Mme Nathalie Rizzo: « La disparité à la charge de l’enfant »

Nous voudrions mes collegues et moi meme remercier Elisabeth La Selve d’avoir sollicité le département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent pour participer à ces journées parce que sa proposition nous a invité à nous mettre au travail et à nous essayer à une lecture de la clinique articulée à cette question.

Nous avons pris le parti de venir témoigner de ce que nous nous pouvions repérer des effets et des conséquences structurelles que peut avoir le discours actuel paritaire au niveau de la famille qui y adhère, au niveau de son organisation intime, de la place de chacun en son sein et des enfants que nous recevons.

Notre question a été celle-ci : comment s’organise ce que nous avons appelé une disparité qui nous semble structurelle du fait d’être des sujets parlants, dans les situations ou le discours paritaire n’est pas sans effet ?

Que les parents se positionnent ou pas dans une parité, l’enfant en tant que petit parletre n’aura de cessede venir questionner sa place, celle de ses parents et la question de la différence des sexes. Nous en avons un témoignage dans la clinique et notamment avec les enfants qui présentent des troubles du comportement, hyperactivité..

Jm Forget nous rappelle dans un texte « un pour tous, tous pour un sans exception.. » que « la rigueur du langage peut nous permettre de tenir compte de la perte inhérente à notre statut de sujets parlants et peut nous rappeler que le lien sexuel est l’instrument qui permet au sein de la famille, de transmettre entre générations ce qui est le propre de notre humanité. »

Dans les situations d’une adhésion au discours paritaire, le sexuel organise t’il tj les lois du langage ? et alors qu’en est il pour l’enfant ?

Pour cheminer sur cette question, nous allons parler de familles plutôt « classiques » et pour ma part, composées d’un père et d’une mère qui vivent ensemble et on verra que ce « vivre ensemble » peut se révéler sous des formes quelque fois paradoxales, et de leur enfant pour qui ou « à cause de qui » la consultation est demandée et je m’appuierai aussi sur quelques remarques très banales concernant le milieu de la toute petite enfance.

Il nous a semblé possible de poser que les effets et conséquences structurelles du discours paritaire que peuvent tenir les parents sont de venir révéler, accentuer voire justifier ce qui est à l’oeuvre au niveau du lien dans la famille et qui concerne l’économie du désir et la fragilité de la référence à la fonction paternelle.

Bien sûr, pas question d’être nostalgique d’un temps d’avant ou la famille était organisée sous l’ autorité du père, avec une répartition inégale des charges et des devoirs, les mères s’occupant des enfants puis de leur travail et les pères de leur travail… c’est ainsi que se présentaient les familles dans le milieu de la petite enfance, je parle des crèches, qui étaient un milieu essentiellement féminin, on y croisait il y a encore quelques années essentiellement des professionnelles (et c’est encore le cas) et des femmes devenues mères, des hommes devenus pères nous en croisions très très peu.

Aujourd’hui et c’est sans conteste un progrès, les pères sont beaucoup plus présents dans le vécu et la prise en charge de leur bébé et nourrisson à la crèche et concernés, et ils se chargent au coté de la mère ou « comme » la mère, et c’est peut être cela qui différencie un positionnement égalitaire dans un cas et paritaire dans l’autre, des soins, des accompagnements, des traitements…qui sont le quotidien de la vie de bébé à la crèche.

Quand il s’agit d’un positionnement égalitaire, le père et la mère sont engagés en tant que homme et femme dans un pacte symbolique, c’est-à-dire dans des relations ou il y aurait une place pour la question du désir dont chacun peut être animé. Rappelons que c’est lorsque ce désir est articulé au sexuel que dans des situations ordinaires, un homme et une femme deviendront un père et une mère avec un enfant. A partir de cette référence au sexuel, l’enfant viendra interroger ce qu’il en est de la question du manque du fait d’être un être parlant ; s’il peut repérer la nature sexuelle de ce manque il pourra se constituer pour lui-même son fantasme qui va en retour lui désigner une place sexuée.

Mais qu’en est il lorsque le discours est ramené du coté non plus de l’égalité mais de la parité ? Qu’en est il lorsque la question du sexuel est élidée au profit d’un positionnement imaginaire du coté du « même » ? l’enfant est alors est confronté à un manque hors sexualité.

On a affaire à des relations de type « co », « copinage » ou «  coparentalité ».

Par exemple, en crèche les professionnels sont de plus en plus embarrassés pour designer l’autre parent au parent présent quand ils doivent le faire. Et s’ils se risquent à un « votre femme, votre mari a dit que.. etc » qui était tt à fait accepté il y a encore quelques temps voire bienvenu, aujourd’hui il est très fréquent que le parent rectifie, avec plus ou moins d’agressivité, « c’est mon copain, c’est pas mon mari.. » et inversement..

Nous en arrivons à ne plus parler que de « parent », « le père de votre enfant, la mère de votre enfant »..ce qui élude, il me semble, la dimension du couple que forment les parents et de la sexualité, pour en rester prudemment à une dimension de parentalité.

A la crèche nous recevons donc des « parents » engagés dans leur « parentalité » et quand ils sont séparés dans leur « coparentalité » ; distribution paritaire des charges, des soins, des contraintes, tout cela est géré dans un gommage de la position sexuée de chacun.

La parentalité à quelques lettres de moins pres donne «  parité ». c’est à la mode et même source de subvention pour les crèches qui proposent des projets d’accompagnement à la parentalité. Elle renvoie à un engagement de type contractuel des parents. L’autorité parentale est conjointement exercée même en cas de séparation des parents qui se retrouvent engagés dans une coparentalité ou il ne devrait pas y avoir de heurt…

C’est sans doute ce qui se passe pour Mateo, un petit garçon de moins de 6 ans qui a amené ses parents en consultation puisque à notre deuxième rencontre alors que je le reçois seul il me dira « tu as compris, moi je vais très bien. Mais alors « papamaman » ne va pas bien ! » je relèverai d’emblée ce « papamaman » qui se présente en un seul bloc comme un tout indifférencié et d’ailleurs Mateo le conjugue au singulier alors qu’il sait très bien accorder les verbes puisqu’il parle comme un adulte. Devant mon étonnement il dira « je dis exprès comme ça « papamaman » parce que papa et maman, ils font «  tout ensemble ». c’est « ce tout ensemble » que Mateo essayera de débrouiller, question d’autant plus compliquée car ses parents se présentent comme séparés. Ils le précisent d’emblée, avant même d’en venir à ce qui a motivé leur démarche. Ce « on est séparé » sera dit par la mère puis le père qui répète en écholalie pourrait on dire ce qu’elle dit. Ce « on » est d’ailleurs permanent dans leur discours, et il faudra un grand moment avant que chacun puissent y mettre un peu de « je ».

Si les parents ont fait cette demande de consultation pour Mateo c’est parce qu’ils n’arrivent plus à gérer leur fils, celui-ci s’oppose à tout, et au besoin hurle, casse tout dans sa chambre quand ils l’y punissent, « on ne le maitrise plus » diront la mère puis le père. Il dort toutes les nuits avec ses parents, il a encore la couche la nuit, mange que ce qu’il veut, refuse d’aller à l’école certain matin, refuse de s’habiller….enfin la liste est infinie.

Alors que je m’étonne que Mateo puisse dormir dans le lit de ses parents puisqu’ils sont séparés, ceux ci expliquent qu’ils sont séparés  mais cependant vivent pour le moment encore « ensemble » sous le même toit pour des questions « d’organisation » qui se révéleront être une impossibilité pour chacun des parents de ne pas être avec Mateo.

C’est à ce moment là que je vais entendre pour la première fois Mateo, qui s’arrêtant de jouer, se campera devant moi, me regardant fixement et dira « c’est nul hein ? » sans pouvoir ensuite préciser ce qui est nul. Est-ce donc que ça s’annule le « séparer » et le « ensemble » faisant au final du rien, ni séparé ni ensemble…les parents dorment dans le même lit mais insistent sur le fait qu’il y a séparation…il y a de quoi peut être perdre le fil ou le compte…c’est d’ailleurs en mathématiques à l’école que ça ne se passe pas bien du tout, et les parents s’en inquiètent alors que Mateo est d’une vivacité et intelligence manifeste. Mais comment compter quand tout et son contraire est possible ? comment ordonner les choses faire du plus et du moins ? ainsi échoue t’il alors qu’il sait très bien compter par ailleurs. « jusqu’à 100 ! » qui est peut être à entendre « sans » me confiera t’il lors d’une séance alors que les parents catastrophés ont amené ses « résultats » scolaires et s’inquiètent des échecs en math, c’est-à-dire des exercices de logique ou il s’agit d’ajouter et enlever. Mais peut être que de la perte il ne peut pas y en avoir.

Jm Forget écrit dans son texte « un pour tous… » que quand « un homme et une femme sont solidaires dans la recherche commune de satisfaction d’un objet positivé dont la consistance serait accessible par une appropriation, l’objet du désir perd sa particularité d’être insaisissable ».

Ils ont alors un fonctionnement de groupe ou les membres sont identiques, sans différence. A ce moment là, c’est la référence de chaque membre à la castration symbolique ou à l’assise qui assure son identité qui est abandonnée et exclue.

Jm Forget parle alors de discours sans contradiction ou tout et son contraire peut se dire. Ce discours est organisé autour d’un objet positivé qui perd donc son caractère d’etre insaisissable, il n’est plus organisé par la perte que les marques symboliques viendraient borner.

N’est ce pas ce qui se présente pour Mateo avec ce « papamaman » ?

Le discours des parents est une suite de propos sans restriction de jouissance. Chacun entend profiter de Mateo à part égale.. « en s’organisant comme ça, on profite de lui » me diront ils l’un et l’autre, ce « profite » étant sans doute à entendre du coté du profit qu’ils peuvent en tirer.

S’ils jouissent de leur enfant, pour Mateo il ne peut y avoir de restriction de jouissance non plus. Ainsi expliquent ils un jour les difficultés qu’ils ont avec Mateo lorsque celui-ci va le weekend chez un petit camarade.tout est autorisé chez cet enfant, ils font ce ils veulent, il n’y a pas d’interdits, et quand il revient à la maison il est dans une excitation qu’ils ne peuvent pas gérer. Cependant Mateo y va chaque weekend. Lorsque je leur demande  pourquoi ils acceptent qu’il y aille puisque manifestement ce n’est pas intéressant pour leur fils, « c’est parce que ça lui fait plaisir ».

Ce « parce que ça lui fait plaisir », justifie tout. Cet impératif de jouissance est tel que aucun des deux parents n’avaient pensé qu’ils pouvaient décider que Mateo n’irait plus chez ce camarade et ce d’autant plus que Mateo n’est pas demandeur d’ y aller.

Pour ces parents pas de conflit entre eux mais du coup peut être sont ils dans l’impossibilité du fait de cet abandon de la référence à la castration symbolique d’exercer une position d’autorité à l’égard de leur fils.

Ils ne savent pas comment intervenir quand Mateo refuse de faire quelque chose ou quand il fait une crise mais ne sont jamais en désaccord. Ils sont impuissants l’un comme l’autre.

Au cours du travail, ils passeront d’un « on ne peut rien faire » à se questionner sur ce que chacun pourrait faire introduisant un peu de différenciation. Mais alors le père est rattrapé par cette question qui est d’où peut il s’autoriser pour poser une limite et occuper une position d’autorité et quand il se l’autorise c’est dans le registre imaginaire que cela se déploie, du coté d’un autoritarisme très exagéré ou il traque Mateo dans les moindres détails.

La mère elle continuera à déplier les choses du coté du « faire plaisir ».

Si Mateo est au centre de la préoccupation de ses parents, il n’est pas sûr pour autant que leur discours lui ménage une place de sujet. Car les parents se présentent chacun du coté d’un « tout » tel un Autre complet qui ne lui ménage pas de lieu.

Reste à Mateo en l’absence d’un lieu d’où il peut se faire entendre, l’agitation et les crises . Depuis que je le reçois et que je reçois ses parents, il y tient beaucoup, Mateo s’est beaucoup calmé et accepte d’écouter son père et sa mère. Il sait qu’il ne commande pas, qu’il n’a pas à assurer cette charge. Il fatigue beaucoup ses parents car il s’est mis à poser des « tonnes de question ».

Du coté de Mr et MMe, ils envisagent depuis peu de prendre chacun un appartement mais reste dans le calcul de comment ils vont se « partager Mateo » je les cite. Ce « partage » reste leur question et donne à entendre ce fonctionnement sans perte possible, autour d’un objet partageable qui s’articule avec ce que le discours paritaire véhicule. Ils sont très au fait de la loi sur l’autorité parentale, la question de la garde alternée, et ils justifient leur décision en y faisant référence et en s’autorisant de ce que la loi prescrit dans l’intêret de l’enfant.

Le discours paritaire ne vient il pas pour cette famille légitimer leur recherche commune de satisfaction autour de cet objet que Mateo incarne ?

Voici une autre vignette clinique :J’ai reçu Pauline il y a 3 ans. la mère m’a appelé il y a peu, car elle souhaite venir parler « en tant que parent » précise et insiste t’elle. C’est aussi en tant que parents mais au pluriel cette fois que cette femme et son compagnon s’étaient présentés lorsque j’avais reçu leur fille pour des problèmes d’agressivité à leur endroit, « alors que tout allait si bien entre eux » c’est-à-dire entre eux 3.. La naissance de Pauline était l’aboutissement d’un projet commun qui les avait réunis « celui de devenir  parents ». ils avaient réalisé leur projet qui se passait si bien, c’est-à-dire qu’ils s’occupaient de Pauline « ensemble » ou « pareil », quand l’un des deux était absent l’autre était là.. on pourrait dire que c’était l’un et l’autre pareil ou bien, l’un ou l’autre puisque c’est pareil, comme s’ils étaient interchangeables, peut être dans un abandon de leur subjectivité au profit d’une position paritaire.

L’exercice de l’autorité se dépliait sur le même mode. Ils s’essayaient à l’exercer de façon « équivalente », prenaient les décisions en « concertation et en bonne intelligence  et en commun » je les cite, incluant Pauline dans cette communauté. Mais depuis peu ils se disputaient beaucoup avec Pauline qui ne coopérait plus et les parents s’étaient trouvés tout à fait démunis.

Pauline du haut de ces 4 ans semblait occuper une place de partenaire de ses de ses parents, sans distinction ne serait ce que de génération ; elle parlait d’ailleurs comme une adulte et les parents acceptaient dans le cadre de ce « tout va si bien » de répondre de leur décisions devant leur fille.

Au cours du travail qui a pu se faire pour cette famille, il s’est agit pour le père et la mère de lâcher ce « c est pareil » pour se repositionner en tant que sujet pris dans le langage et la parole et en tant que sujet occupant des positions sexuées distinctes.

Peut-on penser que c’est Pauline qui est venue le leur rappeler en s’opposant et en venant mettre du ratage dans leur idylle à 3?

Quoi qu’il en soit, c’est la mise en route d’un second bébé, qui est venue réintroduire du sexuel et du désir, puisque ce bébé a été conçu en dehors de tout projet parental. Cet évènement avait permis aussi que Pauline trouve une place de fille ainée de la famille, de future grande sœur du bébé à venir. Les choses s’étaient donc organisées, ordonnées mais sans doute pas sans difficulté puisque lorsque cette femme est venue parler d’elle « en tant que parent », c’est surtout d’un lien « ravageant » avec sa fille dont il a été question.

Pour conclure cette première partie, jp Lebrun (dans les paradoxes de la parentalité), rappelle que ce que fait disparaître la parentalité c’est la dissymétrie qu’implique notre dette au langage. Elle propose la possibilité d’une entente parfaite entre « des parents ». elle permet d’éviter la rencontre avec le réel c’est-à-dire une part irréductible, un manque, qui ne peut se régler par quelque contrat que ce soit.. est ce cette tentative là qui était à l’œuvre pour ces deux familles ? pour Pauline, du sexuel est venu réordonner le manque, en ce qui concerne Mateo et ses parents il semblerait que ce ne soit pas « si simple ».

Reste au clinicien la rigueur de son engagement dans la parole, sa prise en compte de la perte inhérente du fait de parler ; c’est sans doute de cette position là que quelque chose peut se mettre au travail pour ces familles si modernes.

M. Charles Melman : «Entre parité et différence dans la relation homme-femme »

 

CONFERENCES D’INTRODUCTION A LA CLINIQUE PSYCHANALYTIQUE Année 2012-2013

Responsables : Maryvonne Febvin, JP Hiltenbrand, Claude Rivet

 Dr Charles MELMAN, psychiatre, psychanalyste fondateur de l’ALI  

le 6 avril 2013 à Sainte Tulle (Alpes de haute Provence)

     Les sujets contemporains ne ressemblent plus guère à ceux d’hier, tant dans leur mode de vie et de relations que dans leurs idéaux. Nous en repérons les effets dans les évolutions de la famille moderne, dans l’organisation et la place du travail, dans les modalités de jouissance et de consommation. Ces mutations sociales ont-elles une incidence profonde sur la structure et l’identité des hommes et des femmes ? Notre cycle de conférences viendra interroger cette évolution.

 

Séminaire Le sinthome : Leçon II du 9 décembre 1975 : Travail de Cartel par Sylvie Liotard avec Odile Boccard, Elisabeth Fradet, Astrid Ha et Frank Salvan

Frank nous a suggéré ce début très intéressant : « De retour des Etats-Unis, où il a passé 15jours, Lacan reprend ses considérations sur le nœud borroméen et cette leçon est pour lui l’occasion d’insister sur le rôle du 4ème rond. Le nœud rosace du tout début de la leçon, est bien là pour illustrer l’intérêt qu’il va porter au nouage du nœud borroméen par le 4ème rond ».

