19 avril 2021 ; Le névrosé et sa bouée. Introduction à la topologie de l’objet a.
Dans la leçon 12, Lacan repart de la question de la négation.
Rappelons nous des leçons précédentes, et notamment de ce que Lacan dit de l’exception qui confirme la règle.
En effet, si une exception vient confirmer la règle, il peut être envisageable d’expérimenter ce que révèle cette confirmation du côté du sujet.
En deux mots, qu’est ce que cela confirme ou pas ?
Difficile d’ailleurs là, de ne pas penser à la confirmation dite religieuse, qui fait entrer le sujet dans une classe particulière, d être reçu parmi des membres d’une certaine espèce de communion.
Ca classifie.
Ainsi l’exceptionnel n’existerait que hors du réel ou plutôt ce qui s’en extirpe, ce qui sort du cadre, comme un phénomène de mise à part, d’exclusion.
Lacan avance la Verwerfen, forclusion, rejet, mais avec précaution comme notion prématurée dans ce qu’il amène.
Gardant au passage cette ébauche dans la marge.
On peut penser peut être que ce qui sort du cadre, c’est à dire l’exception, c’est pas tout à fait la même chose que ce qui n’y rentre pas.
Erreur ou exception, il y a donc dans ce que l’on veut garder ou dégager inévitablement le fait qu’il ne faudrait pas s’y tromper.
Ainsi la catégorie « artiste » par exemple, suivant son temps permet d’intégrer ou de désintégrer la maladie psychiatrique.
Antinomie entre extérieur/intérieur.
Considérant que l’art relève d’une vision du monde pouvant transcender le réel, ainsi c’est tout autre chose de considérer une personne non plus comme malade, mais plutôt comme artiste.
Changement de nomenclature donc.
Destigmatiser pour stigmatiser à nouveau, soit exclure pour inclure, par l’élaboration de l’inclusif.
L’inclusion est ce qui permet une position particulière d’existence (par exemple dans le spectre de l’Autisme, la classification Asperger qui se détache du groupe pour créer un nouvel ensemble, créé une inclusion par ce qui définirait une série de caractéristiques d’exception à la règle par un trait.
Un seul trait pour les réunir tous, dans ce cas par exemple, il s’agit non pas d’une forme d’intelligence autre, mais bien d’une intelligence référée à celle du groupe d’origine puisque classée comme « haut niveau », niveau qui ne se classe que sur une échelle de valeurs.
Pas très compliqué à comprendre, si finalement on admet de façon contemporaine, c’est à dire en son temps, toute déviance au réel que l’exception permettrait.
Le talent dit d’exception, autorisant finalement quelques entorses possibles à ce qu’il est commun d’accepter comme dans la norme.
Ainsi, l’artiste, l’intellectuel, le chef de guerre à qui on autorise une certaine marginalisation par les fonctions attendues, serait exclus du pathologique dont il pourrait dépendre.
Comme si le ne de la négation ne vise finalement pas une règle précise, mais finalement ce qu’elle produit pour exister comme règle.
A savoir, plus la règle est faible plus la négation sera forte, le combat idéologique ne visant structurellement qu’à mettre en exergue ce qui s’est perdu en route.
La venue d’un dictateur ne serait finalement que le résultat de la somme d’une répétition d’un mal, voire d’un manque réitéré.
Ce qui voudrait dire dans la contemporanéité, que ce qui est dévolu comme progrès relève d’un affaiblissement des règles passées, qui ont besoin de ce réel pour exister et revenir au devant de la scène au tour suivant.
Chassez le naturel, il revient au gallot.
Comme si contredire, permettait sous l’apparence de mieux dire, tout simplement de dire.
Du réel qui prend place à partir de c’est pas possible p 237.
Rappelons au passage une campagne politique, où le slogan « tout devient possible » a permis à son candidat d’être élu, et bien évidemment de ramener le réel à tout ce qui a été promis et non réalisé, puisque non réalisable (Election 2007/2012).
On retient d’ailleurs de çà, non pas ce qui a été fait, mais au final ce qui n’a pas été…comme échec au réel, définissant par la même la structure même de ce réel, comme système inchangé définissant la limite entre réel et imaginaire.
Actuellement, alors que nous vivons une épidémie mondialisée, une certaine logique visant non pas le temps actuel (contrairement à l’envie de retour au temps à la vie d’avant) mais la création d’un monde futur (je n’y crois pas, ce n’est pas vrai, je m’y oppose), constitue le réel comme pas comme structure mais comme croyance d’un « cela ne peut être ».
