Pourquoi Lacan évoque les deux bords de la coupure du sujet si la bande de Mœbius n’en a qu’un seul ?
La réponse me paraît évidente, mais il semblerait qu’elle nécessite une précision.
Lacan parle de deux bords de la fente du sujet, introduite par le Cogito, « qui refend le sujet » : d’un côté un être-du-savoir, de l’autre un être-de-vérité. L’exemple de Piaget qui prétend posséder l’enfant à qui il croit apprendre à parler l\’illustre bien. L’être-de-savoir, Piaget, ne reconnaît pas chez le petit (être-de-vérité) l’immense richesse manifestée par son entrée dans la parole. Il le traite comme un sous-développé qui devrait accéder à son intelligence à lui. Et du coup, il passe à côté de l’ordre du signifiant qui nous détermine. Sa position de maîtrise exclut l’altérité.
Partons du polygone fondamental. Un carré dessine un trou dans une sphère.
Dans la figure 1, deux bords du trou sont orientés dans des sens opposés : c’est la bande de Mœbius. Ces deux vecteurs, en rouge, sont les deux bords de la coupure du sujet dont parle Lacan. Et à eux seuls ils suffisent à inscrire la bande de Mœbius.
Pour voir le passage à un seul bord, on déforme la sphère en étirant sur les bords non orientés, afin de rendre perceptible un bande biface: figure 2 et 3 . On voit se profiler la bande « avant » la suture effective.
La figure 4 dessine la suture caractéristique à la bande de Moebius.
La figure 5 montre le seul bord de la dite bande, qui résulte de la suture mœbienne de deux bords.
Lacan développera dans le même séminaire (Problèmes cruciaux de la psychanalyse) une autre articulation topologique entre le savoir et la vérité, avec la bouteille de Klein. L’un ne va pas sans l’autre. Tout savoir qui exclut la vérité de la condition du sujet divisé ne peut pas opérer analytiquement.
Virginia Hasenbalg
Juillet 2018