Cela nous ramène effectivement à ce que Lacan nous dit à la fin de la leçon, sous une forme interrogative en parlant de Joyce : « ….ce 4ème terme, celui à propos de quoi, aujourd’hui, j’ai voulu simplement vous montrer qu’il est essentiel au nœud borroméen lui-même ? ».

Après avoir terminé de lire cette leçon, je me suis dit : « Mais où nous a-t-il dit que c’est essentiel ? », ceci m’a fait reprendre ma lecture, d’autres personnes dans le cartel ont eu ce même sentiment.

 

Nous avons donc suivi la leçon pas à pas, comme nous le dit Lacan concernant le nœud borroméen ou la fonction du nœud, il nous dit cela : « C’est en effet pas par hasard, n’est-ce pas, c’est peu à peu que vous avez vu… que vous avez pu voir, c’est à dire entendre, pas à pas, comment j’en suis venu à exprimer par la fonction du nœud ce que j’avais d’abord avancé comme, disons, triplice du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel » p.34.

On dirait que Lacan nous suggère qu’avec le nœud borroméen, pour en saisir quelque chose, il faudrait voir, entendre et manipuler par le mouvement du pas à pas.

Ne pas aller trop vite, c’est également ce que Charles Melman nous suggère en nous proposant de revenir cette année sur les séminaires des « Non-dupes errent » et « RSI ».

 

Avec nos difficultés, nos hésitations et nos divergences, petit à petit, ce que nous pouvions en dire a pris forme, ce qui ne serait peut-être pas identique à un autre moment, dans un autre contexte.

Tout ceci me semble en relation avec ce que nous dit Lacan concernant son cheminement avec le nœud borroméen dans cette leçon.

Il nous dit ceci : « Il est très difficile de penser au nœud », un peu plus loin il reprend : « Le nœud borroméen est constitué par une géométrie qu’on peut bien dire interdite à l’imaginaire », il poursuit  « qui ne s’imagine qu’à travers toutes sortes de résistances, voire de difficultés », ceci donnant sa substance au nœud. On peut remarquer la forme négative devant « s’imagine ».

Il nous dit également que « le désir de connaître rencontre des obstacles », ce qui peut être mis en lien avec le Réel et la science qu’il évoque plus loin. Il termine dans cette leçon sur le registre de la difficulté de penser le nœud par : « C’est pour incarner cet obstacle que j’ai inventé le nœud, et que au nœud il faut se rompre ».

La première définition de se rompre est « se casser, se briser », on trouve ensuite « s’accoutumer à », dans le « il faut se rompre », nous pouvons entendre  toute la difficulté du nœud borroméen. Dans la même leçon Lacan nous dit que le nœud sert à nous repérer.

 

Dans son texte : « La Dentellière » du 19/06/2012, sur le site de l’ALI, Marc Darmon débute son texte par un extrait d’un texte de Descartes que Lacan citait et qui est celui-ci : « Il ne faut pas s’occuper tout de suite des choses difficiles et ardues, mais qu’il faut approfondir tout d’abord les arts les moins importants et les plus simples……ceux des femmes qui brodent ou font de la dentelle…..tous ces arts exercent admirablement l’esprit pourvu que nous ne les apprenions pas des autres mais que nous les découvrions par nous mêmes….. ».

Ce court extrait, aborde l’importance de pouvoir manipuler, en commençant par le plus simple et en découvrant par soi-même. Il permet également de faire une transition avec la suite du texte de Marc Darmon sur notre difficulté à manipuler les ronds de ficelle pour faire les nœuds, il parle même de « répugnance », peut-être due au fait, d’après ce que nous dit Lacan dans RSI, que le nœud borroméen serait du côté du refoulé primordial lui-même.

 

D’après Darmon le concept donne une image rassurante d’un cercle qui contient, nous pourrions dire du côté de l’Imaginaire, avec les ronds de ficelle les cercles sont évidés  et donc de cette façon, il faut faire avec ce qui leur ex-siste, ce qui se tient au dehors, peut-on dire du côté du Réel ?

 

Il nous invite ensuite à faire un nœud à 4, mais avant, nous allons revenir sur le nœud borroméen à 3, en s’appuyant sur la partie du livre de Jeanne Granon Lafont « La topologie ordinaire de Jacques Lacan » concernant les nœuds borroméens.

Le nœud borroméen est une certaine façon de nouer des brins de ficelle et dès qu’il y a plusieurs ficelles, on peut parler de chaîne, ce qui est important pour le nœud à 4.

Le nœud borroméen désigne en fait une chaîne borroméenne et bien sûr, une chaîne borroméenne est telle que si l’on coupe un rond, n’importe lequel, tout se sépare.

 

Avec la chaîne, nous voyons une certaine linéarité du nœud et la possibilité de multiplier le brin central en forme de croissant, ce qui permet de passer au nœud à 4. Lacan utilise le plus souvent la représentation permettant de voir dans le tracé « la fonction identique de chacun des ronds ». Le compte commence à 3, le nœud borroméen apporte la nécessité du 3.

Les 3 ronds jouent chacun le même rôle, 2 ronds sont posés l’un sur l’autre et le 3ème vient les lier ensemble, ce qui permet de voir les intersections et les coincements. L’écriture du nœud à 3 montre l’homogénéité des 3 consistances du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. Dans le nouage, ils ont la même fonction, ils sont de « communes mesures ». Dans le nœud à 4, il y a toujours apparition de sous-groupes 2 à 2.

 

Pour revenir à l’invitation de Marc Darmon de fabriquer un nœud à 4, j’en ai effectivement fabriqué un, peut-être pour me sortir de l’imaginaire du nœud, en effet, sur le papier, je ne voyais pas comment en coupant l’un des ronds, les autres se détacheraient (voir figure p.34).

Avec la manipulation des ronds de ficelle, il me semble avoir avancé dans ce que peut représenter un nœud à 4. J’ai pu ainsi visualiser où se situent les faux-trous, notion qui jusque-là m’était totalement abstraite.

Dans un nœud à 4, il y a 2 faux-trous et les ronds sont solidaires 2 à 2. Marc Darmon nous dit que le milieu est composé du 3ème et du 4ème rond, faisant faux-trou et venant lier le 1er et le 2ème. Un faux-trou est le trou situé entre les deux consistances pliées en demi-oreille.

 

La manipulation permet également de s’apercevoir que le nœud à 4 introduit un certain ordre, il n’y a plus d’indifférenciation des ronds comme avec le nœud à 3 puisque le 4ème rond vient s’accrocher à un particulier.

Il faut noter l’importance de ce « un particulier » pour la question de la nomination. Je cite Marc Darmon pour passer de 3 à 4, en introduisant la nomination comme 4ème terme : « Il faut le nombre 3 pour que ça tienne, mais aller dire là-dedans lequel est le réel….., lequel fait nœud…..Il semble qu’avec le 4ème une distinction s’introduise : le Nom-du-Père avec le 4ème comme nomination, Lacan nous dit que c’est la seule chose dont nous soyons sûrs que ça fasse trou ; mais il n’est pas obligé que ce soit au trou du symbolique que soit conjointe la nomination ». A la fin  de la leçon, nous reviendrons sur le 4ème terme et la nomination.

 

Ce 4ème terme resterait noué à l’une des consistances, par exemple R et S noués par le quatrième et le I. De cette configuration nous dit Marc Darmon, Lacan parle de nomination imaginaire qui serait le faux trou, c’est une nomination qui ferait faux trou avec les trous du corps, si l’on peut dire.

Cette nomination imaginaire reste liée au rond imaginaire, il y a donc une distinction des ronds par rapport au nœud à trois.

Marc Darmon en déduit que l’on pourrait penser de la même manière à une nomination symbolique, entre réel et imaginaire, liée au rond du symbolique et une nomination réelle, entre imaginaire et symbolique, liée au rond du réel.

 

Lacan, dans sa relecture de Inhibition, Symptôme et Angoisse de Freud, dans le séminaire R.S.I, rapporte l’inhibition à la nomination imaginaire, le symptôme à la nomination symbolique et l’angoisse à la nomination réelle.

 

Colette Soler, dans son livre L’aventure littéraire ou la psychose inspirée, nous dit que pour Joyce, le quatrième rond aurait permis de faire tenir le nœud de façon borroméenne.

Ce serait par la publication de ses livres que Joyce parviendrait à la nomination symbolique.

 

Patrick Guyomard, lors des journées du séminaire d’été sur RSI, nous a dit que la question de la  nomination, c’est de « se faire un nom », c’est avec la question de la nomination que le nœud à 4 s’imposait et que Joyce, dans son œuvre, se fabriquait du père. Ceci introduisait le séminaire sur le Sinthome.

 

Dans la suite de la leçon, Lacan passe, a priori sans transition, à la problématique de l’initiation en psychanalyse, il nous dit «  qu’il n’y a pas à proprement parler d’initiation ». Si l’initiation suppose un savoir défini à transmettre, la psychanalyse, elle, transforme sur la base d’un savoir supposé avec l’ambiguïté que souligne Lacan d’un sujet non seulement double, mais divisé.

 

Dans la dernière leçon de RSI, du 13 Mai 1975, Lacan écrit : « Je n’y suis, moi, que pour peu de choses, étant déterminé comme sujet par l’inconscient, ou bien, par la pratique, une pratique qui implique l’inconscient comme supposé. Est-ce à dire, que comme tout supposé, il soit imaginaire ? C’est le sens même du mot sujet, supposé comme imaginaire. »

 

Colette Soler dans une émission de France Culture, Les nouveaux chemins de la connaissance, intitulée « le réel est-il supportable ? », nous dit : « qu’il n’y a qu’une façon pour la psychanalyse de se transmettre, c’est qu’il y ait des analystes ».

Tout ce qui est théorie bien sûr est capital, tout ce qui est de l’enseignement, l’étude de la clinique, est essentiel, aucun analyste ne s’avance dans la psychanalyse seulement avec son analyse. Mais, c’est par son analyse qu’il est supposé avoir été transformé comme sujet de telle sorte qu’il puisse assumer la tâche analytique.

On ne peut pas dire que cela se transmette de l’un à l’autre, ça se perpétue, par le fait qu’il y ait des analystes qui continuent : il y a de l’un, de l’un, de l’un…

 

Lacan dans RSI, leçon du 18 février 1975, nous dit que la pratique du nœud s’apparente à la pratique analytique.

Je le cite : « Il n’y a pas à ma connaissance, quoi que ce soit, sauf à apprendre à le constituer et à l’apprendre par la tresse, ce qui assurément n’est pas à proprement parler une façon mentale de résoudre la question… »

A la suite, toujours dans RSI, Lacan évoque le fait qu’il y aurait une relation entre l’expérience analytique et le nœud, est-ce dans son « il faut en user bêtement », ne pas être dans le savoir mais dans un décryptage.

Nous voyons courir dans cette leçon 2 du Sinthome, une intrication entre la pratique analytique et le nœud borroméen.

 

La parution contemporaine d’un ouvrage d’Erich Fromm intitulé La mission Sigmund Freud, va être l’occasion pour Lacan de revenir sur ce qu’il entend par vérité.

Il résume ainsi les propos de l’auteur « en quoi donc, si j’ai bien lu, Freud, un bourgeois, et un bourgeois bourré de préjugés, a-t-il atteint quelque chose qui fait la valeur propre de son dire, et qui n’est certes pas rien, qui est la visée de dire, sur l’Homme, la vérité ? ».

Lacan souhaite y apporter cette correction : la vérité dont la quête est l’objet ne peut que se mi-dire.

 

Toujours dans l’émission de France Culture, Colette Soler nous donne comme point de vue concernant la vérité ceci : «  Au début, Lacan valorise beaucoup la vérité. Puis il en est venu, à la dévaloriser. A dire, la vérité est trompeuse, c’est un mirage. De toute façon, elle ment. Pourquoi, il la dévalorise ? Parce que d’une part elle ment, -avec les mots on n’arrive pas à rejoindre le réel- (c’est ça son mensonge), mais en plus, elle n’est jamais que mi-dite ».

Comme il le dit, au début de Télévision en mars 74, les mots manquent. Le début du texte Télévision est celui-ci : « Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. La dire toute, c’est impossible, matériellement : les mots y manquent. C’est même par cet impossible que la vérité tient au réel. »

 

Dans « L’envers de la psychanalyse » p.71, Lacan nous dit que la vérité n’est pas d’accès facile, comme certains oiseaux, quand il était petit, on lui disait qu’il fallait leur mettre du sel sur la queue pour les attraper.

Il évoque également son premier livre de lecture, qui  s’intitulait « Histoire d’une moitié de poulet », qui n’est pas plus simple à attraper quand il faut lui mettre du sel sur la queue. Il fait le rapprochement avec son enseignement qui pourrait s’intituler « Histoire d’une moitié de sujet ».

Sur l’image, le poulet était du bon côté. Il écrit : « on ne voyait pas l’autre, la coupe, celle où elle était probablement, puisqu’on voyait sur sa face droite : sans cœur, mais pas sans foie, dans les deux sens du terme. »

 

Il en conclut que la vérité est cachée, mais qu’elle n’est peut-être qu’absence. Freud montre par  le mot d’esprit, le mot sans queue ni tête, l’importance du non-sens. Lacan reprend que la vérité s’envole quand on ne veut plus la saisir, il écrit : « d’ailleurs puisqu’elle n’avait pas de queue, comment auriez-vous pu ? ».

 

Concernant la vérité et le savoir, dans un texte de Slavoj Zizek sur « Désir : pulsions= Vérité : savoir » dans le livre « La subjectivité à venir », l’auteur fait un rapprochement entre vérité, désir et interprétation, alors que le savoir serait du côté de la pulsion et de la construction mentale. Si l’on prend le sujet supposé d’un savoir inconscient et divisé, qui ne peut que mi-dire sa vérité, nous pourrions faire l’hypothèse que la vérité ne s’approche que par l’interprétation et l’émergence du sujet de l’inconscient et du désir.

En considérant également le nœud borroméen à 3 mis à plat, on remarque que Lacan place l’inconscient du côté du symbolique mais aussi pour une petite part du côté du réel et de l’imaginaire (schéma dans RSI p.25).

Peut-on ainsi penser que cette vérité ne pourrait que se mi-dire par le fait qu’elle ne peut s’approcher du Réel qui n’est pas pensable ? Une partie de la vérité fait partie du Réel.

 

 

Quatre points, dans la leçon 2 du séminaire de Lacan, nous ont interrogés et vont dans le travail de Sylvie, permettre un éclairage plus clinique.

   Sylvie vous a parlé de l’initiation  de la psychanalyse, que Lacan évoque p.35 du Sinthome et des problèmes que cela soulève, et Lacan continue, dans l’analyse : « tout sujet y livre ceci qu’il est toujours et n’est jamais qu’une supposition ».

 

  Nous avons cherché dans le Littré la définition du mot supposition: « Hypothèse de l’esprit, un point géométrique est une supposition, une conjecture de l’esprit ».

 Cette définition s’adapte parfaitement à la théorie lacanienne du sujet supposé savoir, qui est la position dans laquelle l’analysant met l’analyste dans le transfert, mais aussi s’applique à l’analyste qui suppose lui aussi un sujet qui doit advenir.

 

La définition du sujet,  qui a évolué au cours des années  chez Lacan, a toujours été mise au travail dans tous ses séminaires. On peut citer le dictionnaire  de la Psychanalyse de l’ALI, dans la partie étymologie, le sujet est le sujet du  désir que Freud a découvert dans l’inconscient, c’est un effet de l’immersion de l’homme dans le langage, il ex -siste ce sujet, au prix d’une perte, la castration.

       Lacan, dans la suite de la phrase commentée, écrit : « Je veux dire que le sujet comme tel  est toujours,  non pas seulement double,  mais divisé. Il s’agit de rendre compte de ce qui, de cette division, fait le réel ». Cela m’évoque le langage  et  la castration, nous ne pouvons jamais dire ce que nous voulons dire, nous sommes pris dans un réseau langagier qui ordonne et sociabilise, mais en même temps nous fait perdre sans cesse quelque chose,  que nous ne pouvons  jamais dire et quand nous parlons  nous disons  autre chose  que ce que nous croyons. Dire le réel ne peut être symbolisé dans la parole.

 

Je voudrais raccrocher ceci, à ce que dit Mr Melman dans sa conférence sur le Réel. Je le mets volontiers à la discussion critique. Ces éléments « discrets » qui  tombent dans le réel,  sont pris dans une  combinatoire.  Je peux écrire a b c mais pas a c b  dans une langue donnée et donc certains chutent dans le réel. Ces déchets de lettre ne pourraient- ils pas former la  lalangue, à travers le prisme de l’Autre ?

 

    Au  paragraphe  suivant, Lacan parle du livre d’ Erich Fromm, qu’il nomme  « la psychanalyse appréhendée à travers son père »,  en travaillant sur le père réel nous citerons dans le séminaire sur «  la relation d’objet »  page 220 : « le père  réel dont l’enfant n’ a jamais qu’une appréhension très difficile en raison de l’interposition des fantasmes  et de la nécessité de la relation symbolique…s’ il y a une chose qui  est au fondement de notre expérience analytique,  c’est bien que nous avons énormément de peine à appréhender ce qu’il y a de plus réel autour de nous,  c’est à dire les êtres humains. »

Cette citation de Lacan,  nous permet de saisir d’une autre manière, qu’il n’y a pas d’initiation de la psychanalyse  puisqu’il n’y a que de l’un, ce qui rejoint ce que disait Freud « chaque histoire est singulière ».

 

Dans notre cartel, Astrid se rappelait avoir écouté une émission de radio où Michel Onfray  parlait de son livre sur Freud, il ne cessait de citer Fromm. Il prenait la biographie de Freud et en sortait  une psycho- analyse, il cherchait  le sens, tel fait entraîne tel caractère, il était dans une explication  de l’œuvre par la biographie.  Je me  sers de ce que dit  Colette  Soler,  dans « L’aventure littéraire ou  la psychose inspirée » où elle met en avant que  Lacan s’est efforcé de montrer,  que nous pouvons apprendre,  aussi bien de l’œuvre que de l’auteur,  de sa personne ou de sa vie,  mais sans pouvoir déduire l’une de l’autre. La psycho- biographie est possible mais elle n’explique pas l’œuvre.

