Dans le champ de notre expérience, cette question a été reprise par Freud au travers de toute son élaboration d’une topique, et par Lacan dans son recours à la topologie pour cerner au plus près ce que serait la structure de notre expérience de l’inconscient.
Pourtant Il n’y a pas de rencontre sérieuse entre philosophe et analyste qui ne tourne à la rivalité la plus implacable dès qu’on en vient à parler d’atopie. Lacan, sur ce chapitre, n’y va pas par quatre chemins, en usant d’une figure de style qu’il aemployée aussi bien vis-à-vis du cogito cartésien que du signifiant saussurien, il mène dans un premier temps une opération de pure et simple annexion : Socrate — Analyste.
C’est sur un point extrêmement local du texte du banquet, longuement commenté par Lacan dans son séminaire sur Le Transfert que le problème se joue. Alcibiade a déclaré sa flamme à Socrate, et veut maintenant obtenir de lui le signe qu’il en est aimé, ce sur quoi il n’y a aucun doute puisque personne ne peut ignorer leurs relations. Comme pour légitimer sa passion et forcer la décision de Socrate, Alcibiade le décrit comm quelqu’un qui, sous les apparences les plus disgracieuses, est seul à contenir les précieux agalmata.
Dans Les ‘richesses intérieures’ de Socrate, se trouvent donc ce que notre époque appellerait volontiers « l’obscur objet du désir ». Chose que croit toujours le patient dans sa relation auTransfert.
Mais loin d’accepter cette supposition et au nom de l’unique savoir qu’il dit détenir, savoir sur les choses de l’amour, Socrate intervient au près d’Alcibiade pour lui dire : « Examine les choses avec plus de soins de façon à ne pas te tromper, ce [je] n’étant rien » (autre traduction, celle de Mario Meunier : « […] pour que tu ne puisses point te méprendre sur le rien que je vaux. »). Déclaration on ne peut plus importante puisqu’elle conduit de ce fait à ranger ainsi Socrate côté analyste sur ce seul verdict autoréférentiel qui énoncerait qu’en lui-même, à la place désigné par l’amant comme celle de l’objet cause de son désir, il (n\’) y a rien ?
N’est ce pas là ce à quoi nouspouvons nous attendre de transfert dans une analyse lorsque l’amour fait rage ?
C’est pourquoi aussi bien pour Socrate que pour un analyste la conséquence en sera la possibilité de désigner à Alcibiade comme à
son analysant l’l’objet vers lequel en fait tout son discours enflammé le conduit : Agathon, celui dont le nom signifie le Bien.
Ce Bien est encore une fois présenté dans le séminaire du 8 février 1961 comme une forme du plein, en tout point opposé au vide, à l’ouden dont Lacan va alors jusqu’à dire qu’il constitue l’essence de Socrate-
l’analyste.
N’est ce pas à cause de ce vide que Socrate est révélateur de l’essence de l’analyste en tant que pris dans un transfert, et alors n’est il pas légitime pour l’analyste de revendiquer comme sienne l’atopie qui découle de ce
savoir socratique sur les choses de l’amour ?
Platon, dans cette perspective, ne serait il plus qu’un successeur ? : Un atopique en second. Le découpage opéré par Lacan entre
Socrate et Platon sert à conduire cette opération d’isoler l’atopie en la personne de Socrate pour mieux la revendiquer comme étant celle de l’analyste, ce que Badiou ne peut que récuser.
Mais Lacan ne reste pourtant pas sur cette définition puisque six ans après ce commentaire du Banquet, dans sa célèbre
Proposition d’octobre 1967 sur la passe, il écrit ceci : « Mais qui sait mieux que Socrate qu’il ne détient que la signification qu’il engendre à retenir ce rien, ce qui lui permet de renvoyer Alcibiade au destinataire présent de son discours, Agathon (comme par hasard). » et poursuit: « Mais est-ce là tout ? Quand ici le psychanalysant est identique à l’agalma, la merveille à nous éblouir, nous tiers, en Alcibiade ».
Dès lors on ne peut plus considérer l’analyste à la place de Socrate, mais bien à celle d’Alcibiade, tandis que l’énigmatique agalma vient se loger à l’enseigne du psychanalysant. Et Lacan de conclure ce virage brutal par ces mots: « Comme tous les cas particuliers qui font le miracle grec, celui-ci ne nous présente que fermée la boite de Pandore. Ouverte, c’est la psychanalyse, dont Alcibiade n’avait pas besoin».
Dès lors on ne peut plus considérer l’analyste à la place de Socrate, mais bien à celle d’Alcibiade, tandis que l’énigmatique agalma vient se loger à l’enseigne du psychanalysant.
Et Lacan de conclure ce virage brutal par ces mots:
« Comme tous les cas particuliers qui font le miracle grec, celui-ci ne nous présente que fermée la boite de Pandore. Ouverte, c’est la psychanalyse, dont Alcibiade n’avait pas besoin ».
La Psychanalyse demeure t elle aujourd’hui la seule à pouvoir ouvrir cette ‘ boite de Pandor’ ? Par son acte n’offre t elle pas cette spécificité, outre d’être une cure par la parole, de mettre en œuvre via le transfert une guérisonpar l’atopie de l’amour ?
Par conséquent et dans cette mesure La psychanalyse ne peut donc pas être considérée comme une philosophie.
Interviendront notemment
: Jean Pierre Rumen, Françoise Fabre ,Gilbert Poletti,
Carol Watters, Serge Sabinus, Marie Françoise Zerlini , Jean François Pietri, Robert Levy ….