ALI-Provence

Séminaire ALI PROVENCE Carpentras L’Identification. Jacques Lacan -D’après les leçons 8 et 9

1er Février 2021 – Trouvaille et retrouvailles de l’objet a …

J’aimerai commencer le travail de ce soir par un petit récit  comportant un aléa, c’est à dire quelque chose d’imprévisible dans son rapport à la surprise.

Pour introduire le travail en Vaucluse, est venue l’idée de proposer un petit film de présentation pour le séminaire, pensant que l’image pouvait induire  autrement quelque chose de la psychanalyse, pour des personnes extérieures intéressées, tout ceci sans dire trop de bêtises …

Le travail fini, celui ci est transmis à l ‘ALI Provence.

Madame Edmonde Luttringer, après visionnage me signifie alors l’absence  d’informations sur les possibilités Zoom, les mesures Covid et surtout l’objet a, dont Lacan disait que c’était sa trouvaille.

Concernant les mesures Covid et zoom, s’agissant d’un contenu purement informatif, il n’y eut aucun souci pour rajouter l’information sur une image déjà existante.

Reste la trouvaille … c’est à dire l’objet a, et la tracasserie de recherche que cela a pu susciter.

Car pour le coup, impossible de se contenter d’écrire objet a, il fallait donc rajouter une image.

Sauf que dans la bibliothèque, dans les objets du monde, rien ne vient en représentation de cet objet petit a, impossible à montrer, irreprésentable.

Quand finalement, une solution est trouvée grâce à un conte pour enfants sous la plume d’Antoine de Saint-Exupéry.

 Quand l’enfant dit : « s’il vous plait, dessine moi un mouton », vous connaissez l’histoire … l’aviateur à fait plusieurs tentatives d’esquisses, et jamais le petit prince ne trouve le mouton à son goût, à la hauteur de son désir.

Soudain, l’aviateur dessine une boite avec des trous, et le petit Prince demande

– Où est le mouton ?

– « Le mouton que tu veux est dedans. » Et là, seulement, le Petit Prince fut satisfait : « – C\’est tout à fait comme ça que je le voyais ! »

Alors voilà pour le film, l’image insérée pour l’objet a,  sera aussi celle d’une boite antique fermée, avec des inscriptions en lettres d’or.

Vous voyez comme le désir et son objet,  ce n’est pas directement accessible.

Ce qui ne peut être représenté, n’est montrable que par la disparition.

Cela on le retrouve dans l’idée du lapin dans le chapeau du magicien (Réfs p 171)  et ce qui vient faire écho avec le jeu de la bobine du For Da, dans l’alternative de la présence-absence, ne peut manquer que ce qui était déjà là (Enfant de 18 mois/ Petit fils de Freud, soit après le stade du miroir).

Il ne peut y avoir absence s’il n’y a pas eu au préalable présence.

Je préciserai ici, que chez le bébé, quand la mère quitte la pièce, et revient, ce n’est pas seulement elle qui disparaît et réapparait mais aussi, une part constituante de l’enfant (odeur, voix) que Lacan et Dolto induisent aux retrouvailles comme sa mêmeté d’être, dans sa façon d’ex-sister au monde (avant 8 mois/stage du miroir).

L’image du corps étant inconsciente.

Ce qui est très interessant c’est qu’il y a dans l’histoire du petit prince un désir, mais aussi ce qui le conditionne, qui l’amène à disparaître à partir d’une demande, « c’est le dessine moi. »

Le moi ayant une entité corporelle (p  168 Lacan).

Lacan, le rappelle p 167, ce qui nous intéresse c’est que l’objet cause du désir (a) n’a pas à voir avec la demande.

Faisant différence entre l’objet cause du désir et le désir lui même, la demande peut être tout autre.

Le petit prince dit vouloir un mouton, mais est ce bien cela qu’il désir ? Qui sait (savoir) de quoi est fait le mouton de ses rêves ?  Quelle odeur à t-il ? Quel est son bêlement ?

Qui l’a connu auparavant pour avoir à le reconnaître ?

Personne.

C’est à dire, ce qui en fait une négation, une négation qui s’organise d’un support signifiant.