Les personnes préconisant l’épidémie comme une fabrication d’état, disent très clairement « je n’y crois pas », y a un os, comme dirait Jacques.
Pour Lacan, si le trait unaire est ce qui fonde la différence, la répétition forge la notion de classe, c’est à dire comment le classement s’organise.
Il va s’en dire que la classe des mammifères, dont l’homme en tant que primate fait partie, s’organise dans cette répétition. P 235.
Que la répétition permet le comptage, une espèce comptant plus d’un individu…dont les signes avant d‘être semblables sont comptés comme distinctifs les uns des autres par rapports à d’autres espèces.
Nageoires ? Pas de nageoires ? Poissons ? Batraciens ? Sirenes peut être ? Tout cela se classe par éléments de reconnaissance par rapport à une norme distinctive.
Ainsi, dans la catégorie des espèces, quand on distingue vivipares et ovipares …exception faite pour l’ornithorynque, classé ovipare, en voilà au moins Un qui pond des oeufs mais qui allaite.
Quand on dit au moins UN, il faut cependant distinguer madame (qui allaite) de monsieur Ornithorynque.
C’est ce que Lacan induit comme ce qui fait exception dans ce comptage la mamme .
Ou plus simplement, l’espèce qui allaite et celle qui n’allaite pas.
C’est une vraie question, une vraie distinction, car l’espèce qui allaite, crée une sorte d’espèce dans l’espèce, où plutot une classe qui se déduit d’une autre classe.
Ainsi Pour Lacan, le sein n’est pas plus phallus que le phallus, mais il le contient au niveau du psychisme humain créant ainsi la différence, ce fameux trait qui sépare l’homme et la femme.
Ainsi, le bon comptable peut déduire avec ou son mamme, à qu’elle espèce un mammifère appartient …
Alors là, ça se complique, car chez l’humain, bien qu’il est une mamme, homme et femme semblent se ranger dans des tiroirs différents, alors que la mamme les confère en une même espèce, Lacan évoque le leurre p 228, comme une erreur comptable.
Revenant à Piaget, l’épreuve comptée, que pour l’enfant puisse se compter, il faut qu’il se sépare d’un UN comptable, qu’il y est séparation et différenciation.
C’est de là, que cela compte, s’identifier comme autre de la mère, et établir ainsi qu’une mamme existe.
Que ce qui se déduit de 1, c’est une soustraction (je ne suis pas) soit du -1, pour faire semblant de l’être (je pourrait être) soit du +1, créant au passage la question du possible naissant du réel.
Disparition/apparition, Phallus/absence de phallus ou de sein …
Pour compter, il faut savoir soustraire d’une part, créant une division, pour additionner de l’autre.
Je reviendrais sur le film documentaire « Petite fille » et cette image du tout début, une des rares où l’enfant parle.
L’enfant s’essaye à des coiffures, et dit plusieurs fois « peut être, peut être, dans le miroir », signifiant là du possible, un possible venant créer le réel.
Ce n’est pas rien, car le miroir en tant qu’objet est un objet 3D avec une profondeur, pourtant l’image qu’il reflète, est un a plat, c’est à dire en 2D.
Lacan nous dit : la structure de l’humain c’est la sphère.
Structure simple que celle du ballon.
Et que pour aller d’un intérieur vers un extérieur ou vice versa, il faut bien que cette sphère puisse se trouer.
L’humain est ainsi fait, d’orifices qui vont venir faire trous, trous qui vont créer des passages des allers/retours vers le réel.
Je rappellerai juste là, la baudruche, sa forme extraite de l’intestin (intérieur) pour former un ballon, vous savez on en a déjà parler ces ballons gonflés à l’hélium dont l’embouchure est si proche d’un nombril.
L’image première inconsciente du corps est donc celle ci. La plus simpliste d’un rond avec un point au milieu, stade embryonnaire de la blastula p 239.
A cela Lacan évoque la lune, mais n’en dit pas plus, comme la forclusion gardant cela pour plus tard…
A ce stade, on peut quand même en dire quelque chose, la lune est satellite et magicienne, fait des tours, elle tourne autour de la terre, mais aussi sur elle même, ce qui au niveau du comptage des tours ne compte par pour rien à la fin….
