Des racines et des (L’)ettres
Lucy, Lacan et quelques autres …
Il était question lors du séminaire du 18 janvier en Vaucluse de la différence entre nommer et nominer.
Sur le fait de donner un nom et celui de la nomination.
Le nom propre n’étant pas un signifiant mais un signe.
Toutefois, on peut sans doute proposer que l’inconscient lui, pourrait sans servir comme signifiant.
Avec le Sujet de l’inconscient, et non l’inconscient du Sujet, on pourrait titrer : madame, baronne de Staël, de Fontenay ou encore Monsieur de la Rochefoucauld.
La particule identifiant là un lieu, comme une place à qui l’on donne un nom au niveau de l’urbanisme (Place des Carmes, Place du Tertre, de la Concorde)
Si le père nomme, de son nom disait Lacan on peut s’en passer à condition, toutefois de s’en servir.
Prenant en compte l’intervention de Monsieur Melman lors du séminaire d’hiver entre la notion de nom du père et nom de père …
D’ailleurs, au passage on peut noter religieusement le « In Nomine Patris », formule latine – au nom du père, entendu comme « nominé ».
Si on constate dans le séminaire l’identification, dans les premières leçons (de 1 à 9) le cheminement de Lacan qui part de l’identification au signifiant, à l’identification au trait unaire puis de l’identification à l’objet a, il est possible que nous ne parlions de 3 identifications différentes, mais aussi d’une seule et unique à l’image d’un trait qui relierait chaque numéro tant.
Le numéro tant, c’est ce qui fait répétition, c’est ce qui ne revient pas mais se renouvelle à une place précise, pour Lacan ça ne fait pas retour, c’est à chaque fois une nouvelle position du trait 1 soit : 1 + 1 + 1 + 1 ……constituant une série.
Ce n’est pas le même UN et pas à la même place, c’est ce qui fonctionne en passant de l’un à l’unique comme identification au trait unaire.
Cela fait retour à l’entrée en matière de Lacan sur ce séminaire : « ceci est mon titre et mon sujet ».
Comme viendrait l’illustrer le propos de ce monsieur avec addiction alcoolique qui me dit « je n’ai pas pris de cuite, des cuites j’en ai pris qu’une, et c’est celle-là même que j’entretiens »…
Toute identification renverrait donc à la primordiale, à l’insaisissable moment de surgissement du sujet de l’inconscient.
D’où le titre de ce séminaire « l’Identification », et je rajouterai le visage soit l’image, la représentation de cette dame dite à la capuche.
Et permettez-moi de noter Le Mas d’Azil, où Lacan, découvre à la salle Edouard Piette, la dame de Brassempouy, qui portera donc le nom d’une commune des Landes.
Ne dit-on pas que l’asile le plus sûr est le cœur d’une mère ?
Autre histoire sur nos ancêtres, à tous commun, celle que l’on nomme Lucy, répertoriée au numéro tant ; AL 288-1 et conservée au muséum d’histoire naturelle d’Addis Abeba en Ethiopie.
Cette même Lucy (ou Dinnesh), dont Luc Besson, s’emparera pour un film Eponyme en 2014. (Lucy, est une australopithèque découverte en 1974, soit une bonne génération avant).
Il aura fallu 40 ans de désert pour qu’une brèche, vienne faire trou…pour rendre compte, pour que l’identification cinématographique donne une image à l’ancêtre sous les traits d’une jolie actrice.
De Lucy à l’étymologie « lumière » en anglais Lucidity, celle que l’on voit au bout du tunnel, du trou même que l’on retrouve dans le tableau de Courbet longtemps conservé par … vous savez qui.
« L’origine du monde… »
Celui dont dire le nom n’est pas nécessaire, comme le personnage de Voldemort versus Harry Potter ou encore celui que l’on suit à la lettre comme M le maudit.
Alors Lucy, ou la dame à la capuche…
Et de cette image, dont aucun trou ne vient percer le mystère, pas même la bouche non dessinée, juste la cerne autour des yeux en creux …
Et puis le prénom choisi, que Monsieur Landman lors de notre dernier séminaire d’hiver, relève comme pouvant être changé sur demande (cas transgenrés), alors que le patronyme, lui il en faut beaucoup plus pour que l’état civil en accepte la demande.