Rien,  ni personne ne peut expliquer pourquoi Lacan est Lacan et Joyce est Joyce.  Les trois dimensions lacaniennes et le quatrième rond,  peuvent- ils nous permettre de saisir quelque chose du sujet dans ce nouage?

 

     Une amie magistrate,  me disait combien l’explication psychologique,  dont certains se servent pour expliquer la délinquance, est un  effet pernicieux  de la vulgarisation de la psychanalyse. De plus, depuis  Freud,  nous savons qu’un enfant qui a subi des violences, ne devient pas obligatoirement un délinquant mais qu’un délinquant  a souvent  subi des violences dans sa jeunesse.  L’après- coup est une des grandes découvertes de Freud.

 

 Nous reprenons le texte de la leçon 2. Lacan parle de son voyage aux Etats Unis et raconte qu’il a été « soufflé » par sa rencontre avec Chomsky. J’ai écouté une émission de radio sur France Culture,  où un linguiste parlait de Chomsky, il nous apprenait  que Chomsky avait une formation de mathématicien  et travaillait pour la CIA. Pour lui,  le langage  et la biologie sont des sciences à rapprocher et le chiffrage de l’ADN pouvait faire lien. On  ne peut pas ne pas penser à l’écriture de la lettre dans l’inconscient,  mais le rapprochement s’arrête là. Pour Chomsky il n’y a pas de sujet, cela fait penser à l’homme neuronal de Changeux,  qui avait fait grand bruit,  il y a quelques années. Dans un autre séminaire  Mr H parlait de l’impossibilité de discuter entre neurologue et psychanalyste  au sujet du schéma corporel,  pour les uns et de l’image du corps propre pour les autres.  Ce sont deux représentations différentes d’un même sujet (ce paragraphe mériterait un approfondissement, il est réducteur par rapport au travail de Chomsky).

 

A propos de ce qu’écrit Lacan p.39 : « le langage mange le réel », Colette Soler, dans l’émission  de radio déjà citée, dit que dès qu’ il y a émission d’un signifiant, il y a évidage du réel; c’est ainsi que l’on peut dire, que la découverte de l’ADN a permis à la médecine de faire de grands progrès . Par  exemple, la police scientifique a fait une grande avancée grâce à la recherche de l’ADN,  qui permet d’élucider des crimes,  mais on sait aussi que le réel se referme toujours sur une nouvelle opacité.

 

  Page 44,  Lacan écrit le mot pense et panse, cela nous a fait repenser à l’ émission  de  Colette Soler, où elle  disait que  les mots  font « mouche »  sur le corps, le tout petit apprend les mots à travers le discours de l’Autre pendant le nourrissage et les soins corporels, il les enregistre aussi  avec le discours  fait autour de son corps, de son sexe…

Nous pensons aussi à ce que dit Mr Melman au cours de sa conférence, quand il parle  de la pensée du névrosé obsessionnel ou hystérique (de mémoire : « il pense avec sa tête,  l’obsessionnel ? Non et l’hystérique ? Non ». Nous attendons la suite avec impatience.

 

Pour terminer, un cas clinique. Une analysante,  qui a perdu ses parents jeunes,  vers  20 ans, commence à pouvoir évoquer des souvenirs heureux que la famille a connu,  en évoquant  l’ un d’ eux , un pique nique dont elle avait pu  regarder la photo  en pleurant mais heureuse elle dit: « j’aurais aimé  manger cette photo pour les mettre à l’abri »,  je précise que cette analysante n’est pas psychotique. 

 

              E F

 

 

 

 

Dans la dernière leçon du 13/05/75 du séminaire RSI, Lacan nous dit que : » Le Réel tient dans ces termes que j’ai déjà fomentés du nom d’ek-sistence, de consistance et de trou, de faire de l’ek-sistence écrite comme je l’écris, à savoir ce qui joue jusqu’à une certaine limite dans le nœud, cela supporte le Réel. Ce qui fait consistance est de l’ordre Imaginaire comme le suppose ceci qui nous est vraiment tangible que s’il y a quelque chose de quoi relève la rupture, c’est bien la consistance, à lui donner le sens le plus réduit. Il reste alors, mais reste-t-il ? Pour le Symbolique l’affectation du terme trou… ».

Dans la leçon 2, il amène ces notions de consistance, de trou et d’ek-sistence du côté de la triplicité du nœud et de son rôle fondamental. Il écrit ainsi :  « la triplicité qui résulte d’une consistance qui n’est affectée que de l’Imaginaire, d’un trou comme fondamental qui ressortit au Symbolique, et, d’autre part, d’une ek-sistence qui, elle, appartient au Réel ».

 

Jeanne Granon-Lafont dans « La topologie ordinaire de Jacques Lacan » part du fait qu’il faudrait définir les relations entre les 3 ronds (Réel, Symbolique, Imaginaire) par l’existence, le trou et la consistance. En fait, ces 3 ronds ont une consistance (la corde), une ek-sistence ( ce qui se tient au dehors), et un trou ( ce qui vient faire bord), donc pour chaque rond, comme pour le nœud borroméen, il y a triplicité de la consistance, du trou et de l’ek-sistence, est-ce là la commune mesure ?

La consistance est du côté de l’imaginaire et l’imaginaire renvoie au corps, à la problématique de l’image dans le miroir. Lacan a montré la fonction structurante, pour le sujet, de la découverte de l’image de son corps dans le miroir. Jeanne Granon-Lafont nous dit, je la cite : «  Image d’un petit autre auquel l’enfant s’identifie dans une précipitation qui signe son entrée dans le symbolique. Il s’agit d’un nouage de 3 registres ».

 

Nous avons réfléchi à ce nouage, au moment du stade du miroir, et nous avons pensé que le Réel pourrait être ce qui est avant que l’enfant que l’enfant se reconnaisse dans le miroir, l’Imaginaire serait l’image de l’enfant dans le miroir et le Symbolique la nomination par l’Autre maternel avec un grand A, de cette image dans le miroir : « oui, là, c’est toi, Pédro mon fils ». Par le nouage, dans cette image, Jeanne Granon-Lafon nous dit que « l’enfant reconnaît l’objet du désir de sa mère. Il s’y identifie, il s’en habille et, par ce moyen, se met à consister le trou symbolique, auquel équivaut le manque que présentifie le regard de la mère ».

 

En conclusion, nous nous rapportons à la dernière interrogation de Lacan pour  cette leçon 2. Il nous dit ceci : « Comment un art peut-il viser, de façon expressément divinatoire, à substantialiser dans sa consistance, sa consistance comme telle, mais aussi bien son ex-sistence, et aussi bien ce troisième terme, qui est le trou…. ce quatrième terme, celui à propos de quoi, aujourd’hui, j’ai voulu simplement vous montrer qu’il est essentiel au nœud borroméen lui-même ? ».

Comme je j’ai dit au début de l’exposé de notre travail, le fait qu’il nous dise comme ça, tout simplement à la fin qu’il a voulu nous montrer dans cette leçon, que ce quatrième est essentiel au nœud borroméen lui-même, nous laisse toujours dans cette interrogation par rapport au nœud à trois.

 

Claire Duguet dans un texte s’intitulant « Quelques notes sur le père dans RSI et le Sinthome », nous dit que dans RSI, Lacan aborde la question de la nécessité d’un quatrième terme qui pourrait représenter les Nom-du-Père en s’appuyant sur la théorie freudienne où la réalité psychique et le complexe d’Œdipe représente le quatrième terme. L’interdit représente le trou dans le symbolique car le symbolique est nécessaire pour qu’il y ait du Nom-du-Père. Le trou dans le symbolique est le trou du refoulé originaire, celui du réel de la castration.

A partir de son travail sur Joyce, Lacan pense le quatrième rond impliqué dans le nœud borroméen. La topologie des nœuds est telle, qu’il faut un quatrième rond pour distinguer les trois autres.

Dans le Sinthome, la fonction des Nom-du-Père devient nommante et Joyce permet de saisir, que si les trois registres ne sont pas noués, il est possible, si la personne se fait un nom aux yeux d’un public, que cet «événement de nomination » fasse acte de filiation.

 

Pour terminer, elle nous dit que pour Lacan, le nœud est une représentation de l’inconscient, c’est à dire, et elle le cite « nous sommes dedans, nous y sommes pris ».

MALAISE DANS LE TRAVAIL Ou d’une maltraitance ordinaire généralisée par Ghislaine Chagourin

Que nous vaut le développement récent de notions telles que le « burn out » (épuisement professionnel) ou le « harcèlement moral » ? Elles semblent en tout cas faire signe d’une évolution de la souffrance au travail.  Mais quelles sont les coordonnées structurales de cette souffrance et ces notions suffisent-elles à en rendre compte ? C’est ce que je vous propose de mettre ensemble au travail cette année.

 

Si on s’en tient à ce qui s’entend sur le divan à propos du monde du travail ou à ce qui se dit dans le cadre de la formation continue de divers personnels des secteurs privé ou public et notamment des soignants, on retiendra que depuis quelques années déjà, semble croître un sentiment de maltraitance et une grande souffrance sur les lieux de travail qu’il s’agisse d’institutions publiques ou d’entreprises privées. Sans parler des vagues de suicides à France Télécom  – ou ailleurs – qui sont médiatisés et récupérées à outrance – mais qui font toutefois question – partons de ces propos entendus à l’hôpital: « je ne sais pas comment je fais pour tenir, je n’en peux plus, ce n’est pas le travail qui est pénible, c’est la façon dont on nous demande de le faire et la façon dont on nous traite : on nous traite comme de la merde ! » ou encore « quand je suis entré à l’hôpital, j’étais fier de mon travail et de dire où je travaillais, à présent, je n’ai plus l’impression d’exercer mon métier, on est plus dans l’humain mais dans l’efficacité, je reste parce que je ne peux pas faire autrement mais j’ai du mal à me lever le matin et ce que je redoute le plus c’est d’avoir à être hospitalisé ou à faire hospitaliser quelqu’un de ma famille ». Plaintes qui mettent en avant un sentiment d’épuisement et de grande démotivation. Ces plaintes-essoufflement ne sont pas à entendre comme des revendications hystériques, on y entend l’éminence d’un écroulement subjectif, l’identification mortifère à un déchet et la panne du désir. En tout cas, elles indiquent sans doute que la souffrance endurée au travail a changé de nature et n’est plus d’ordre majoritairement physique comme dans les siècles passés mais plus d’ordre psychique et touchant à  la subjectivité.

 

Comment faire la part des choses ? Car il s’agit de ne pas confondre la dimension de souffrance inhérente au travail et une dimension de souffrance en excès due par exemple à des conditions de travail ou à des modalités de management abusives, mais de quelle nature sont ces abus ? Dans La perversion ordinaire, J.P. Lebrun rappelle que le travail est un des destins les plus sociaux de la pulsion et qu’il existe une dimension de « torture » inhérente au travail puisque le travail est un mode habituel de sublimation et que comme toute sublimation, il exige obligatoirement un renoncement pulsionnel. Mais s’agit-il encore de ce type de souffrance ? Depuis 2002, dans l’Homme sans gravité, Ch. Melman parle de l’émergence d’une Nouvelle Economie Psychique qu’il définit ainsi : « La NEP , c’est l’idéologie de l’économie de marché », il précise que dans cette économie psychique, le sujet n’est plus divisé car le lieu de l’instance phallique a été vidé, il y a en quelque sorte « forclusion du grand Autre ». En 2009 dans La Nouvelle Economie Psychique il parle du développement d’une certaine misère psychique en ces termes : « lorsque le progrès ne vient s’inscrire que dans le chiffre de la production des biens, nous pouvons apprécier que la misère sociale diminue, mais nous pouvons craindre que la misère psychique ne fasse que s’aggraver ». Il rappelle que Lacan disait que ceux que le travail rend serfs, ne sont pas serfs du maître, mais de la jouissance. Ces abus concerneraient-ils la jouissance ? Mais alors il y aurait un lien avec la perversion? En 2007, JP. Lebrun avançait que nous allons vers la généralisation d’une perversion ordinaire – d’où ma référence à une maltraitance généralisée. Je le cite «tout se passe comme si le double discours actuel du social, proposant de jouir sans entrave de la société de consommation tout en sachant en même temps très bien que la limite de la jouissance est toujours nécessaire, invitait d’emblée le sujet à la loucherie » càd au déni ou au démenti qui est aussi le mécanisme à l’œuvre dans la perversion. D’où d’ailleurs une difficulté à subjectiver car la subjectivation nécessite une perte de jouissance. Sur la question de la perversion, J.P. Lebrun rejoint Ch. Melman quand il dit que « notre culture promeut plutôt la perversion » et que celle ci devient une norme sociale. Je cite Ch. Melman dans L’Homme sans gravité : « elle (la perversion) est aujourd’hui au principe des relations sociales, à travers la façon de se servir du partenaire comme d’un objet que l’on jette dès qu’on l’estime insuffisant. La société va inévitablement être amenée à traiter ses membres de la sorte, non seulement dans le cadre des relations de travail, mais en toutes circonstances ». Si cela a évolué dans ce sens c’est qu’avec l’économie libérale, nous sommes tous devenus dépendants d’objets réels comme le pervers organise sa jouissance autour de la saisie de l’objet et de sa présence-absence. Du coup l’objet est aujourd’hui dans le champ de la réalité et nous entretenons une nouvelle relation à l’objet  qui ne vaut que tant que son être est source de bénéfices. Il semblerait donc que la souffrance au travail ne soit plus liée à la perte de jouissance inhérente au renoncement pulsionnel qu’il induisait jadis mais bien plutôt à notre rapport vicié à la jouissance et à ce qu’il détermine dans nos relations aux autres.

 

Avant d’aller plus loin, une remarque. Je sais que ce thème de réflexion n’est pas ordinaire pour la psychanalyse et qu’il n’est pas courant qu’elle se saisisse des problèmes de la Cité ou plus exactement ici, d’un problème ayant trait à la vie collective, à la vie professionnelle. Tant il est vrai qu’il est ordinaire de penser que la psychanalyse doit se cantonner à la sphère individuelle et thérapeutique et s’exclure du champ social et collectif. C’est oublier que Freud s’est intéressé à la vie collective, dès son ouvrage, écrit en 1921 : « Psychologie collective et analyse du moi » dans lequel il analyse, entre autres, les processus d’identification à l’idéal du moi qui rendent compte de la façon dont Hitler a pu regrouper les foules autour de lui et qui lui a permis de mener à bout un action dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle s’est révélée une forme aboutie de ce que je qualifierai « d’acharcèlement » à l’égard de diverses populations – dont les juifs plus particulièrement – visant à la destruction scientifique de petits autres par d’autres petits autres dans un élan massif de désubjectivation collective. Donc danger de l’identification communautariste à un chef ou à une figure paternelle, à  partir d’un trait. Qu’en est-il aujourd’hui de cette modalité communautariste de rassemblement ?  C. Melman semble dire qu’elle se développe avec la NEP mais sous une autre forme, celle qui consiste à faire des groupes de semblables qui rejettent le dissemblable, où la dimension de l’étranger remplace celle d’altérité, débouchant sur une société de « frères » avec une identification purement imaginaire des membres entre eux, dont la violence et les actions ne connaissent pas de limites (groupes de supporters par exemple). Ce vœu d’égalité cela revient à nous débarrasser du désir car celui ci ne peut advenir que de ce que l’autre semble posséder l’objet qui a l’air de le satisfaire et que je ne possède pas. Donc un passage du chef-père au frère qui dénature le lien social car il bannit l’altérité et la question du désir. Avec l’idéologie de l’économie libérale nous ne sommes plus dépendants d’un chef mais d’objets, car il s’agit d’avoir tous accès à l’objet de jouissance de manière égalitaire et ce sans entrave et sans limites. Dans La Nouvelle Economie Psychique, Ch. Melman dit « le nouveau chef qui nous commande, c’est l’objet, c’est la satisfaction, c’est la jouissance ». Avec pour conséquence que de nos jours, l’intervention d’un chef est vécue de façon paranoïaque – ce que nous aurons à interroger dans ses conséquences – et que nous assistons à une promotion sociale de l’objet a.  Cet objet est de plus en plus présent dans le monde des représentations.  Ce qui, nous dit Ch. Melman, change notre rapport à la question de la vie : celle ci devient une valeur marchande aussi (càd que  ma valeur est liée à celle que les autres m’accordent). Ce qui, on s’en doute, risque de ne pas être sans effet sur la façon dont nous serons soignés. Cela s’entend à travers l’incompréhension croissante des personnels face à ce qui est qualifié d’acharnement thérapeutique vis à vis des personnes âgées sans qu’il y ait toujours discernement entre ce qui relève d’un soin palliatif ou d’un acharnement (qui existe aussi). Il faut dire que nous manquons de repérage structural. L’idée d’un coût trop élevé payé par la société est souvent avancée concernant ces prises en charge. A côté de cela, dans notre social, la préservation de la vie ne fait plus limite à toute une série de jouissances (cigarettes et autres addictions, obésité, anorexie, conduites à risque etc…). Ch. Melman souligne que nous sommes dans un monde où « le respect de la vie, que ce soit la sienne ou celle du prochain, ne constitue plus une valeur ».