Le désir est extérieur au sujet,  le petit prince demande à l’aviateur de lui dessiner quelque chose nommé mouton, lui qui ne sait ne sait pas dessiner… mais est ce un mouton qui est demandé ?

(St Exupéry enfant, avait dessiné un serpent mangeant un éléphant, les adultes ne l’avaient pas reconnu…)

Imaginons là, une analyse d’enfant avec un analyste qui serait un peu aviateur sur les bords.

Un adulte qui enfant aurait mis un corps dans un autre, un éléphant dans un serpent.

Eléphant disparu, invisible, non sécularisé.

Lacan précise là, le désir de l’Autre, renvoyant dans le texte à l’analyste, avec cette orthographe particulière, il est écrit « annaliste », avec deux n.

Il est bon de rappeler ici, la phase infantile dite annale, où ce qui vient se faire jour c’est la demande de l’Autre, phase particulière où l’enfant doit donner quelque chose ….et se déprendre de la demande de la mère (de la société, des règles …) en place de grand A, avec une réponse qui ne serait pas du sur commande.

Induisant d’une certaine façon une coupure.

Le  système de l’insconcient (au niveau psy) est décrit comme partiel, car l’objet a étant non spécularisable, il ne peut être identifié qu’à partir d’éclats du corps (le sein, les fèces, la voix, le regard) ce qui confère au corps sa dimension parfaitement imaginaire p 143/144.

L’éléphant dans un corps autre, le mouton ou tout autre objet dans la boite  procède d’une disparition.

Saint Exupéry, n’est pas sans ignorer, qu’il retrouve là, le dessin de son enfance dont la trace lui est restée au corps.

Cette trace, Lacan dira que c’est cela que le sujet cherche à faire disparaître.

Ne disparaît que ce qui était là, et parce que disparu, seulement  peut réapparaitre.

En cela la non réponse est une réponse par l’absence, absence qui fait réponse.

Lacan, lecteur de Freud, nous offre une autre petite histoire de prince et de princesse…

Celle des trois coffrets.

Au travers de deux récits croisés : Le marchand de Venise et Le roi Lear de Shakespeare.

Le thème, est une jeune fille à marier, notez là,  une dimension importante

– sous condition paternelle, ce qui amène à la négation une ampleur opposante (par identification à la négation comme interdit).

A Venise, Portia, riche héritière et orpheline, doit être mariée.

Trois coffrets d’or, d’argent et de plomb, un seul contenant la photo (image) de la princesse.

L’élu sera celui qui ouvre la bonne boite. Deux prétendants échouent, le fiancé qui réussit choisit la boite en plomb.

Trois discours venant identifier et motiver le choix du coffret.

« Mais ce qu’il peut dire pour magnifier le plomb contre l’or et l’argent est bien peu et sonne forcé, écrit Freud. Si nous rencontrions semblable discours dans la pratique psychanalytique, nous flairerions des mobiles tenus secrets derrière l’explication insatisfaisante » (thème des 3 coffrets Freud 1913). »

Ainsi pour vanter le choix du coffret, de tel ou tel métal, le discours se prévalait de la négation des deux autres.

Cela renvoie au cogito cartésien de Descartes, rappelez vous « là où je pense je ne suis pas, là ou je suis, je ne pense pas », constituant un phénomène de division, mais aussi d’apparition/disparition, et de coupure.

Le prince du Maroc (dont l’image est le soleil) choisit l’or, le prince d’Aragon (dont l’image est la lune) choisit l’argent …et le fiancé  qui choisit le plomb tente simplement sa chance, sa bonne étoile, à la bonne fortune qu’il n’a pas, à la différence des deux autres.

A cela près, que la parole vient en dire quelque chose.

Le coffret d’or, « qui me choisit gagnera ce que beaucoup d’hommes convoitent » ; le coffret d’argent : « Qui me choisit obtiendra ce qu’il mérite » ; et le coffret de plomb : « Qui me choisit doit donner et risquer tout ce qu’il a. »

Il est notable que les coffrets ou les boites nous ramène à cette notion de l’être et de l’avoir.

Lacan introduit avec les histoires Shakespeariennes, ce qu’il en est de la sexuation.