Elle est de structure torique, et en plus au niveau de l’image, nous la voyons en tant que terriens sous l’apparence d’une face, soit une surface plane.
Puisque nous en sommes à compter la vie des astres, et que Lacan évoque à plusieurs reprises le cosmonaute, il est certain que lui, a le privilège de la voire ronde, la terre.
Que pour en arriver là, il aura fallu faire comme monsieur Pesquet quelques 400 kilomètres, c’est à dire en distance un peu moins qu’un Paris-Brest.
Si la 2D se compte à partir de la largeur et la hauteur, on peut envisager, ce rien du tout de distance, si on la compare ainsi, d’un point à un autre longitudinal d’une ligne horizontale ou verticale …
Un terrien ça vit sur terre, et quand ça se déplace, c’est de façon linéaire (on ne court pas de haut en bas par exemple …), et l’enfant acquiert la motricité de la marche par la forme avant en allant vers la mère en ligne droite (peu de perte de vue) , alors que la marche arrière (excluant le regard) n’est pas encore possible, et c’est en faisant un demi tour qu’il se retourne (échappement du regard), avec l’intégration de l’image de l’horizontale et du verticale, hauteur plus largeur qui constitue la possibilité de passer du loin au près.
Si tout cela nous échappe dans la vie quotidienne, l’infantile nous y ramène, avec ses ballons, ses sacs de billes et ses marelles dont les cases vont jusqu’au ciel.
Pourtant, nous dansons quelquefois sur « la marche de la lune », pas célèbre du « Moonwalk », dont la particularité est d’être une marche en arrière.
La lune a d’ailleurs dans un certain vocabulaire un rapport précis au corps (entre autres les fesses).
Phase annale, dont l’acquisition de la marche est souvent oubliée au profit de la propreté.
Corps troué de devant et de derrière, double face, recto/verso, mais aussi ce qui constitue une structure en tube, venant faire embouchure, ce qui nous ramène à une topologie des bords.
Quand Lacan nous dit que l’humain à une structure sphérique, il ne peut mieux dire, car la position du centre de gravité d’un humain, en position debout se situe à la hauteur de son nombril, ont dit d’ailleurs qu’une personne centrée sur elle même, est nombrilique, que tout tourne autour d’elle.
Alors que le sujet est organisé par son rapport au manque, nos sociétés sont organisées aujourd’hui au travers d’une sphère non trouable, où le virtuel vient en place du réel.
Voire L’homme sans gravité/ La nouvelle économie psychique (Melman/Lebrun) ou encore la dystopie MATRIX (film où des humains d’un nouveau genre sont créés en série par la machine, une vie uniquement virtuelle où rien ne vient jamais à leur manquer, être non troués et sans nombril).
L’humain ayant la structure d’un anneau p 238, c’est à dire que pour qu’il y est extérieur, il faut un trou qui vient aspirer du réel.
Réel crée par l’impossible, soit la contrainte fonctionnelle définit par le trou (on ne peut accoucher par la bouche, manger par l’annal).
C’est donc par le trou que l’humain éprouve le sentiment de soi par l’interne, il faut que cela le traverse, pour élaborer un corps en 3D.
Limites entre l’intérieur et extérieur, au trajet du pulsionnel, attribuant les fonctions aux parties du corps souvent l’effet de la pulsion toujours partielle.
Le fonctionnel étant déterminé par une sorte de classification des fonctions.
Et là encore, Lacan nous parle de la fonction du sujet p 240, introduisant la différence entre sphère et plan.
Il semblerait que le plan puisse élaborer la surface plane, tout en disant quelque chose sur la profondeur (intérieur) ce que l’image des Lacs vient à ce propos illustrer.
Parfaitement illustrée par la Bande de moebius (demi tour), comme une surface à une seule face ne peut pas être retournée, elle n’a pas d’image spéculaire.
Lacan évoque la géographie, partant du monde, qui peut être aussi bien dessiné en à plat (carte géographique) qu’en forme sur un globe terrestre (mappemonde).
La bande de Moebius, n’a qu’une face, de sorte qu’en la suivant d’un bout à l’autre on passe d’un côté à l’autre sans la traverser. Pour passer de l’autre côté d’une bande de Moebius, il faut faire un trou dedans.
Le trou, c’est l’ « objet a ».
Ainsi l’humain est un être troué et ce dès la naissance, à la coupure ombilicale dont la suture révèle la marque au corps.
Danielle Roussel