 

En 1929, dans « malaise dans la civilisation », Freud avait décrit le travail (intellectuel ou ordinaire) comme l’une des voies possibles de la pulsion, comme une sublimation, càd comme ce qu’il y a de plus socialisant, car il déplace les buts pulsionnels mais il dit aussi que l’intérêt de la communauté de travail n’assure pas à lui seul la cohésion de la société car les passions pulsionnelles sont plus fortes que les intérêts rationnels. Il précise aussi que la civilisation est édifiée sur du renoncement pulsionnel car la vie en commun suppose une restriction de la liberté individuelle, il dit aussi que la conscience morale est la conséquence du renoncement pulsionnel. Comme on l’a dit, aujourd’hui, plus de renoncement pulsionnel et la perversion ordinaire en guise de conscience morale.

 

A la suite de Freud, J. Lacan aussi s’est intéressé au collectif au point de dire que « l’inconscient c’est le social ». Il a aussi formalisé les 5 discours qui sous tendaient le lien social : le discours du maître, de l’universitaire, de l’hystérique, du psychanalyste et pour finir, du capitaliste. Lacan écrivait le discours du capitaliste ainsi :

 

$ S2

S1        a

 

C’était un discours du maître perverti. On y repère que c’est un discours qui produit de l’objet.  Il se référait me semble t-il à un capitalisme industriel lié à la production de biens où le travail était une valeur. En est-on encore là aujourd’hui ? Du fait du développement planétaire de l’économie libérale, semble primer un discours du capitaliste qui comme le dit Dany-Robert Dufour, n’est plus référé à l’industriel mais à la finance, càd quelque chose de purement virtuel, acéphale et automatique qui pousse à jouir sans limites pour s’autoentretenir.

 

A la lumière de ce qu’ont avancé CH. Melman et J.P. Lebrun et en m’appuyant aussi sur ce que Dany-Robert Dufour a pu écrire sur ce qu’il a appelé le Divin Marché, je me suis demandée si aujourd’hui on ne pourrait pas écrire ce discours du capitaliste de la façon suivante :

 

a S2

S1      S

 

C’est à dire comme un discours universitaire perverti (relation au savoir pervertie par la science et l’argent et mise au premier plan de l’objet)

Discours dans lequel la vérité c’est l’argent qui est le signifiant  maître du marché où ce qui est produit, c’est un sujet qui n’est plus divisé, qui passe dans les dessous du savoir scientifique, où l’autre est chosifié, objectivé, par le savoir scientifique et où l’agent, c’est l’objet de jouissance. D.R. Dufour parle d’une religion du Marché, celui-ci est ce qui tient lieu de Dieu à l’économie libérale, un tenant lieu de grand Autre qui ne nous divise plus. Dans ce discours et le « lien » social qu’il instaure, le personnel est un « facteur de coût parmi d’autres » comme le dit D.R. Dufour, parce que tout se vend et s’achète. Du coup, comment faire institution aujourd’hui – notamment institution soignante ou d’accueil – qu’en est-il de la prise en compte de la subjectivité dans le lien social actuel et comment ne pas confondre ce qui est désigné comme « harcèlement » et relation perverse généralisée à l’autre ?

 

A l’hôpital, ce sentiment de maltraitance s’entend par les plaintes formulées que j’ai évoquées. Même si cela passe souvent par une plainte autour du salaire, on ne peut les réduire à une simple revendication hystérique. Les personnels se plaignent du manque de moyens et de temps, du poids d’impératifs purement gestionnaires et d’évaluation qui donnent le sentiment de ne plus pouvoir ou de mal faire son travail, de l’absence de dialogue avec la hiérarchie et de son manque de reconnaissance ou de considération et de la précarité de certains statuts. Il est aussi souvent dénoncé une déshumanisation de l’hôpital. Ainsi, comme je l’ai dit, de nombreux membres des personnels hospitaliers redoutent avoir un jour affaire à l’hôpital pour eux mêmes ou pour leur famille et de nombreux autres quittent la fonction publique hospitalière sans que la direction comprenne pourquoi au point d’avoir créé à la DRH une cellule d’écoute du personnel tenue par une cadre soignante !

 

Cette maltraitance a des retentissements sur les patients : plusieurs événements engageant des patients se sont produits dans le service d’urgences pédiatriques dans lequel j’interviens. L’un de ces événements a d’ailleurs justifié la rédaction d’un article intitulé « le sujet en désarroi » qui est paru sur le site de l’ALI en octobre dernier. Article co- écrit avec une pédiatre du service. Cet événement a mis en jeu une adolescente placée en foyer qui avait fait une TS et à qui des infirmières – se croyant autorisées – sans concerter  les médecins, avaient refusé l’accès aux urgences et aux soins en s’appuyant sur des antécédents qui avaient donné lieu à des directives administratives formulées,  relayées et interprétées au pied de la lettre. Une autre série d’événements a abouti à la mise en place d’un protocole « d’accueil » pour un jeune garçon de 9 ans consistant en de la contention physique et chimique quasi d’office suivie d’une orientation en psychiatrie adulte. A l’occasion de ces événement, nombreux ont été ceux et celles qui se sont retrouvés pris dans une logique infernale d’exclusion – du sujet, du transfert, du signifiant, du désir, du singulier et même de l’acte soignant –  à leur insu et sous forme de passages à l’acte et d’acting out en série aux divers échelons de la hiérarchie médicale et administrative et du personnel infirmier et de sécurité. Ces événements se sont avérés tout à fait révélateurs des impasses dans lesquelles sont pris actuellement les patients mais aussi tous les personnels hospitaliers – médical, chirurgical, soignant, paramédical, administratif, de la base à la direction –  qui soit provoquent aussi chez eux un grand désarroi, au sens d’un désordre de leur subjectivité qui va bien au-delà d’un effet de division subjective, soit un renoncement mortifère à toute subjectivité. Comment expliquer cela et s’y retrouver?

 

Tous les services hospitaliers ont récemment été absorbés par la logique de pôles hospitaliers qui regroupent diverses spécialisations médicales ou chirurgicales selon une organisation très scientifique qui respecte en cela le discours médical mais qui se veut une logique bureaucratique et gestionnaire. Comme on le sait, c’est une logique qui affiche un but légitime de meilleure prise en charge de la santé publique. Pour cela elle se veut gestionnaire c’est-à-dire qu’elle obéit à un souci d’efficacité des soins qui sur le plan médical pousse à aller à l’essentiel du « somatique » en visant une résolution rapide de la symptomatologie. Le but économique affiché est de limiter les dépenses publiques, avec un souci de rentabilité de l’acte de santé qui pour cela doit être « évalué »  en quantité. Ce qui pour le personnel a pour conséquences de devoir en faire toujours plus avec moins de temps et de moyens. Afin de mieux comprendre les effets que cela peut avoir dans la façon dont les décisions sont prises concernant les soins, l’accueil des patients et la prise en compte du personnel et de son travail, il convient de s’arrêter un moment sur le type de logique à laquelle nous avons à faire.

 

Lors de journées sur le cognitivo-comportementalisme[1], Charles Melman nous  a rappelé que « nous assistons à une résurgence du biologisme, idéologie qui occupa les esprits scientifiques et populaires de l’Occident durant la première moitié du XXe siècle. Pavlov, Jackson en font partie. Cette théorie avance que les pensées et les conduites sont déterminées chez l’homme comme chez l’animal par les réactions d’un organisme habité par la mémoire de ses expériences[2] », c’est-à-dire obéissant à un schéma stimulus-réponse bipolaire dans lequel le stimulus n’est pas forcément en rapport avec la fonction qu’il déclenche ce qui permet de le conditionner ou de le déconditionner. Le cognitivo-comportementalisme est un héritage du biologisme et se veut une approche pragmatique du monde qui ne relève pas d’un discours qui ferait lien social comme les discours du maître, de l’universitaire, de l’hystérique ou du psychanalyste tels que les a formulé J. Lacan. Ce qui m’a plus particulièrement intéressée lors de ces journées c’est que la dynamique gestionnaire a été rapprochée de la logique cognitivo-comportementale. Sans doute par leur commune affinité avec le discours du capitaliste (dont il nous a été montré comment il venait évacuer celui du  psychanalyste) parce qu’un « acte » (de quel acte s’agit-il ?) est mis en rapport avec sa rentabilité  comme si cela n’avait pas d’effet sur la subjectivité  des patients et du personnel qui s’en occupe…. Force est de constater que ce n’est pas sans effet sur eux car la subjectivité est malmenée, puisque  cette logique procède à un ravalement du signifiant au rang de signe par l’adoption d’une sorte de « novlangue » « langue du contrôle et de la bureaucratie[3] » : on ne parle plus de patients ou de malades ou de soignants mais de protocoles, de gestion des lits et du personnel, de gestion du temps de travail, de file active, ce qui vient renforcer la désubjectivation déjà à l’œuvre du fait du discours médical qui place, là de façon légitime, la pathologie comme signifiant maître. La dimension transférentielle est pareillement niée pour en faire une fonction de service technique. Du coup, tout comme les théories cognitivo-comportementales, la dynamique gestionnaire s’appuie sur les deux signifiants que sont la science (avec la complicité de la médecine et de la chirurgie qui se veulent de plus en plus scientifiques et s’en retrouvent  les dupes de l’affaire)  et l’évaluation. Evaluation des pratiques qui est  ravalée à  une procédure informatisée intitulée RMM pour Revue Morbidité Mortalité. Evaluation des symptômes mais qui sont rabattus sur des troubles notamment du comportement, à des dysfonctionnements  qu’il convient bien sûr de corriger ou de rééduquer et à des déficits auxquels il faudra pallier. Et enfin, évaluation du temps de travail et des résultats mais sur le plan quantitatif et financier bien sûr[4]. Dans notre article, nous avons pu montrer que les patients et le personnel sont de plus en plus pris dans  des enchaînements de schémas stimulus-réponse qui réduisent les sujets à leur comportement et les pousse aux acting out et passages à l’acte y compris suicidaires. : Rappelons avec Marcel Czermak que « l’acting out est une monstration phallique, équivalent psychotique, comme tel ininterprétable (…). Quant au passage à l’acte, il exclut la dimension phallique et réduit le sujet à l’objet a qu’il est devenu »[5].

 

Ces exemples illustrent bien à quel point il est facile dans notre social actuel, et encore plus à l’hôpital où nous avons affaire à des sujets dépendants, déjà désubjectivés par la logique médicale, ce qui est normal, de chosifier les patients, de les traiter comme des objets ou de les réduire à leurs comportements.

 


[1] Journées de l’Association lacanienne internationale, « études théoriques et cliniques du cognitivo-comportementalisme », 12 et 13 juin 2010, Paris

[2] Charles Melman, argument des journées de l’ Association lacanienne internationale, « études théoriques et cliniques du cognitivo-comportementalisme », 12 et 13 juin 2010, Paris

[3] Thierry Florentin, Le cognitivisme, ça sert à faire la guerre, conférence faite lors des journées de l’ Association lacanienne internationale, « études théoriques et cliniques du cognitivo-comportementalisme », 12 et 13 juin 2010, Paris

[4] Christine Gintz, TCC et Classifications internationales : Une convergence de structure ? conférence faite lors des journées de l’ Association lacanienne internationale, « études théoriques et cliniques du cognitivo-comportementalisme », 12 et 13 juin 2010, Paris

[5] Marcel Czermak, Patronymies,considérations cliniques sur les psychoses, Symptôme, acting-out et passage à l’acte, Masson, Paris, 1998, p. 41

 

le continent noir ? Espace du ravage? Le ravage entre mère et fille par Ghislaine Chagourin

 

Dans la suite de la dernière séance au cours de laquelle nous avons parlé de la féminité et de l’amour, je voudrais aujourd’hui revenir sur un point que je n’ai fait qu’aborder succinctement mais qui me paraît essentiel à propos de la féminité. Il s’agit en effet de ce qui se passe entre une mère et sa fille.

La dernière fois, j’avais juste rappelé que chez Freud, le devenir d’une femme passe pour la fillette par le rejet de l’amour pour la mère (et de la mère ?). J’avais rappelé qu’il disait que ce rejet doit s’accompagner d’un refoulement du désir sexuel phallique. Il dit aussi que c’est la haine de ne pas avoir été pourvue de pénis par la mère qui conduit principalement la fillette à rejeter l’amour pour la mère et à renoncer à la sexualité phallique, ce qui emporte la question du statut du corps dans ce rejet. Selon cette articulation, sa capacité à aimer et sa sexualité futures s’appuieront sur la haine d’avoir du renoncer à l’amour et au désir ce qui revient à dire qu’elle a été privée par la mère de la jouissance de celle-ci (ce qui n’est pas pareil qu’être castrée par le père). Freud insiste pour dire que les rapports amoureux et le développement de la sexualité féminine dépendent beaucoup de ce premier attachement à la mère.

Lacan a repris cette version freudienne du premier attachement à la mère et de la haine pour la mère à travers la logique du non rapport sexuel et des formules de la sexuation (pas tout phallique, jouissance phallique et Autre) mais aussi avec le NB. Pour avancer sur cette question, je me suis appuyée sur des citations de Lacan, puis sur 3 textes de femmes : un article de Jessica Choukroun Schenowitz : « Le ravage au féminin : une quasi-structure inscrite dans la logique de l’amour » 1le livre de Marie-Magdeleine Lessana (ex Chatel) : « entre mère et fille : un ravage »2 avec le magnifique exemple clinique que constitue le cas de la marquise de Sévigné et de sa fille la comtesse de Grignan et enfin, le livre de Caroline Eliacheff et Nathalie Heinich : « Mères-filles, une relation à trois »3Nous n’aurons sans doute pas le temps de tout traiter aujourd’hui et je vous propose de poursuivre sur la séance prochaine (Mme de Sévigné et d’autres situations cliniques de ravage mère fille).

 

 

Concernant Lacan, comme vous le savez, il s’est servi de la logique du non rapport sexuel et des formules de la sexuation pour avancer sur la question du féminin et la sortir de l’imaginaire freudien du pénis rabougri et du continent noir. En 1973, dans « l’Etourdit », il disait que « l’élucubration freudienne du complexe d’oedipe qui fait la femme poisson dans l’eau de ce que la castration soit chez elle de départ (Freud dixit) contraste douloureusement avec le fait du ravage qu’est chez la femme, pour la plupart, le rapport à sa mère d’où elle semble bien attendre comme femme plus de subsistance que de son père, ce qui ne va pas avec lui étant second dans ce ravage ». Ainsis’il n’y a pas de rapport sexuel inscriptible comme tel entre un homme et une femme, il y aurait un rapport entre une femme et sa mère ? Mais alors de quelle nature est-il, concernerait t-il la jouissance, laquelle ? Est-il inscriptible et sous quelle forme puisque les femmes se comptent une par une et ne sont pas toutes ? De quelle subsistance parle Lacan ? Comment s’articulent les questions du phallus de l’amour et de la haine dans ce dit rapport ?

Une façon d’appréhender ces questions c’est de considérer avec JCS que le ravage est une alternative au symptôme (à entendre comme ce qu’une femme peut représenter pour un homme sans doute) et une suppléance au non rapport sexuel au prix d’une désubjectivation, parce que dit-elle :« le ravage est une mise à l’épreuve de l’amour avec la volonté de faire exister l’Autre (un Autre consistant pour le coup) au lieu de s’éprouver soi-même comme Autre ». Le ravage est ainsi toujours affaire d’amour et de haine mais aussi de corps dans sa logique. Voyons comment : JCS à la suite de Lacan avance qu’une femme à travers le pas tout et la jouissance Autre est en proie à l’illimité du hors phallique. Or, l’amour surgit à partir du manque càd hors logique phallique (aimer c’est donner ce que l’on a pas). Ce qui fait que pour aimer, il faut être une femme comme a pu le dire Lacan. JCS dit que « les territoires intérieurs marqués par l’illimitation sont ceux du ravage». Du fait de l’absence d’un trait identificatoire féminin, et à partir de ce trou dans le symbolique, se déploie donc le ravage du fait de ce que S. Lesourd a appelé « le dévoilement de la vacuité de l’Autre ». De ce fait, « L’amour mène au ravage quand il demande encore plus d’identité, encore plus d’être. (…) c’est dans cette logique du non rapport sexuel qu’il convient d’inscrire et d’étudier le ravage. Nourri des passions de l’être, le ravage est lié à l’impossible subjectivation du corps de jouissance de celle qui se dit femme par le langage mais que la logique phallocentrique ne suffit pas à identifier ». La subsistance dont parle Lacan est réclamée dans la demande massive d’une fille à sa mère.

 

Ce qui m’a évoqué le cas de Liliane, 4 ans, (cas supprimé pour raison de confidentialité) le risque qui se profile c’est que Liliane s’empare de l’objet oral pour manifester son désir que la mère n’entend que comme demande et que l’opposition se transforme en prémices d’anorexie qui est le paradigme du ravage mère-fille en vertu de ce que JCS appelle : « la folle demande d’amour à un Autre tout-puissant, de la négation du corps comme substance vivante et de la haine du féminin qu’illustre et qu’opère le sujet anorexique ».

Car, comme le dit JCS, si la mère demeure incastrable – càd si elle est trop prise dans la jouissance Autre, celle qui désubjective – alors le ravage se déploieCe que JCS énonce ainsi : « La mère ravage quand elle ne peut faire l’objet de cette disjonction entre mère et femme». L’enjeu selon JCS est que « devant l’incapacité du symbolique à dire le réel du corps dont le ravage rend compte, il s’agira de réconcilier une femme avec son sexe, quelle que soit son histoire ». Liliane et sa mère ont du travail.

Cette approche du ravage rejoint assez celui de MML qui reprend aussi la citation de Lacan dans L’Etourdit en 1973. A son sens, le mot « ravage » éclaire la difficulté que Freud avait à cerner la féminité au point d’en parler comme d’un continent noir. S’appuyant sur Lacan, elle situe le ravage entre mère et fille dans le champ du pas tout phallique et reprend ce « comme femme » de la citation de l’Etourdit. En effet, qu’est ce qu’une femme « comme femme » attend de sa mère bien plus que de son père si ce n’est de savoir comment habiter son corps ?

