé et l’énonciation sépare l’être.
« Là où c’était à l’instant même, là où c’était pour un peu, entre cette extinction qui luit encore et cette éclosion qui achoppe, Je peux venir à l’être de disparaître de mon dit. Énonciation qui se dénonce, énoncé qui se renonce, ignorance qui se dissipe, occasion qui se perd, qu’est-ce qui reste ici sinon la trace de ce qu’il faut bien qui soit pour choir de l’être ? » J. Lacan. Les écrits.
C’est de revenir sur la pensée de Descartes, dont l’insconcient serait le moment où le conscient est lacunaire, inscrivant ainsi une conscience avec une vie psychique, et par conséquent l’inconscient résulterait des absences du conscient, la pensée serait ainsi « toute ».
Descartes dans son concept de conscient « inconstant » qui produirait par son absence, de l’inconscience pose inévitablement la question d’une « conscience empruntée », donc finalement pas tout à fait chez elle, pas maître en la demeure.
L’absence de pure pensée, voire de pensée pure, constituant un impossible.
Le savoir articulé à la vérité semble emprunter d’autres voix que celles décrites par Descartes, un au delà du fameux « Moi la vérité, je parle. » de Lacan, avec l’espoir de trouver du supposé savoir en l’Autre ….ou pas …
Comme la vérité du sujet fait retour là où il n’est pas, j’ai choisi d’envisager les choses sous les traits de la double inscription de Freud, du trait unaire et de la responsabilité d’être sujet.
Le génie de Freud ayant été de faire entendre que dans une situation donnée, une expérience, un trauma …ça s’inscrivait dans le conscient, mais aussi doublement et de façon totalement différente dans l’inconscient.
En exemple, on peut citer les œuvres du peintre Magritte, dont l’image et le texte sont en totale discordance pour imager ce qui se passe au niveau de la double inscription.
Et de dire qu’il ne suffit pas d’être un « pense être » pour être « un être pensant », au pire on ne peut que « s’empêtrer » dira Lacan avec humour, p 30.
Pour faire retour, à notre bon psychanalyste où plutôt au lieu qu’il contribue a rendre accessible à son analysant, celui ci n’étant plus « sans savoir », reste encore à ce que les marques de l’analyse puissent encore inscrire quelque chose qui fasse trait.
Partant du princeps Lacanien que l’identification ne relève pas d’un savoir absolu, de ce fait, il faut se débarrasser d’un quelconque sujet supposé savoir, en n’y recourant à aucun moment p 27.
L’analyse posant le lieu de l’Autre, de part la reconnaissance de ce lieu, instaure le sujet comme parfaitement responsable, puisque de son insconcient il est censé en savoir en tenir « un bout ».
On ne peut donc conclure que l’insconcient, viendrait disculper, excuser, créer une justification, d’un JE est un Autre d’où lors « c’est pas moi, c’est pas ma faute. »
Dans les médiations Métaphysiques, Descartes met en œuvre le doute Cartésien, à partir duquel il élabore le Cogito.
Allant jusqu’à douter, douter de Dieu, en faisant un Dieu trompeur, voire un malin génie, appelé doute Hyperbolique p31, ce qui n’est pas sans mettre en scène un Dieu quand même.
Lacan, indiquera chez Descartes, la valeur du trait, retrouvé dans la névrose familiale sous une psychasthénie (névrose obsessionnelle), mais ce n’est pas tant l’aspect pathologique qui intéresse que celui du passage à l’acte retrouvé dans les méditations.
Qu’il sache ou qu’il ne sache pas, c’est bien du sujet supposé savoir dont il est question p 35, ceci dans la mesure où Dieu vient pour Descartes en position de vérité, comme le « vrai du vrai » le garant que la vérité existe, vérité que Descartes dit qu’elle pourrait être autre, préfigurant ainsi, Dieu comme sujet supposé savoir.
Bien évidemment, nous connaissons tous, et bien trop je crois ce qu’il en est des doubles discours, c’est à dire ce qu’on peut dire, en le disant sans l’avoir dit comme étant différent de ce que l’on pense, ce qui fait en somme le champs du serment d’hypocrite et d’une certaine comédie sociale, de pleine conscience dirons nous.
Nous ne parlerons pas de la langue de bois, qui est un exemple parmi tant d’autre.
Ceci sur le plan conscient, la manipulation du bluff ou la duplicité reste cependant un savoir responsable, c’est à dire qu’on peut être parfaitement en accord avec ses actes avec un discours pleinement autre réservé à autrui.
On constate d’ailleurs dans notre contexte actuel « co-vidé », c’est à dire plus que doublement vide, le discours scientifique inaudible, voire le tintamarre des spécialistes en tous genres, grands détenteurs de savoir, qui ont pour actuel trait commun de ne pouvoir ni s’entendre, ni se comprendre.
S’il est bien difficile de s’y retrouver, notons la difficulté de trouver quelqu’un à qui parler, où plutôt un lieu de réponse.
Puisque le mot d’ordre est « pas ma faute », pas responsable …
La responsabilité individuelle renvoyant au collectif, où vice versa.
On peut quand même se dire, cogito ou temps logique obligent, que le sujet du collectif est bien celui de l’individuel (En référence au travail d’Isabelle Heyman/ temps logique, la passe et la question de la différence absolue).
Qu’en ces temps un peu troublés, on puisse souhaiter une disparition du pouvoir jugé irresponsable.
Vaine idée …puisque s’il existe des responsabilités sans pouvoir, le pouvoir lui est par définition l’exercice même des responsabilités.
Une collègue psychanalyste m’ayant rappelé jeudi dernier que le terme responsabilité, étymologiquement avait trait à « répondre ».
Tant qu’il y en a au moins un pour le faire … ma fois, c’est que ça tient encore debout.
DR