Alors puisque nous sommes dans la découverte du prénom, alors je vous en propose une autre, plus contemporaine cette fois.
Plus historique que préhistorique.
Voici une histoire véritable, concernant la « trouvaille », qu’a pu faire l’analyste Monsieur Jean-Pierre Winter, trouvaille qu’il a bien voulu partager lors d’une conférence :
Respectueux des textes doltoïens et de son enseignement, il découvre, tenant en mains quelques papiers d’état civil, que le deuxième prénom de Madame Françoise Dolto est Marguerite.
Vous connaissez tous la poupée fleur, et l’engouement de certains analystes et psychothérapeutes pour utiliser cette poupée comme objet de travail.
Force est de constater que ce qui marchait pour une s’est révélé totalement inefficace pour d’autres.
Comme le rappelle Monsieur Melman, il n’existe pas de trait unaire commun aux analystes qui ferait identité, pas de Un, c’est bien cela qui fonde leur différence.
Nous retrouvons cela dans le texte de Lacan sur L’identification, quand il parle de l’enseignant illettré.
Alors que Jean-Pierre Winter fait le lien entre la poupée, qui de par sa corolle est une marguerite.
C’est une découverte, ma fois plutôt bienvenue, de constater qu’un analyste peut avoir un nom, encore faut-il qu’il puisse travailler avec.
Alors ce que je propose sur la découverte de monsieur Winter, c’est que nous fassions un pas de plus avec l’adéquation entre Marguerite et Marette (nom de jeune fille de madame Dolto), pour obtenir par condensation (comme pour le familionnaire de Freud), ce qui nous donne une belle « Marguaret »
C’est étrange, car si on connaît un peu l’histoire, il est dit que Françoise Dolto avait été confiée à une nurse irlandaise qui lui parlait en anglais, dont la petite Françoise sera séparée à 8 mois (stade du miroir, comme a pu le signaler Nathalie Rizzo sur les textes Lacaniens des Écrits), déclenchant alors une bronchopneumonie.
Françoise est la 4eme d’une fratrie de 7 enfants, dont un frère qui s’appelle Jacques …
Rappelons là également, le comptage au niveau filial, de la place d’un ainé (enfant de rang 1), d’un puiné, y compris au niveau de naissance gémellaire.
Depuis 1998, l’état civil fournit à tous les enfants leur rang de naissance parmi les enfants vivants nés de leur mère.
A 12 ans, la sœur ainée de Françoise Marette, Jacqueline, préférée de sa mère, est atteinte de grave maladie.
La veille de la première communion de la petite Françoise, il lui est dit que les prières d\’un enfant très pur pourraient la sauver. Le triste destin, voudra que l’ainée meure.
Alors voilà, au signe Marguerite, il y a la lettre et sa prononciation dans la langue par incorporation (entendue), « Margaret » signifiant « perle », peut-être est-ce là ce qui a pu détacher le pur de l’impur en effeuillant à l’anglaise (la marguerite) une signification au désignateur rigide (Selon la formule de Marc Darmon) – pureté (signification du prénom Marguerite).
A l’additionnel prénom et nom, se soustrait deux moitiés que la n’homination par sa fonction à trouer le réel, permet d’y creuser autre chose par addition au nom propre.
(CE qui est soustrait crée donc un reste).
La lettre agissant alors comme fonction dans l’inconscient, une n’Homination réussie à l’usage du nom.
Ainsi la poupée fleur n’est pas un simple outil de travail, mais un véritable reste d’analyse, non analysable, elle est, ce qui vient faire nouage avec une collerette bien cravatée*, arrimage au signifiant du phallus, rendant possible l’accès à de l’imprononçable.
* référence à Lacan, Louvain (télévision), à propos de la cravate.
Mode muet, ou plutôt sourd-muet, en rappel au travail de monsieur Vives concernant la question du point sourd, où il est fait référence à un point de non savoir dans le savoir, plus précis qu’un point aveugle (où on ne peut voir, donc donner sens) le point sourd fait retour au phonème inaudible (sans sens).
Là où nous pensons cacher, nous découvrons grâce à la lettre ce qui vient frapper de son sceau le sujet.