Car MML souligne que pour une femme, la question du corps est centrale, qu’il s’agisse d’être mère, épouse ou amante. C’est ce dont se font écho les thèmes traités par les magazines féminins qui sont autant de témoignages « sans cesse relancés sur une énigme qui fait difficulté » et qui ne sont pas à lire comme une tentative de transmission d’un savoir entre femmes. En effet, à mon sens, il faudrait même lire le ravage comme le fait même de l’impossibilité d’une transmission, car c’est dans le corps qu’il s’éprouve, selon une modalité de dénouage qui le rapproche de la folie dans le sens d’un hors phallique. Comme le dit MML : « le ravage est l’épreuve d’une impossible transmission du sexe ». Ce côté de folie, la clinique en témoigne quand il est question des relations entre mères et filles. Et ce dès le plus jeune âge comme le cas de Liliane le montre bien.

Ainsi, pour MML , je cite: « que la fille se tourne vers sa mère, ou vers une autre femme, pour trouver les repères de ce qui l’attend, qu’elle connaisse avec celle-ci une relation amoureuse torturante, passionnelle, minée par les reproches, qu’elle se sente trop ou mal aimée, qu’elle ait des curiosités sur les jouissances érotiques de sa mère comme énigmes auxquelles elle se mesure, qu’elle soit bouleversée par l’approche du corps féminin, lieu du désirable, obscène et fascinant, constitue peut-être ce dont le mot ravage fait écho ». La thèse principale de MML est de dire qu’au cœur du ravage, on trouve « l’image fascinante d’un corps de femme désirable, (qui) s’édifie à l’endroit où il n’y a ni identité sexuelle, ni transmission de traits féminins de mère à fille ».

MML donne ces quelques autres définitions du ravage : « le ravage entre fille et mère n’est pas un duel, ni le partage d’un bien, c’est l’expérience qui consiste à donner corps à la haine torturante, sourde, présente dans l’amour exclusif entre elles, par l’expression d’une agressivité directe. Le ravage se joue entre les deux femmes touchées par l’image de splendeur d’un corps de femme désiré par un homme. Il relève l’impossible harmonie de leur amour qui se heurte à l’impossible activité sexuelle entre elles ». Selon elle, sortir du ravage pour la fille, c’est s’arracher à cette emprise érotique maternelle, c’est quand cette image sera déchue. Parfois cet arrachement ne se fait pas et du coup la fille reste privée de s’accepter comme Autre et comme désirable dans la sexualité. Pour la mère il s’agira de renoncer aux plaisirs érotiques de la première enfance avec sa fille, MML évoque le nourrissage, la surveillance, l’enveloppement, la présentation de sa fille etc. Ce renoncement laisse la mère blessée.

MML : « Il arrive que la mère glisse en position de fille pour se faire réparer par sa fille du dommage qu’elle appréhende, dans une sorte de chantage à la maladie ou à la mort. Les enfants nés ou à naître, de la fille sont souvent négociés dans ce chantage ».

Exemple de ravage mère-fille.  Cas supprimé pour raison de confidentialité

 

1In L’évolution psychiatrique 2011 ; 76 (1)

2Ed Hachette, 2000

3Ed Albin Michel, 2002

 

 

De quelques difficultés rencontrées dans la clinique avec les adolescents par Ghislaine Chagourin

Préambule :

 

Cet enseignement s’inscrit dans le département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent de l’ALI-Provence qui est une école régionale de l’Association lacanienne internationale. Ce département a été tout récemment créé en vue de fédérer et de coordonner l’ensemble de ses séminaires d’enseignement autour de la clinique avec les enfants et les adolescents. Et ce afin de favoriser des échanges au niveau régional ou national (avec l’EPEP notamment) pour toutes celles et ceux intéressés par ces questions quelles que soient leurs pratiques auprès des enfants ou des adolescents. Vous trouverez le détail des enseignements proposés par le département sur le site de l’ALI-Provence.

 

Quel sera le fil conducteur de ce séminaire ? Plusieurs d’entre vous m’ont fait savoir leur souhait de participer à un séminaire théorico-clinique concernant les particularités et les difficultés rencontrées dans leurs diverses pratiques auprès des adolescents en institutions ou en cabinet. On va donc tenter de faire fonctionner ce séminaire comme un lieu d’enseignement psychanalytique où peuvent s’éclairer, à partir de la théorie psychanalytique, ces difficultés cliniques. Afin d’éviter un glissement vers la supervision, je propose de ne pas partir d’une présentation de cas faite par moi-même ou par l’un d’entre vous comme je l’avais plus ou moins laissé entendre dans l’argument de présentation de l’enseignement. Je pense mieux répondre à votre demande et éviter l’écueil d’une supervision « sauvage », tout en conservant la dimension clinique, en abordant le travail par quelques grandes questions concernant les adolescents et quelques repère pour une écoute analytique avec eux. Chacun pourra alors amener des vignettes cliniques, voire des cas, autour des thèmes et des questions abordés.

 

Pour ma part, sur le plan clinique, je m’en référerai à la clinique qui est la mienne, celle que je rencontre en cabinet d’une part où je pratique des cures analytiques et surtout celle que je rencontre aux urgences pédiatriques de la Timone d’autre part. Un mot sur les urgences pédiatriques : il s’agit d’un service d’urgences médico-chirurgicales pour les enfants de 0 à 15 ans 3 mois, théoriquement, depuis peu, les urgences doivent aussi pouvoir accueillir des adolescents plus âgés (jusqu’à 18 ans) quand il n’est pas souhaitable que leur prise en charge se fasse par les urgences adultes ou par la psychiatrie (TS notamment).

 

 

 

Si les urgences pédiatriques n’ont pas pour vocation d’être un lieu d’adresse psychiatrique, psychologique ou psychanalytique on note que depuis 10 ans déjà – je n’y suis pas pour rien – une équipe de pédopsychiatrie de liaison peut être sollicitée par les pédiatres. Son rôle est d’indiquer un éventuel traitement et la nécessité ou non d’une hospitalisation en service pédiatrique ou autre puis d’organiser un suivi post hospitalisation ou post urgences. J’y ai pour  ma part créé une activité de consultations post urgences où j’assure des entretiens ponctuels ou des suivis pour les patients passés par les urgences et adressés par les pédiatres ou les internes, je suis aussi sollicitée pour des entretiens dans le cadre de l’urgence de la même façon que les pédopsychiatres sauf pour la partie traitement médicamenteux bien sûr. Les urgences sont donc un lieu de clinique de l’adolescent un  peu particulier car l’adresse initiale, qui est souvent celle des parents ou du social, s’y fait avant tout à la médecine et à la chirurgie et à moindre niveau à la pédopsychiatrie et à la psychologie, encore moins à la psychanalyse.

 

Pourtant, les urgences donnent un vaste aperçu de la psychopathologique adolescente car elles reçoivent les ados présentant divers signes ou symptômes engageant leur corps, relevant de la médecine ou de la chirurgie – ou ni l’un, ni l’autre – mais n’étant jamais sans lien avec le psychisme. Ainsi, un  part importante de ma consultation, concerne des ados ou préados, souvent des filles, mais pas seulement, venus aux urgences pour une crise de spasmophilie ou d’angoisse, pour un malaise  hypoglycémique ou une atteinte fonctionnelle sans lésion ou pathologie organique ou se plaignant de douleurs diverses non fondées sur le plan médical ou encore ayant été blessés ou choqués suite à de la violence agie ou subie. Les entretiens menés dans le cadre de l’urgence concernent des plaintes initiales plus variées : TS, conflits familiaux, violence, fugue, intoxication alcoolique, dépression, addiction à l’ordinateur, délire, inhibition etc. On note toutefois la constance de l’engagement du corps et la fréquence des mises en acte que nous aurons l’occasion de spécifier notamment avec les travaux de J.M. Forget. Mais d’ores et déjà je peux dire que cliniquement, ce sont autant de manifestations qui marquent, comme le dit J.M. Forget, « le désarroi d’un sujet en mal de reconnaissance » [1]et que ce n’est jamais un hasard si ça passe par le corps. Ce qui m’amène à me demander si l’enjeu de la clinique avec les adolescents n’est pas sous tendu par ce qui sous tend l’enjeu de la pratique psychanalytique à savoir rendre possible que du sujet advienne ! Toute la question étant de savoir pourquoi cette subjectivation semble si problématique  et de repérer quelles sont les conditions pour que cela cesse de passer par le corps et puisse passer par le transfert?

 

Sur le plan pratique, je vais vous laisser la parole pour exprimer les difficultés  que vous même rencontrez avec les adolescents mais avant je vais vous préciser un peu plus ce qui me fait personnellement question dans la clinique avec les adolescents :

 

1erécueil : celui du contexte de société dans lequel nous vivons. Quels sont les liens entre les symptômes des adolescents et les discours qui organisent la société néo-libérale d’aujourd’hui ? En d’autres termes comment prendre cette dimension collective en compte sans réduire le symptôme de l’ado à un comportement ou à un mimétisme et sans aller dans le sens d’une désubjectivation de type : « elle est devenue anorexique parce que les magazines donnent à voir des mannequins squelettiques » ? Ou encore, « il est violent à force de voir de la violence à la TV » ? Comment sortir de ces relations simplistes de cause à effet sans nier le lien ? C’est là qu’une pratique aux urgences n’est pas inintéressante car ce qui fait « urgence » pour les adolescents ou pour leurs parents semble être révélateur de ce qui sous tend le malaise de la société dans laquelle vivent les adolescents et où ils tentent de s’inscrire: corps souffrant et sans sujet, consommations anarchiques et excessives de produits, violences diverses faites à soi même ou à l’autre, dépression, …. entre autres.

 

2ème écueil: celui que représente les parents ou les éducateurs ! Faut-il les prendre en compte dans la prise en charge et si oui, comment et pourquoi ? Il m’arrive assez fréquemment de me dire que ce n’est pas tant l’adolescent qui devrait s’engager dans un travail mais plutôt sa mère et/ou son père, ou encore l’institution à laquelle il a été confié.  Et….ce n’est pas sans effet quand cela se produit !

 

3ème écueil: celui du transfert. Est-il toujours possible et à quelles conditions ? De quels outils dispose t-on pour mener la cure ? Comment ne pas tomber dans le social ou l’éducatif ou au contraire comment s’y tenir sans compromettre la subjectivation ?

 

Afin d’élaborer sur le plan théorique, nous nous référerons bien sûr à Freud et à Lacan et à leurs successeurs comme Ch. Melman, J.M. Forget, J.J. Rassial, J. Bergès et G. Balbo et quelques autres. En appui sur la clinique et en analysant la structure des ouvrages écrits par ces psychanalystes, je vous propose d’aborder quelques grandes questions cliniques et quelques outils théoriques au fil de ces 4 séances que j’ai découpées ainsi.

 

 

 

 

–          La récente notion d’adolescence et son lien au contexte social actuel, avec comme outils , la NEP (et la construction du lien social (prévalence du narcissisme et sa fragilité ?).

 

–          la question du corps et de la sexualité avec comme outils, le stade du miroir, le NDP, la question du féminin, la construction de la subjectivité.

 

–          La question des mises en acte de l’adolescent : inhibition, opposition, acting out, symptôme out, passage à l’acte, l’angoisse, la dépression. Avec comme outil la distinction entre perversion et perversités. Ce qui s’en déduit des modalités d’écoute des adolescents et de leurs parents avec la question du transfert et de la direction de la cure.

 

–          La question de l’addiction, de l’anorexie et de la délinquance avec comme outils, le rapport à l’Autre, à l’autre, à l’objet à la jouissance.

 

A vous de parler ! Quelles sont les difficultés que vous rencontrez et qui voudrait s’engager pour apporter une ou plusieurs vignettes cliniques selon chacun des thèmes proposés ?

 

L’enjeu psychique de l’adolescence

 

L’adolescence est avant tout à prendre au sérieux pour ce qu’il s’y  joue au niveau du psychisme. Dans un registre très réducteur et néantisant, on entend souvent dire « il fait sa crise », « c’est de son âge ! »  ou « il faut que jeunesse se passe » ce qui témoigne d’une profonde méconnaissance des enjeux psychiques de l’adolescence. On peut en donner quelques définitions qui se rejoignent desquelles je partirais:

 

J.M. Forget : « l’adolescence (…) est un temps où le sujet est contraint à articuler la sexualité envahissante de sa puberté à ce qui sert d’assise à sa subjectivité. (…) C’est un temps de mise en jeu de sa subjectivité »[2].

C. Tyszler : “ L’adolescence est un temps logique, où vont se déployer les différentes modalités mises en jeu dans le nom du père. (..) L’adolescence vise à remobiliser la métaphore paternelle ”[3].

Ch. Melman : “Maturité sexuelle frappée d’incapacité sociale, voilà qui pourrait définir l’âge de l’adolescence ou du moins ce que nous appelons ainsi ” [4].

 

Adolescence, société et  lien social:

 

Beaucoup d’auteurs psychanalystes s’accordent à dire que l’adolescence est un temps de passage, une sortie de l’enfance, dont les caractéristiques sont en lien avec l’évolution de notre culture. C’est un phénomène récent, un fait de société, qui est apparu au milieu du 19ème siècle[5] avec le déclin de l’autorité paternelle et de la transmission patrimoniale puis la généralisation de la scolarisation avec la révolution industrielle. Aujourd’hui du fait du développement explosif de la science et de l’économie libérale de marché c’est un phénomène qui se modifie, nous y reviendrons avec la NEP et Ch. Melman. Mais ce qui s’est passé à partir du 19ème siècle fait que contrairement à ce qui se passait avant, la maturité sexuelle ne coïncide plus avec la responsabilité, l’autonomie et le statut d’adulte. L’adolescence c’est l’écart entre les deux. J.M. Forget dit même que « c’est la société qui crée l’adolescence du sujet pubère »[6], ou encore : « l’adolescence est un effet de la société, et du frein de celle-ci à ce que le sujet ait un libre accès à sa sexualité »[7]Il me semble qu’il faut entendre que si c’est la société qui fait l’adolescence cela ne veut pas dire que c’est une maladie même si on constate souvent que les symptômes des ados sont aussi ceux de la société : rapport à l’image, à l’argent, à l’objet, à l’autre, au corps, au sexe etc. Par ailleurs il ne faut pas confondre « libre accès à la sexualité » et consommation d’un sexuel devenu marchandise.

 

Aujourd’hui, l’adolescence se situe entre 10 et 20 ans mais parfois plus et représente un période de plus en plus importante de l’histoire individuelle. Au-delà du malaise individuel qu’elle suscite souvent, elle provoque parfois le malaise collectif – cf des événements comme colombine ou les meurtres perpétrés en bande par des adolescents sur d’autres adolescents.

 

Dans la grande majorité des cas, elle provoque d’ailleurs surtout le malaise des parents.  Au point que G. Balbo a pu dire : “ j’appelle crise d’adolescence le traumatisme par lequel des parents sont brusquement privés, par leur enfant, des symptômes qu’à son insu celui-ci entretenait pour leur compte, afin de leur permettre de n’avoir pas à être confrontés à leur propre vérité ”[8].

 

 

 

 

L’adolescence est ainsi ce temps de construction du lien social. S. Lesourd  développe que l’adolescence est ce passage où il va s’agir de s’inscrire dans un lien social sous un signifiant partiellement autre que celui sous lequel l’enfant l’était dans le roman familial. L’adolescent, fille ou garçon, va devoir découvrir un signifiant qui le représente dans le social[9]. Pour cela, il faudra qu’il reconnaisse la place symbolique du phallus et qu’il rencontre le féminin en soi, cela est vrai pour les deux sexes. Il me semble que ceci est aujourd’hui complexifié par le fait que dans le social la valeur primordiale du phallus n’est plus soutenue ce qui peut faire croire à l’adolescent comme à l’adolescente que le phallus lui même n’est qu’un leurre et n’est pas symbolique alors même que ce n’est que par la destitution du phallus imaginaire de l’enfance qu’ils vont être confrontés à la jouissance Autre et à la position féminine. Jean Christophe Brunat dans son article le cours du phallus avance que « le phallus n’est plus en position d’exception, le seul à organiser notre social. Nous voilà passés d’une société toute phallique à une société pas toute »[10]Cliniquement on peut rendre compte des difficultés des ados à trouver ce signifiant qui les représente dans le social à travers les quêtes identitaires comme « metrosexual », « hubersex », etc.

 

De son côté, voici plus de 10 ans que Ch. Melman nous parle d’une NEP. Il s’agit de l’émergence d’une Nouvelle Economie Psychique liée au développement du néo-libéralisme et de l’échangisme globalisés : « cette NEP, c’est l’idéologie de marché » précise Melman. Il dit que notre culture qui au préalable était fondée sur le refoulement du sexuel et du pulsionnel – ce qui la rendait très névrotique – est aujourd’hui organisée autour de la jouissance de l’objet, notamment d’objets réels. Pourquoi ne pas considérer cela comme un progrès après tout ?! On peut se dire qu’un peu moins de refoulement du sexuel c’est pas mal, mais le souci c’est que la jouissance de l’objet dont il est question est une jouissance qui n’est plus limitée par la castration, par le symbolique, ce qui veut dire qu’elle est sans limite et sans fin. Melman nous dit que de ce fait, notre culture  promeut de plus en plus la perversion, une perversion « ordinaire », au sens d’un « état de dépendance à l’endroit d’un objet dont la saisie réelle ou imaginaire assure la jouissance »[11]Cette Nouvelle Economie Psychique joue donc sur la subjectivation et la rend plus difficile car ce n’est plus le désir qui y préside mais une jouissance sans limite ce qui produit un sujet non responsable mais à qui tout est dû ou qui se pose en victime en droit de réparation quand il n’est pas satisfait quant à la jouissance.