Les exemples donnés illustrent parfaitement les fondations des positions masculines et féminines du parlêtre, que le fantasme viendra soutenir.

La dénégation de Freud.

Le précieux caché dans la boite, l’objet et les péripéties de l’inconscient pour mettre en scène l’opposition de l’identification, car il faut bien s’en défendre de cette relation à trois qui fait tourner l’identification au phallus.

Un mouton à trois pates, c’est le minimum pour ça tienne debout au niveau d’un certain nouage.

Dolto, en formidable clinicienne avait bien repéré dans les dessins d’enfants ce qui en étaient des boites, des coffrets des sacs à mains….et des bâtons, fusils …

Les enfants nous dessinent souvent des accessoires, les petites filles cultivent les boites à bijoux.

A l’âge adulte, nous connaissons ces femmes qui souffrent de leur déception de n’avoir rien pour n’être rien, et quelquefois le malheur par exemple de n’avoir pas été le garçon (ou la fille car le phallus n’est ni féminin ni masculin)) que le fantasme parental aurait façonné.

Difficulté retrouvée également au travers d’un désir d’enfant interrogé, dans l’histoire de la quête de l’objet perdu dans les parcours de PMA (qui ne vise pas essentiellement le bébé réel).

Ou encore la demande de certaines jeunes filles et femmes concernant leur corps, qui par une grossesse qu’elles ne mèneront jamais a terme, visera uniquement à vérifier l’authenticité de leur être en tant que femme.

A savoir par négation : je ne suis pas un homme, donc je suis une femme.

Et inversement : je ne suis pas une femme, donc je suis un homme.

Une petite fille dessine un amoureux garçon, il tient une forme dans la main, je lui demande si cela est un sac…elle me répond, – mais non voyons c’est un ballon ! Et là c’est une casquette …

Elle, elle se dessine avec des papillons, dans sa main des ballons aussi, mais ceux qui sont gonflés à l’hélium tenus par des fils …vous savez ces ballons dont l’embouchure ressemble à un nombril.

Du Dark continent, les petites filles, en disent toutes un peu quelques chose.

Et pour mieux comprendre ce dont il s’agit, je fais la proposition d’une citation d’Eisenstein fortement éclairante «  L’obscurité n’existe pas, elle est absence de lumière ».

Et toute la question du névrosé dans son rapport à l’objet Phallique «  pour l’attraper ce rapport, il faut dire il n’est pas sans l’avoir » p 169.

Aussi dans la question du non rapport sexuel, c’est à dire du phallus valant comme objet d’échange pour les deux sexes.

La formule de Lacan « il n y a pas de rapport sexuel », ou encore « la femme n’existe pas », toujours aujourd’hui crée l’effroi du manque, la trace au corps.

Au souvenir de ce pédiatre, qui avait constitué à Necker un groupe de parole pour futurs pères, avait rapporté le dire de l’un d’entre eux qui ayant assisté à l’accouchement, avait pu témoigner de la vision, de ce qui apparaissait comme un cercle, une embouchure liée à la dilatation du col utérin à 10 cm, un trou.

Que de ce lieu, il pouvait d’une rencontre coïtale être englouti, s’y perdre totalement.

(La boite désignant un certain appareil  représentation de Das Ding/Films de David Lynch la chose séminaire L’Ethique ALI. la chose n’étant pas l’objet a)

Du pas de chat, il n’y a pas un chat au signifiant minou.

Et toute la rhétorique de l’oiseau, vous savez celle du photographe avant la photo (le petit oiseau va sortir) à celle de l’exhibition du sexe, quand il s’agit du montrable (montrer son oiseau).

Lacan précise la naissance du signifiant : à la trace effacée, le sujet en entoure un cerne p 172. On pourrait presque dire un cercle.

Un signifiant ne peut se lire seul, il en faut au moins trois, pour faire retour, et circuler dans la chaine signifiante.

Ainsi toute trouvaille est retrouvailles, l’objet a, est privatif, perdu, il constitue le manque. Manque que le phallus va venir habiller de ses oripeaux d’or, d’argent, de plomb, d’une peau du mouton et de tout ce que vous voudrez bien …                                           Danielle Roussel