Et quand nous choisissons un pseudonyme pour situer le récit de tel ou tel patient, dont il faut respecter le secret d’identité, savons-nous vraiment ce que faisons très inconsciemment ?
Nous le renommons autrement pour que ça fonctionne.
Bertha Pappenheim, plus connue sous le nom d’Anna O, a donné ses lettres de noblesses aux études sur l’hystérie.
Comment Freud a-t-il désigné Bertha ? En formant son pseudo à partir de la lettre précédent ses initiales, c’est à dire BP/AO, Bertha deviendra ainsi Anna, avec le A se substituant au B, et O devenant lettre du Patronyme en substitution du P pour Pappenheim.
Patiente de Freud, mais aussi conteuse, Bertha Pappenheim a publié sous un nom d’homme (Paul BERTHOLD) en inversant ses initiales …
Comme dira Lacan, la lettre on peut toujours l’oublier, mais elle ne vous oublie pas, et sera se rappeler à vous.
Voilà qui conduit l’usage de la lettre dans un ordre précis dans l’alphabet que la lettre est lettre et seulement lettre mais qu’elle existe de sa place par rapport à d’autres.
Si nous reprenons le trait unaire, il faut penser la différence en ce sens qu’aucune lettre ne vaut plus qu’une autre, mais sa place définit sa singularité, singularité qui sort comme : numéro tant.
C’est que nous fait entendre le choix de Freud pour le pseudo de Bertha Pappenheim.
L’ordre des choses et des générations, c’est aussi celui de la filiation, et ce n’est pas tout à fait pareil d’être le numéro un dans une famille, que le numéro 2, et ainsi de suite …
Que pour une génération donnée, il y a toujours quelque chose pour faire trou, mais que le trait unaire vient bien constituer le nom du père dans une identité, une généalogie donnée.
Ainsi pour reprendre un peu le cas du petit Hans….
Qu’est-ce qu’un cheval ?, si ce n’est celui qui porte les lettres, comme le facteur cheval, ou encore le nom que se donne le petit Hans (pferd,(féat) en allemand), soit presque le nom de Freud à une lettre près.
Cheval est un nom, qui nomme la mise en dehors de la jouissance qui est en cause et de son angoisse de castration.
Car enfin du facteur cheval au facteur génétique, il n’ y a qu’un pas, celui de l’engendrement, vous savez ce que l’on dit à propos d’une paternité mal assurée, de tel ou telle qui serait le fils ou la fille du facteur …
Comme le dira un gars du sud bien de chez nous, je citerai Marcel Pagnol « C’est le privilège des facteurs, ils connaissent le nom de tout le monde, mais personne ne connaît le leur ».
Qu’est-ce qu’il attend le père d’Hans pour lui révéler le sien,
Qui il est ? Ce dont il est le produit ?
Alors quoi ? Il faut procéder à la Dark Vador ? Un je suis ton père.
Sous le masque de la paternité totalement ravalé par la « mamme », c’est à dire le sein de la mère, qui lui réponds à la question.
– As-tu toi aussi un fait pipi ?
– Oui, lui répond la mère.
Pas une réponse de cheval, mais celle de jument…
(Voir le séminaire de Carpentras du 18 janvier 2021.)
Je finirais juste sur l’intervention de Monsieur Melman, lors de notre dernier séminaire d’hiver.
Sur la lettre, la lettre qui aurait été effacée.
De Melhman avec un H , au qualificatif de farine, de la lettre H, la même que .pour le petit Hans …Lettre imprononçable, H muet.
Alors, que comme me l’aura susurré ma fille …Melman…en Anglais (Mailman) c’est le facteur ou plutôt l’homme de lettres (Pas tout à fait comme Postman).
Celui qui a la charge, une charge d’âne de les transmettre les lettres …
Les lettres de noblesse ayant été gagnées à la sueur, qui fait trace, il y a déjà longtemps, pas la peine d’être le fils de ou encore le beau-fils de.
C’est comme ça que cela s’écrit à la négation nécessaire à possible transmission.
– Le psychanalyste, ne s’autorise que de lui-même, et de quelques autres.
Danielle Roussel