 

 

 

Dans ce contexte, si on pose que l’adolescence est le passage au cours duquel le sujet passe de l’enfance à l’âge adulte, cela n’est pas sans faire problème car si être adulte c’est quand un sujet occupe sa place de sujet dans le social et assume son désir et sa position sexuée alors on conçoit que l’adolescence  s’éternise et que les adolescents aient de plus en plus de mal à se trouver comme sujets et se maintiennent en position d’enfants. Melman et Lebrun parlent d’une « carence de la dimension subjective ou de carence en symbolisation donc de carences concernant la dette symbolique à l’égard de l’Autre » et donc d’un désarrimage des jouissances eu égard au phallique. Ce qui les rend indépendantes et anarchiques, encore organisées sur le mode de jouissances pulsionnelles infantiles. J.M. Forget ne dit pas autre chose, quand il écrit, je le cite : «  les points de souffrance de l’adolescence se situent souvent dans une expérience de contradiction entre la dimension symbolique réintroduite par la référence au désir sexuel – où ce que vise l’adolescent dans le désir est insaisissable -, et la logique d’une économie où ce qu’il cherche serait accessible à condition d’y mettre le prix »[12].

 

Sur le plan clinique, cela rend assez bien compte de ce qui se passe pour nombre d’ados à qui tout semble dû ou qui sont pris dans des modalités addictives aux marques, aux jeux vidéos, à l’ordinateur, à certaines drogues etc.  Cela rend aussi compte de l’incapacité dans laquelle sont nombre de parents pour dire « non » à leurs enfants et leurs ados, pour leur mettre des limites.

 


[1] J.M. Forget, l’Adolescent face à ses actes…et aux autres, Erès, 2005, p.8

[2] J.M. Forget, l’Adolescent face à ses actes…et aux autres, Erès, 2005, p.21

[3] C. TYSZLER , Adolescences…ou la remise en jeu de la métaphore paternelle, in Journal Français de Psychiatrie N° 9 Adolescences imprévisibles, 1erTrimestre 2001

[4] C. MELMAN, Artifices, in Journal Français de Psychiatrie N° 9 Adolescences imprévisibles, 1erTrimestre 2001

[5]P. Huerre, in JPF N° 14 P. 6

[6] J.M. Forget, l’Adolescent face à ses actes…et aux autres, Erès, 2005, p. 9

[7] J.M. Forget, l’Adolescent face à ses actes…et aux autres, Erès, 2005, p. 120

[8] G . BALBO, La crise d’adolescence aujourd’hui, in Journal Français de Psychiatrie N° 9 Adolescences imprévisibles, 1erTrimestre 2001

[9] S. Lesourd, Adolescences…Rencontre du féminin, Erès, 1997, 2009

[10] Jean Christophe Brunat, Le cours du phallus, article paru sur site internet de l’ALI

[11] Ch. Melman, L’Homme sans gravité, jouir à tout prix,

[12] J.M. Forget, ces ados qui nous prennent la tête, Ed. Fleurus, 1999

 

Le sinthome, leçon IV du 13 Janvier 1976 par Mireille Lacanal-Carlier

 

Lacan dans cette leçon insiste sur le réel. C’est le fil qu’il nous donne à suivre.fil pour nous guider à travers le corps et l’écriture, le corps comme écriture, la lettre «  a letter, a litter » pour arriver à la question « Qu’est ce qui opère dans la cure ? »

 

7 décembre 1921 , 7 rue de l’Odéon, Jacques Lacan, il n’a que 20 ans assiste chez Adrienne Monnier à une lecture d’Ulysse par nul autre que James Joyce., Ainsi l’Irlandais ne quittera plus Lacan.

 

Lacan commence donc  la leçon en posant la question  « Qu’est ce que le savoir faire ? »

Il ébauche une réponse en disant que c’est l’art, l’artifice, ce qui donne à l’art dont on est capable une valeur remarquable « .Remarquable en quoi, puisqu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre pour opérer le Jugement dernier » (fresque de Michel Ange peinte entre 1536 et 1541 alors qu’il avait une soixantaine d’année dans la chapelle Sixtine à Rome. Une des figures en bas à droite serait une représentation de lui-même qui enlève sa vieille peau) Pas de complétude à attendre.

Une limite est posée à la jouissance Quelque chose dont nous ne pouvons jouir.

Le sinthome comme nous le verrons sous-entend un savoir faire, un talent, quelque chose que le sujet a et propose.

 

Lacan prend appui dans ce séminaire sur le savoir faire de Joyce pour illustrer  ce point de rebroussement du symptôme au sinthome dans une création artistique.

Il nous propose comme paradigme le sinthome de Joyce.

« Joyce a orienté son art comme symptôme.

L’ics forme une consistance de nature langagière. Dans son œuvre c’est l‘embrouille des nœuds qui se trouvent faire le tissu, le texte essentiel de ce qu’il nous apporte ». Lacan 24 janvier 1976 Centre universitaire de Nice

Lacan fait l’hypothèse d’une suppléance au Nom du Père par un travail par rapport à l’art de la lettre qui s’appuie sur la vie et l’œuvre de Joyce.

 

Symptôme et sinthome

 

Philippe Julien dans Du symptôme au sinthome article cairn info nous informe que

le mot symptôme est né en 1495 dans la langue française en traduction du latin médical symptoma, pour signifier une co-incidence (cum incidere), c’est-à-dire ce qui « tombe ensemble » : telle maladie et tel signe pour le médecin.

Or le dico d’un certain  Bloch et von Wartburg nous dit que ce nom là s’écrivait « sinthome » qui vient du grec « suntithémi » qui veut dire  «  mettre ensemble. »

Equivocité homophonique

On voit donc là ce qui « tombe » du symptôme et ce qui se rassemble du sinthome.

 

Lacan a définit le symptôme de plusieurs façons : comme une métaphore, comme ce qui vient du réel, comme ce qui ne va pas et à la fin de son enseignement, comme un fait de structure dont la nécessité doit être interrogée.

A partir de 1953 Lacan fait valoir que le symptôme analytique est soutenu par une structure de langage, par des signifiants et par des lettres qui en sont les éléments matériels.

Le symptôme névrotique est l’équivalent d’une parole enclose à entendre et à déchiffrer. Lacan y voit à l’œuvre le mécanisme de la métaphore : la substitution du signifiant d’un trauma sexuel à un élément de la chaîne signifiante actuelle fixe le symptôme et produit son sens…..

Avec le nœud à quatre ronds, c’est la fonction du symptôme qui est précisé. La réalité psychique qui détermine avec Freud la formation du symptôme organisée par le complexe d’Œdipe ; cette réalité, Lacan l’a dit religieuse parce que fondée sur la croyance que le père est le castrateur, alors que ce sont les lois du langage qui imposent à renoncer à être ou à avoir le phallus. Le symptôme apparait comme ce qui maintient avec le Père un lien qui soutient l’identification et la jouissance sexuelle : le rond du symptôme dit aussi « rond du Nom du Père » permet de nouer RSI.

Pour Lacan le symptôme est la façon dont chacun jouit de son inconscient.

Dictionnaire international de la psy. Article de Valentin Nusinovici.

 

A partir de RSI (73-74) Lacan va donc montrer un nœud, un autre nœud, un nœud à quatre éléments. Le quart élément est compensatoire ; il a fonction de suppléance, dans la mesure où le nœud à trois ne tient pas de lui-même. Telle est la fonction du sinthome comme quart élément.

Le sinthome est réel c’est ce à quoi veut  arriver Lacan. Le sinthome comme réel et non comme « manifestations/formation » de l’Ics.

Le sinthome produit un tout autre abord du symptôme qui n’est plus forcément ce qui doit être réduit par l’interprétation. Lacan en vient à formuler le travail de l’analyse comme  produisant « un savoir y faire » avec son symptôme.

Et pour Lacan Joyce n’a pas un sinthome il est le sinthome. Il est ce quart élément de part son ego. Celui-ci à fonction  réparatrice grâce à l’art de Joyce. Cela lui permet de se faire un nom.

Il nous propose le sinthome de Joyce dans la mesure où il illustre par son écriture l’effet de l’usage du sens au point limite du hors sens, le sinthome donc inanalysable. Joyce est pour lui celui qui « sait y faire » avec son symptôme.

 

« l’ics c’est la face du réel…c’est la face du réel dont on est empêtré.

L’analyse ne consiste pas à ce qu’on soit libéré de ses sinthomes, l’analyse consiste à ce  qu’on sache pourquoi on est empêtré. » Le moment de conclure 10/01/78 Lacan

« Cela se produit du fait qu’il y a le symbolique. Le symbolique c’est le langage : on apprend à parler, ça laisse des traces,, ça laisse des traces et de ce fait ça laisse des conséquences qui ne sont rien que le « sinthome » et l’analyse consiste à rendre compte pourquoi on a ces « sinthomes » de sorte que l’analyse est lié au savoir »

Un savoir qui ne s’acquiert qu’à travers la perplexité.

Et Joyce l’illustre dans sa littérature par son opération de hachage de la langue, de brisure, de dislocation, de déchirure. Il dégage ainsi la langue de tout usage de communication et même de tout effet de littérature. Joyce arrive à être illisible.

Il laisse une œuvre qui pose mille énigmes pouvant entretenir les universitaires  pour de longues années. C’était d’ailleurs son souhait.

L e symptôme serait la non acceptation de la castration symbolique du père, alors que le sinthome serait de l’ordre d’une création de la part du sujet, comme dans Joyce, qui avec son art vidait de sens ce qui s’imposait à lui comme symptôme ( Hiltenbrand La clinique du réel)

 

Les vérités premières : le ronron des vérités premières : dieu et le jugement dernier. Les vérités premières qui sont une connaissance trompeuse.

Peut-on sortir du ronron des habitudes qui nous endorment ?

Ce ronron serait celui des religions qui induisent une manière de penser. Ce serait le ronron d’un Dieu créateur, du rapport du créateur à sa créature. Dans la perspective chrétienne nous parlons d’un dieu –père. C’est de cette religion dont Freud en la traitant d’illusion essayer de nous débarrasser.

L’idée de Dieu voir la croyance soutient la fonction et le sens du symptôme névrotique.

La psychanalyse peut-elle nous sortir de ce ronron ?

« Le ronron c’est la jouissance du chat »  ( La troisième Lacan 31/10/74)) Pour ne pas ronronner servons-nous des ronds de ficelle, de la topologie.

 

Le Nom du père est la forme laïque de cette présence dans la doctrine psy, de nos attaches à ce fond religieux.

Lacan va alors chercher à élaborer un nœud pour support des vérités premières. Le nœud ce qui supporte notre consistance .Et il pointe ici la différence entre une chaîne et un nœud ( le nœud se déduit de la chaîne).La chaîne est  au-delà  de 2.(Marie PierreBossy nous faisait remarquer que pourtant nous disons noeud.) D’ailleurs Lacan  p83, fin de la leçon  pose la question s’il n’y a pas abus à dire :

« faire un nœud avec ce que j’appellerai une chaî-neoud »

 

Il revient sur les vérités premières et nous amène à ce qu’on appelle la pensée. La pensée est liée à l’acte sexuel, elle gravite autour de cet acte. Cet acte qui de par sa nature implique une polarité actif-passif ce qui déjà engage dans un faux-sens. C’est ce qu’on appelle la connaissance

Mais la connaissance est trompeuse car l’actif c’est ce que nous connaissons mais comme nous faisons un effort pour connaître nous nous imaginons que nous sommes actif.. La pensée nous imaginons qu’elle est active . La connaissance participe du fantasme d’une inscription au lien sexuel.

En effet le sexuel ne fonde en rien quelque rapport qu’il soit. Il n’y a de rapport sexuel que sinthomatique

Le phallus n’appartient à aucun sexe, c’est ce qui circule entre, ce qui fait coupure. On ne peut saisir ce qui fait rapport, il n’y adonc pas de rapport. La fonction phallique c’est l’entre deux, le vide qui fait distinguer les choses.

« C’est en ça que consiste la pensée, que des mots introduisent dans le corps quelques représentations imbéciles » Lacan La troisième

Le sens se loge dans l’imaginaire. La pensée introduit des mots qui nous « rengorge », qui nous dégorge, que nous vomissons, ce qui va nous donner à vomir une vérité de plus.

« Vous vous imaginez que la pensée c’est ça,… se tient dans la cervelle…Moi je suis sûr …que ça se tient dans les peauciers du front….Enfin, si vous pouvez penser avec les peauciers du front, vous pouvez aussi penser avec les pieds » La troisième

Les pieds qui eux permettent de se mettre en marche. Ils permettent de faire un pas de côté.

 

Ainsi si la connaissance est trompeuse il nous faut repartir du début, de l’opacité sexuelle. Opacité car du sexuel ne fonde en rien quelque rapport que se soit. Et de nous rappeler qu’il n’y a de responsabilité dans le sens de réponse à côté que sexuelle. On est responsable que de notre position sexuelle .p 70 « On impute à Dieu ce qui est affaire de l’artiste » L’Autre de l’Autre c’est-à-dire impossible ce serait cela l’artifice ?

L’artiste est responsable au sens où c’est sa réponse c’est-à-dire son symptôme par rapport au fait qu’il n’y a pas de rapport sexuel.  Comment l’homme peut-il  être créateur si dieu l’est ? J. RUFF institut du champ freudien

« L’homme et non pas Dieu est un composé trinitaire » Lacan séminaire XXIII

 

Il revient sur la notion de Réel, distincte du symbolique et de l’imaginaire. Un Réel qui ne se fonde, n’existe qu’à en exclure le sens.

Le réel se fonde n’existe qu’à en exclure le sens.

 

Et il prend la consistance comme la forme la plus dépourvue de sens et qui pourtant s’imagine. Il n’y a de consistance que du nouage de RSI ( nœud c’est lier, relier, lire : c’est ce qui fait consistance).

La consistance c’est ce qui tient ensemble et c’est symbolisé par la surface ce qui nous donne l’idée du sac. Et de prendre l’exemple du corps qui se présente comme peau retenant dans son sac un tas d’organe et c’est comme ça que nous le sentons. Le corps comme amas de pièces détachées. C’est cette consistance qui nous montre la corde. Une corde comme résidu de la consistance et  qui exclut le nœud. Ainsi dans une corde le nœud est tout ce qui ex-iste à l’élément corde.

« Un nœud donc ça peut se faire » p 72 Le sinthome

 

Qu’est ce qu’un fait ? Il n’y a de fait que d’artifice car il n’y a de fait que du fait que le parlêtre le dise.

Il nous amène sur la voie de l’imagination. Le parlêtre parce qu’il parle ment et par là instaure dans la reconnaissance de faux faits. Et de revenir sur le corps qui est la seule consistance du sujet parlant et qui entretient avec son corps un rapport  d’adoration, un rapport imaginaire ( Je le pense donc j’essuie p72) imaginaire. Pour Lacan « Je suis où je ne pense pas » cad « Je suis où je n’articule pas, où je ne produis pas de sens ». Quand je pense, quand j’articule du sens je ne suis pas.

C’est le sexuel dit il qui ment la dedans à trop s’en raconter.

Mais finalement le seul concret que nous connaissons c’est toujours l’adoration sexuelle qui conduit à la méprise autrement dit au mépris même quand il adore un autre corps c’est le même mépris –véritable puisqu’il s’agit de vérité. (qui  elle ne peut être que mi-dite)

 

Alors qu’est ce que la vérité, qu’est ce que dire le vrai sur le vrai ? : suivre à la trace le réel qui ne consiste et qui n’existe que dans le nœud.

Mais ne nous hâtons pas et faisons comme si nous avions trouvé (« Je ne cherche pas je trouve » Picasso) Et pour cela Lacan repart de l’hystérie et sur la réalité de ce qu’il en est du rapport sexuel.

La tache de l’hystérique est de faire exister l’homme en l’incarnant, car il n’est pas question de laisser cette place vide. La douleur mal située de l’hystérique cherche dans son corps un lieu d’inscription.

Il y a toujours un problème majeur qui est celui de l’hystérique et de son corps, car ce corps lui

ek-siste parce que c’est le lieu de l’Autre

. « Ce lien de son corps est effectivement un lien étrange puisqu’il fonctionne comme un dépotoir, dépotoir de cet objet immonde qui est l’objet a, cause du désir de son partenaire » Melman  Problèmes posés à la psychanalyse

En tant qu’elle est – l’hystérique- la dernière réalité perceptible (husteron voulant dire « dernier » en  grec) pour nous rappeler que Freud n’a pu poser la question qui le taraudait «  Que veut la femme ?

(avec le sinthome il ne s’agira plus de résoudre l’énigme de la jouissance)

W w d W        Was will das Weib ,

Pour Lacan l’erreur de Freud c’est d’avoir pensé das weib au lieu de ein weib (une femme)

WweW

On ne peut pas parler de « La femme » qui n’ek-siste pas, une femme, pas toute.

« Toutes les femmes est un ensemble vide mais en revanche les femmes font série, une par une  Et si ça ek siste c’est donc du réel. Mais c’en est la consistance donc imaginaire du Réel. (Marie Charlotte Cadeau commentaire de RSI leçon du 21/01/1975)

L’énigme pour l’Homme c’est que la jouissance féminine n’est pas toute réglée par la loi de la castration. La jouissance féminine est hors langage, au-delà du phallus.

Cet excès de jouissance que la loi de la castration échoue à régler un symptôme peut l’appareiller et donner naissance à un art. Lacan écrit alors ce symptôme sinthome c’est-à-dire coupé du pêché.

«  sinthome » « sin » pêché.  «  Lacan fait le lien avec le pêché originel, la 1ère faute, de la doctrine chrétienne. Dans l’œuvre de Joyce le pêché en question c’est celui du père. Son père carent à suivi la même chute qu’Adam et Eve, et le sinthome de Joyce, sans la ptoma, sans la chute compense l’erreur de son père (Matinées lacaniennes Tom  Dezell)

 

Le sens en question révèle une énigme. En grec la parole est le radical d’énigme « ainos » « ainigma », en français parole et énigme n’ont aucune parenté. Enigme et réponse aussi énigmatique l’une que l’autre : registre de l’équivoque interprétative.

L’énigme c’est autre chose qu’une simple question. Chez les grecs c’est le Dieu qui prononce l’énigme par la voie de la Phytie : parole obscure qui défie l’entendement.

Ainigma l’énigme vient donc de ainos, parole prophétique. La puissance de l’énigme tient à ceci elle est une parole qui fait signe vers ce qui dépasse toute parole, fait vaciller la frontière du symbolique et du sens. Et au-delà  c’est le réel.

Le névrosé cherche à résoudre l’énigme des symptômes.

Joyce qu’en à lui croit à son sinthome et n’a pas intérêt à leur résolution. Il ne veut pas accepter la dette, l’héritage paternel.

Et Lacan présente cela comme une énigme : E énonciation e énoncé.

L’énigme c’est une énonciation tel qu’on en a pas trouve l’énoncé. L’énoncé se trouve dans la langue dans laquelle l’enfant a reçu ses premiers soins, celle de sa prime enfance, sa lalangue, la langue dans laquelle s’est constitué son symptôme ; ce qui fait retour en tant que lettre en est l’énonciation.

La lettre c’est le signifiant en tant que détaché de sa valeur de signification, détaché du signifié. Ce qui revient comme lettre n’est pas à lire puisque telle qu’elle elle ne nous dit rien du signifiant refoulé.

Lacan avec le travail sur la lettre nous indique que le travail de l’analyse consiste à réduire ce qui fait sens pour le patient, à réduire la lettre à un déchet. Il reprendra l’équivoque de Joyce sur «  a letter, a litter » «  une lettre, une ordure »

Avec ce glissement représentant la transformation de la lettre en déchet, Lacan montre l’usage que l’on peut faire pour aborder et réduire le symptôme dans l’analyse.

( Patricia Dahan La lettre entre savoir et jouissance)

La lettre contient une dimension de réel, elle n’est pas du côté du sens, elle est du côté du hors sens

L’énigme c’est l’art d’entre les lignes (allusion à la corde). et cela à un rapport avec l’écriture. C’est par des petits bouts d’écriture qu’on est entré dans le Réel, qu’on a cessé d’imaginer. L’écriture des petites lettres, des petites lettres mathématiques, c’est qui supporte le réel.p 75

Lacan  nous propose que l’écriture ça devait avoir un lien avec la façon dont nous écrivons le nœud et il fait référence à l’instance de la lettre. En dessinant un S avec une barre pour écrire un noeud. Cela nous rappelle aussi un corps.

La lettre est le support matériel que le discours concret emprunte au langage S/s  signifiant/signifié

« Ni dans ce que dit l’analysant, ni dans ce que dit l’analyste il n’y a autre chose que l’écriture »

leçon du 20/12/77 Lacan

Notre corps n’est-il pas porteur des traits, d’une écriture qui si nous savions les interpréter nous lirait.( lier) Marque sur le corps.

Histoire de Rémi.qui est en ULIS …….lui aussi aura à affronter de terribles épreuves avant de pouvoir peut être un jour mettre pied sur une terre d’accueil un Heim dont parle Freud. En attendant il se débat comme il peut avec une histoire de père dénié jusqu ‘à l’âge de 12 ans et mis en mots il y a quelques temps sous les signifiants « ordures déchets » induits «  Ton père je l’ai trouvé dans la rue tu ne crois pas que je me souviens de qui c’est ! »

Rémy tache sur les mains avec stylo de la mère en svt en cours sur les volcans. Il ne peut plus faire et cache ses mains dans ses poches.

Histoire de la banderole, prolongement du corps. Un corps de cortège avec sa tête et sa queue. Banderole comme un tatouage sur le corps.( Le Monde des livres 25 avril 2013)

MARINA

Revenons à Stephen ( S) qui est Joyce dans le roman. Il déchiffre sa propre énigme mais il ne va pas loin car il croit à tous ses symptômes. Le père de Joyce est un père carrant, toujours absent. Dans le livre Bloom cherche un fils. Stephen lui répond «  Non merci, trop peu pour moi. »

Ulysse est un témoignage de ce par quoi Joyce reste enraciné dans son père tout en le reniant : c’est ça son symptôme. «  J’ai dit qu’il était le symptôme » Lacan

 

Pour Lacan toute l’œuvre de Joyce est un long témoignage de cet enracinement du père tout en le reniant. Il fait référence à Exiles(1918). C’est l’unique œuvre théâtrale de Joyce. Le personnage est exilé de son propre pays comme l’était Joyce au moment d’écrire Exiles à Trieste. Lacan traduit « Les exils » : les différents exils du parlêtre ?

L’homme veut entraîner la femme à la trahison et il met en jeu une dialectique du doute qui accomplit un cycle en 4 temps  qui aboutit à « une blessure sans cause , ni origine, une blessure autonome qui ne peut se refermer »

Dans sa vie pour Joyce il n’y a qu’ « une seule femme » cad que Nora est alternativement la Vierge et la putain. Il  voudrait ne former qu’un seul être avec elle. L’Une femme c’est Nora.

« …qu’au regard de sa femme, il a les sentiments d’une mère…. » p 83

Exils exprime le non rapport sexuel, le fantasme de faire Un à deux.

Joyce : se faire livre aurait du se faire nœud.

 

Lacan revient à Ulysse et à l’énigme que propose Joyce sous les traits de Stephen (p 42 Ulysse folio)

Ulysse écrit entre 1914 et 1915, raconte un jour de la vie de L. Bloom le 16 juin 1904. Joyce rencontra sa femme cette journée là.

Lacan nous dit analysons Ulysse : mettons nous en position d’analyste et à cette énigme donnant ce fait  qu’elle est incompréhensible, et la réponse tout autant. L’analyse c’est la réponse à une énigme.

Réponse r tout à fait « conne » cad bête, déplacée, absurde. Et c’est pour cela qu’il faut garder la corde

L’analyste devra ainsi tenir la corde et apprendre à nouer d’un fil singulier les trous de cette singularité particulière. Nouages qui comme chez Joyce supposent une articulation  qui serve à retarder la rencontre fatidique avec les excès de la jouissance (Hétérité J. Adams ))

L’analyste celui qui peut soutenir la corde et devient ainsi « causeur de noeud. »

Il n’y a que des lettres dans l’ics, il n’y a que des cordes avec ses chaines et ses nœuds. La corde du noeud borroméen c’est l’écriture du réel, donc bien tenir la corde. Cela aboutit au nœud du non rapport sexuel.

« Le symptôme est le langage dont la parole doit être délivré » Les ecrits p 235 Lacan

 

Le sens résulte d’un champ entre Imaginaire et Symbolique. Faire une épissure pour obtenir un sens  qui se déplace : c’est l’objet de la réponse de l’analyste à l’exposé de l’analysant.

Quand nous faisons une épissure nous en faisons une autre entre symptôme et le Réel.

Qu’est ce qui opère dans l’analyse, c’est de suture et d’épissure qu’il s’agit dans l’analyse. C’est de structure et d’épissure qu’il s’agit. Qu’est ce qui opère dans la cure ?

Le statut de l’interprétation tient son efficacité à deux opérations : épissure et suture.

L’épissure consiste en un raccordement qui permet à une discontinuité de disparaître, de s’évanouir. C’est un raboutage. La suture (opération inverse de la coupure- métaphore est une coupure-) de 2 bords ou d’un bord sur lui-même- établit une nouvelle surface dont les propriétés dépendront de son articulation aux autres surfaces.

Cela permet le passage du 2 au 1 sans rupture.L’épissure comme mise en continuité.

La seconde qui procède de la première permet la fermeture, la clôture et installe donc une limite.et à un effet de surface avec la mise à plat du nœud.

La suture comme avènement d’une surface fermée.

Dans l’analyse il s’agit d’un raccordement d’une formation imaginaire avec le savoir inconscient. Cela produit un sens qui serait cette suture.

Qui produit une nouvelle épissure où symbolique vient toucher au réel : entrelacs entre symptôme et réel, réel parasite de la jouissance. Cela rend ainsi cette jouissance possible (par la suture) sous la forme  j’oui-sens cad ouïr un sens (ordinairement la compréhension d’un sens se met en travers d’un ouïr)

P83 « Trouver un sens implique de savoir quel est le nœud, et de le bien rabouter grâce à un artifice. » Sinthome Lacan

Ainsi le couple épissure suture contribue à résorber l’effet de sens dans un effet d’apprentissage ( un effet de faire, de savoir y faire) celui qui consiste à se faire une certaine jouissance.

 

L’analyse ne peut opérer qu’à partir de ce que se présentifie d’un réel par rapport au désir. ( Clinique du réel  Hiltenbrand leçon du 15 nov. 1995)

Le Réel se manifeste exclusivement sous la condition du désir cad que si vous vous abstenez, si vous inhibez votre désir vous êtes parfaitement tranquilles. Parce que ce réel alors à aucun moment ne risque de surgir.

Le Réel fait partie de la structure soit avec RSI soit avec le 4ème rond : l’impossible comme nécessaire ;

Lacan situe le réel en tant que c’est un heurt, un obstacle rencontré (Melman Ste Tulle le redit)

« Le réel n’est pas pour être su «  nous dit Lacan

Ca nous fait suer mais ce n’est pas pour être su, parce que c’est toujours de l’Autre que vient à se présenter le Réel pour un sujet. Et ce qui vient de l’Autre on ne sait pas. Et c’est dans cette perception de la réponse du manque qui est le sien ( réponse aperçue dans l’ Autre ) et où le sujet entrevoit sa propre perte, c’est là que se dessine la 1ère appréhension du Réel( ex ; du commandement de l’Autre)

 

La troisième : «  Le nœud il faut l’être…il n’en reste pas moins que de l’être, il faut que vous n’en fassiez que le semblant »

Le monde est imaginaire : fonction de représentation est dans le corps. Le réel n’est pas le monde. Aucun espoir d’atteindre le réel par la représentation.

« J’appelle symptôme ce qui vient du réel. »

Melman Travaux pratiques clinique psychanalytique p 57…………………..(à lire)

Le Réel dans la structure, c’est, pour reprendre une image de Lacan, la gueule d’un crocodile.

 

 

 

Mireille Lacanal-Carlier Juin 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE SINTHOME JACQUES LACAN

LECON IV  13 janvier 1976

Lacan dans cette leçon insiste sur le réel. C’est le fil qu’il nous donne à suivre.fil pour nous guider à travers le corps et l’écriture, le corps comme écriture, la lettre «  a letter, a litter » pour arriver à la question « Qu’est ce qui opère dans la cure ? »

 

7 décembre 1921 , 7 rue de l’Odéon, Jacques Lacan, il n’a que 20 ans assiste chez Adrienne Monnier à une lecture d’Ulysse par nul autre que James Joyce., Ainsi l’Irlandais ne quittera plus Lacan.

 

Lacan commence donc  la leçon en posant la question  « Qu’est ce que le savoir faire ? »

Il ébauche une réponse en disant que c’est l’art, l’artifice, ce qui donne à l’art dont on est capable une valeur remarquable « .Remarquable en quoi, puisqu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre pour opérer le Jugement dernier » (fresque de Michel Ange peinte entre 1536 et 1541 alors qu’il avait une soixantaine d’année dans la chapelle Sixtine à Rome. Une des figures en bas à droite serait une représentation de lui-même qui enlève sa vieille peau) Pas de complétude à attendre.

Une limite est posée à la jouissance Quelque chose dont nous ne pouvons jouir.

Le sinthome comme nous le verrons sous-entend un savoir faire, un talent, quelque chose que le sujet a et propose.

 

Lacan prend appui dans ce séminaire sur le savoir faire de Joyce pour illustrer  ce point de rebroussement du symptôme au sinthome dans une création artistique.

Il nous propose comme paradigme le sinthome de Joyce.

« Joyce a orienté son art comme symptôme.

L’ics forme une consistance de nature langagière. Dans son œuvre c’est l‘embrouille des nœuds qui se trouvent faire le tissu, le texte essentiel de ce qu’il nous apporte ». Lacan 24 janvier 1976 Centre universitaire de Nice

Lacan fait l’hypothèse d’une suppléance au Nom du Père par un travail par rapport à l’art de la lettre qui s’appuie sur la vie et l’œuvre de Joyce.

 

Symptôme et sinthome

 

Philippe Julien dans Du symptôme au sinthome article cairn info nous informe que

le mot symptôme est né en 1495 dans la langue française en traduction du latin médical symptoma, pour signifier une co-incidence (cum incidere), c’est-à-dire ce qui « tombe ensemble » : telle maladie et tel signe pour le médecin.

Or le dico d’un certain  Bloch et von Wartburg nous dit que ce nom là s’écrivait « sinthome » qui vient du grec « suntithémi » qui veut dire  «  mettre ensemble. »

Equivocité homophonique

On voit donc là ce qui « tombe » du symptôme et ce qui se rassemble du sinthome.

 

Lacan a définit le symptôme de plusieurs façons : comme une métaphore, comme ce qui vient du réel, comme ce qui ne va pas et à la fin de son enseignement, comme un fait de structure dont la nécessité doit être interrogée.

A partir de 1953 Lacan fait valoir que le symptôme analytique est soutenu par une structure de langage, par des signifiants et par des lettres qui en sont les éléments matériels.

Le symptôme névrotique est l’équivalent d’une parole enclose à entendre et à déchiffrer. Lacan y voit à l’œuvre le mécanisme de la métaphore : la substitution du signifiant d’un trauma sexuel à un élément de la chaîne signifiante actuelle fixe le symptôme et produit son sens…..

Avec le nœud à quatre ronds, c’est la fonction du symptôme qui est précisé. La réalité psychique qui détermine avec Freud la formation du symptôme organisée par le complexe d’Œdipe ; cette réalité, Lacan l’a dit religieuse parce que fondée sur la croyance que le père est le castrateur, alors que ce sont les lois du langage qui imposent à renoncer à être ou à avoir le phallus. Le symptôme apparait comme ce qui maintient avec le Père un lien qui soutient l’identification et la jouissance sexuelle : le rond du symptôme dit aussi « rond du Nom du Père » permet de nouer RSI.

Pour Lacan le symptôme est la façon dont chacun jouit de son inconscient.

Dictionnaire international de la psy. Article de Valentin Nusinovici.

 

A partir de RSI (73-74) Lacan va donc montrer un nœud, un autre nœud, un nœud à quatre éléments. Le quart élément est compensatoire ; il a fonction de suppléance, dans la mesure où le nœud à trois ne tient pas de lui-même. Telle est la fonction du sinthome comme quart élément.

Le sinthome est réel c’est ce à quoi veut  arriver Lacan. Le sinthome comme réel et non comme « manifestations/formation » de l’Ics.

Le sinthome produit un tout autre abord du symptôme qui n’est plus forcément ce qui doit être réduit par l’interprétation. Lacan en vient à formuler le travail de l’analyse comme  produisant « un savoir y faire » avec son symptôme.

Et pour Lacan Joyce n’a pas un sinthome il est le sinthome. Il est ce quart élément de part son ego. Celui-ci à fonction  réparatrice grâce à l’art de Joyce. Cela lui permet de se faire un nom.

Il nous propose le sinthome de Joyce dans la mesure où il illustre par son écriture l’effet de l’usage du sens au point limite du hors sens, le sinthome donc inanalysable. Joyce est pour lui celui qui « sait y faire » avec son symptôme.

 

« l’ics c’est la face du réel…c’est la face du réel dont on est empêtré.

L’analyse ne consiste pas à ce qu’on soit libéré de ses sinthomes, l’analyse consiste à ce  qu’on sache pourquoi on est empêtré. » Le moment de conclure 10/01/78 Lacan

« Cela se produit du fait qu’il y a le symbolique. Le symbolique c’est le langage : on apprend à parler, ça laisse des traces,, ça laisse des traces et de ce fait ça laisse des conséquences qui ne sont rien que le « sinthome » et l’analyse consiste à rendre compte pourquoi on a ces « sinthomes » de sorte que l’analyse est lié au savoir »

Un savoir qui ne s’acquiert qu’à travers la perplexité.

Et Joyce l’illustre dans sa littérature par son opération de hachage de la langue, de brisure, de dislocation, de déchirure. Il dégage ainsi la langue de tout usage de communication et même de tout effet de littérature. Joyce arrive à être illisible.

Il laisse une œuvre qui pose mille énigmes pouvant entretenir les universitaires  pour de longues années. C’était d’ailleurs son souhait.

L e symptôme serait la non acceptation de la castration symbolique du père, alors que le sinthome serait de l’ordre d’une création de la part du sujet, comme dans Joyce, qui avec son art vidait de sens ce qui s’imposait à lui comme symptôme ( Hiltenbrand La clinique du réel)

 

Les vérités premières : le ronron des vérités premières : dieu et le jugement dernier. Les vérités premières qui sont une connaissance trompeuse.

Peut-on sortir du ronron des habitudes qui nous endorment ?

Ce ronron serait celui des religions qui induisent une manière de penser. Ce serait le ronron d’un Dieu créateur, du rapport du créateur à sa créature. Dans la perspective chrétienne nous parlons d’un dieu –père. C’est de cette religion dont Freud en la traitant d’illusion essayer de nous débarrasser.

L’idée de Dieu voir la croyance soutient la fonction et le sens du symptôme névrotique.

La psychanalyse peut-elle nous sortir de ce ronron ?

« Le ronron c’est la jouissance du chat »  ( La troisième Lacan 31/10/74)) Pour ne pas ronronner servons-nous des ronds de ficelle, de la topologie.

 

Le Nom du père est la forme laïque de cette présence dans la doctrine psy, de nos attaches à ce fond religieux.

Lacan va alors chercher à élaborer un nœud pour support des vérités premières. Le nœud ce qui supporte notre consistance .Et il pointe ici la différence entre une chaîne et un nœud ( le nœud se déduit de la chaîne).La chaîne est  au-delà  de 2.(Marie PierreBossy nous faisait remarquer que pourtant nous disons noeud.) D’ailleurs Lacan  p83, fin de la leçon  pose la question s’il n’y a pas abus à dire :

« faire un nœud avec ce que j’appellerai une chaî-neoud »

 

Il revient sur les vérités premières et nous amène à ce qu’on appelle la pensée. La pensée est liée à l’acte sexuel, elle gravite autour de cet acte. Cet acte qui de par sa nature implique une polarité actif-passif ce qui déjà engage dans un faux-sens. C’est ce qu’on appelle la connaissance

Mais la connaissance est trompeuse car l’actif c’est ce que nous connaissons mais comme nous faisons un effort pour connaître nous nous imaginons que nous sommes actif.. La pensée nous imaginons qu’elle est active . La connaissance participe du fantasme d’une inscription au lien sexuel.

En effet le sexuel ne fonde en rien quelque rapport qu’il soit. Il n’y a de rapport sexuel que sinthomatique

Le phallus n’appartient à aucun sexe, c’est ce qui circule entre, ce qui fait coupure. On ne peut saisir ce qui fait rapport, il n’y adonc pas de rapport. La fonction phallique c’est l’entre deux, le vide qui fait distinguer les choses.

« C’est en ça que consiste la pensée, que des mots introduisent dans le corps quelques représentations imbéciles » Lacan La troisième

Le sens se loge dans l’imaginaire. La pensée introduit des mots qui nous « rengorge », qui nous dégorge, que nous vomissons, ce qui va nous donner à vomir une vérité de plus.

« Vous vous imaginez que la pensée c’est ça,… se tient dans la cervelle…Moi je suis sûr …que ça se tient dans les peauciers du front….Enfin, si vous pouvez penser avec les peauciers du front, vous pouvez aussi penser avec les pieds » La troisième

Les pieds qui eux permettent de se mettre en marche. Ils permettent de faire un pas de côté.

 

Ainsi si la connaissance est trompeuse il nous faut repartir du début, de l’opacité sexuelle. Opacité car du sexuel ne fonde en rien quelque rapport que se soit. Et de nous rappeler qu’il n’y a de responsabilité dans le sens de réponse à côté que sexuelle. On est responsable que de notre position sexuelle .p 70 « On impute à Dieu ce qui est affaire de l’artiste » L’Autre de l’Autre c’est-à-dire impossible ce serait cela l’artifice ?

L’artiste est responsable au sens où c’est sa réponse c’est-à-dire son symptôme par rapport au fait qu’il n’y a pas de rapport sexuel.  Comment l’homme peut-il  être créateur si dieu l’est ? J. RUFF institut du champ freudien

« L’homme et non pas Dieu est un composé trinitaire » Lacan séminaire XXIII

 

Il revient sur la notion de Réel, distincte du symbolique et de l’imaginaire. Un Réel qui ne se fonde, n’existe qu’à en exclure le sens.

Le réel se fonde n’existe qu’à en exclure le sens.

 

Et il prend la consistance comme la forme la plus dépourvue de sens et qui pourtant s’imagine. Il n’y a de consistance que du nouage de RSI ( nœud c’est lier, relier, lire : c’est ce qui fait consistance).

La consistance c’est ce qui tient ensemble et c’est symbolisé par la surface ce qui nous donne l’idée du sac. Et de prendre l’exemple du corps qui se présente comme peau retenant dans son sac un tas d’organe et c’est comme ça que nous le sentons. Le corps comme amas de pièces détachées. C’est cette consistance qui nous montre la corde. Une corde comme résidu de la consistance et  qui exclut le nœud. Ainsi dans une corde le nœud est tout ce qui ex-iste à l’élément corde.

« Un nœud donc ça peut se faire » p 72 Le sinthome

 

Qu’est ce qu’un fait ? Il n’y a de fait que d’artifice car il n’y a de fait que du fait que le parlêtre le dise.

Il nous amène sur la voie de l’imagination. Le parlêtre parce qu’il parle ment et par là instaure dans la reconnaissance de faux faits. Et de revenir sur le corps qui est la seule consistance du sujet parlant et qui entretient avec son corps un rapport  d’adoration, un rapport imaginaire ( Je le pense donc j’essuie p72) imaginaire. Pour Lacan « Je suis où je ne pense pas » cad « Je suis où je n’articule pas, où je ne produis pas de sens ». Quand je pense, quand j’articule du sens je ne suis pas.

C’est le sexuel dit il qui ment la dedans à trop s’en raconter.

Mais finalement le seul concret que nous connaissons c’est toujours l’adoration sexuelle qui conduit à la méprise autrement dit au mépris même quand il adore un autre corps c’est le même mépris –véritable puisqu’il s’agit de vérité. (qui  elle ne peut être que mi-dite)

 

Alors qu’est ce que la vérité, qu’est ce que dire le vrai sur le vrai ? : suivre à la trace le réel qui ne consiste et qui n’existe que dans le nœud.

Mais ne nous hâtons pas et faisons comme si nous avions trouvé (« Je ne cherche pas je trouve » Picasso) Et pour cela Lacan repart de l’hystérie et sur la réalité de ce qu’il en est du rapport sexuel.

La tache de l’hystérique est de faire exister l’homme en l’incarnant, car il n’est pas question de laisser cette place vide. La douleur mal située de l’hystérique cherche dans son corps un lieu d’inscription.

Il y a toujours un problème majeur qui est celui de l’hystérique et de son corps, car ce corps lui

ek-siste parce que c’est le lieu de l’Autre

. « Ce lien de son corps est effectivement un lien étrange puisqu’il fonctionne comme un dépotoir, dépotoir de cet objet immonde qui est l’objet a, cause du désir de son partenaire » Melman  Problèmes posés à la psychanalyse

En tant qu’elle est – l’hystérique- la dernière réalité perceptible (husteron voulant dire « dernier » en  grec) pour nous rappeler que Freud n’a pu poser la question qui le taraudait «  Que veut la femme ?

(avec le sinthome il ne s’agira plus de résoudre l’énigme de la jouissance)

W w d W        Was will das Weib ,

Pour Lacan l’erreur de Freud c’est d’avoir pensé das weib au lieu de ein weib (une femme)

WweW

On ne peut pas parler de « La femme » qui n’ek-siste pas, une femme, pas toute.

« Toutes les femmes est un ensemble vide mais en revanche les femmes font série, une par une  Et si ça ek siste c’est donc du réel. Mais c’en est la consistance donc imaginaire du Réel. (Marie Charlotte Cadeau commentaire de RSI leçon du 21/01/1975)

L’énigme pour l’Homme c’est que la jouissance féminine n’est pas toute réglée par la loi de la castration. La jouissance féminine est hors langage, au-delà du phallus.

Cet excès de jouissance que la loi de la castration échoue à régler un symptôme peut l’appareiller et donner naissance à un art. Lacan écrit alors ce symptôme sinthome c’est-à-dire coupé du pêché.

«  sinthome » « sin » pêché.  «  Lacan fait le lien avec le pêché originel, la 1ère faute, de la doctrine chrétienne. Dans l’œuvre de Joyce le pêché en question c’est celui du père. Son père carent à suivi la même chute qu’Adam et Eve, et le sinthome de Joyce, sans la ptoma, sans la chute compense l’erreur de son père (Matinées lacaniennes Tom  Dezell)

 

Le sens en question révèle une énigme. En grec la parole est le radical d’énigme « ainos » « ainigma », en français parole et énigme n’ont aucune parenté. Enigme et réponse aussi énigmatique l’une que l’autre : registre de l’équivoque interprétative.

L’énigme c’est autre chose qu’une simple question. Chez les grecs c’est le Dieu qui prononce l’énigme par la voie de la Phytie : parole obscure qui défie l’entendement.

Ainigma l’énigme vient donc de ainos, parole prophétique. La puissance de l’énigme tient à ceci elle est une parole qui fait signe vers ce qui dépasse toute parole, fait vaciller la frontière du symbolique et du sens. Et au-delà  c’est le réel.

Le névrosé cherche à résoudre l’énigme des symptômes.

Joyce qu’en à lui croit à son sinthome et n’a pas intérêt à leur résolution. Il ne veut pas accepter la dette, l’héritage paternel.

Et Lacan présente cela comme une énigme : E énonciation e énoncé.

L’énigme c’est une énonciation tel qu’on en a pas trouve l’énoncé. L’énoncé se trouve dans la langue dans laquelle l’enfant a reçu ses premiers soins, celle de sa prime enfance, sa lalangue, la langue dans laquelle s’est constitué son symptôme ; ce qui fait retour en tant que lettre en est l’énonciation.

La lettre c’est le signifiant en tant que détaché de sa valeur de signification, détaché du signifié. Ce qui revient comme lettre n’est pas à lire puisque telle qu’elle elle ne nous dit rien du signifiant refoulé.

Lacan avec le travail sur la lettre nous indique que le travail de l’analyse consiste à réduire ce qui fait sens pour le patient, à réduire la lettre à un déchet. Il reprendra l’équivoque de Joyce sur «  a letter, a litter » «  une lettre, une ordure »

Avec ce glissement représentant la transformation de la lettre en déchet, Lacan montre l’usage que l’on peut faire pour aborder et réduire le symptôme dans l’analyse.

( Patricia Dahan La lettre entre savoir et jouissance)

La lettre contient une dimension de réel, elle n’est pas du côté du sens, elle est du côté du hors sens

L’énigme c’est l’art d’entre les lignes (allusion à la corde). et cela à un rapport avec l’écriture. C’est par des petits bouts d’écriture qu’on est entré dans le Réel, qu’on a cessé d’imaginer. L’écriture des petites lettres, des petites lettres mathématiques, c’est qui supporte le réel.p 75

Lacan  nous propose que l’écriture ça devait avoir un lien avec la façon dont nous écrivons le nœud et il fait référence à l’instance de la lettre. En dessinant un S avec une barre pour écrire un noeud. Cela nous rappelle aussi un corps.

La lettre est le support matériel que le discours concret emprunte au langage S/s  signifiant/signifié

« Ni dans ce que dit l’analysant, ni dans ce que dit l’analyste il n’y a autre chose que l’écriture »

leçon du 20/12/77 Lacan

Notre corps n’est-il pas porteur des traits, d’une écriture qui si nous savions les interpréter nous lirait.( lier) Marque sur le corps.

Histoire de Rémi.qui est en ULIS …….lui aussi aura à affronter de terribles épreuves avant de pouvoir peut être un jour mettre pied sur une terre d’accueil un Heim dont parle Freud. En attendant il se débat comme il peut avec une histoire de père dénié jusqu ‘à l’âge de 12 ans et mis en mots il y a quelques temps sous les signifiants « ordures déchets » induits «  Ton père je l’ai trouvé dans la rue tu ne crois pas que je me souviens de qui c’est ! »

Rémy tache sur les mains avec stylo de la mère en svt en cours sur les volcans. Il ne peut plus faire et cache ses mains dans ses poches.

Histoire de la banderole, prolongement du corps. Un corps de cortège avec sa tête et sa queue. Banderole comme un tatouage sur le corps.( Le Monde des livres 25 avril 2013)

MARINA

Revenons à Stephen ( S) qui est Joyce dans le roman. Il déchiffre sa propre énigme mais il ne va pas loin car il croit à tous ses symptômes. Le père de Joyce est un père carrant, toujours absent. Dans le livre Bloom cherche un fils. Stephen lui répond «  Non merci, trop peu pour moi. »

Ulysse est un témoignage de ce par quoi Joyce reste enraciné dans son père tout en le reniant : c’est ça son symptôme. «  J’ai dit qu’il était le symptôme » Lacan

 

Pour Lacan toute l’œuvre de Joyce est un long témoignage de cet enracinement du père tout en le reniant. Il fait référence à Exiles(1918). C’est l’unique œuvre théâtrale de Joyce. Le personnage est exilé de son propre pays comme l’était Joyce au moment d’écrire Exiles à Trieste. Lacan traduit « Les exils » : les différents exils du parlêtre ?

L’homme veut entraîner la femme à la trahison et il met en jeu une dialectique du doute qui accomplit un cycle en 4 temps  qui aboutit à « une blessure sans cause , ni origine, une blessure autonome qui ne peut se refermer »

Dans sa vie pour Joyce il n’y a qu’ « une seule femme » cad que Nora est alternativement la Vierge et la putain. Il  voudrait ne former qu’un seul être avec elle. L’Une femme c’est Nora.

« …qu’au regard de sa femme, il a les sentiments d’une mère…. » p 83

Exils exprime le non rapport sexuel, le fantasme de faire Un à deux.

Joyce : se faire livre aurait du se faire nœud.

 

Lacan revient à Ulysse et à l’énigme que propose Joyce sous les traits de Stephen (p 42 Ulysse folio)

Ulysse écrit entre 1914 et 1915, raconte un jour de la vie de L. Bloom le 16 juin 1904. Joyce rencontra sa femme cette journée là.

Lacan nous dit analysons Ulysse : mettons nous en position d’analyste et à cette énigme donnant ce fait  qu’elle est incompréhensible, et la réponse tout autant. L’analyse c’est la réponse à une énigme.

Réponse r tout à fait « conne » cad bête, déplacée, absurde. Et c’est pour cela qu’il faut garder la corde

L’analyste devra ainsi tenir la corde et apprendre à nouer d’un fil singulier les trous de cette singularité particulière. Nouages qui comme chez Joyce supposent une articulation  qui serve à retarder la rencontre fatidique avec les excès de la jouissance (Hétérité J. Adams ))

L’analyste celui qui peut soutenir la corde et devient ainsi « causeur de noeud. »

Il n’y a que des lettres dans l’ics, il n’y a que des cordes avec ses chaines et ses nœuds. La corde du noeud borroméen c’est l’écriture du réel, donc bien tenir la corde. Cela aboutit au nœud du non rapport sexuel.

« Le symptôme est le langage dont la parole doit être délivré » Les ecrits p 235 Lacan

 

Le sens résulte d’un champ entre Imaginaire et Symbolique. Faire une épissure pour obtenir un sens  qui se déplace : c’est l’objet de la réponse de l’analyste à l’exposé de l’analysant.

Quand nous faisons une épissure nous en faisons une autre entre symptôme et le Réel.

Qu’est ce qui opère dans l’analyse, c’est de suture et d’épissure qu’il s’agit dans l’analyse. C’est de structure et d’épissure qu’il s’agit. Qu’est ce qui opère dans la cure ?

Le statut de l’interprétation tient son efficacité à deux opérations : épissure et suture.

L’épissure consiste en un raccordement qui permet à une discontinuité de disparaître, de s’évanouir. C’est un raboutage. La suture (opération inverse de la coupure- métaphore est une coupure-) de 2 bords ou d’un bord sur lui-même- établit une nouvelle surface dont les propriétés dépendront de son articulation aux autres surfaces.

Cela permet le passage du 2 au 1 sans rupture.L’épissure comme mise en continuité.

La seconde qui procède de la première permet la fermeture, la clôture et installe donc une limite.et à un effet de surface avec la mise à plat du nœud.

La suture comme avènement d’une surface fermée.

Dans l’analyse il s’agit d’un raccordement d’une formation imaginaire avec le savoir inconscient. Cela produit un sens qui serait cette suture.

Qui produit une nouvelle épissure où symbolique vient toucher au réel : entrelacs entre symptôme et réel, réel parasite de la jouissance. Cela rend ainsi cette jouissance possible (par la suture) sous la forme  j’oui-sens cad ouïr un sens (ordinairement la compréhension d’un sens se met en travers d’un ouïr)

P83 « Trouver un sens implique de savoir quel est le nœud, et de le bien rabouter grâce à un artifice. » Sinthome Lacan

Ainsi le couple épissure suture contribue à résorber l’effet de sens dans un effet d’apprentissage ( un effet de faire, de savoir y faire) celui qui consiste à se faire une certaine jouissance.

 

L’analyse ne peut opérer qu’à partir de ce que se présentifie d’un réel par rapport au désir. ( Clinique du réel  Hiltenbrand leçon du 15 nov. 1995)

Le Réel se manifeste exclusivement sous la condition du désir cad que si vous vous abstenez, si vous inhibez votre désir vous êtes parfaitement tranquilles. Parce que ce réel alors à aucun moment ne risque de surgir.

Le Réel fait partie de la structure soit avec RSI soit avec le 4ème rond : l’impossible comme nécessaire ;

Lacan situe le réel en tant que c’est un heurt, un obstacle rencontré (Melman Ste Tulle le redit)

« Le réel n’est pas pour être su «  nous dit Lacan

Ca nous fait suer mais ce n’est pas pour être su, parce que c’est toujours de l’Autre que vient à se présenter le Réel pour un sujet. Et ce qui vient de l’Autre on ne sait pas. Et c’est dans cette perception de la réponse du manque qui est le sien ( réponse aperçue dans l’ Autre ) et où le sujet entrevoit sa propre perte, c’est là que se dessine la 1ère appréhension du Réel( ex ; du commandement de l’Autre)

 

La troisième : «  Le nœud il faut l’être…il n’en reste pas moins que de l’être, il faut que vous n’en fassiez que le semblant »

Le monde est imaginaire : fonction de représentation est dans le corps. Le réel n’est pas le monde. Aucun espoir d’atteindre le réel par la représentation.

« J’appelle symptôme ce qui vient du réel. »

Melman Travaux pratiques clinique psychanalytique p 57…………………..(à lire)

Le Réel dans la structure, c’est, pour reprendre une image de Lacan, la gueule d’un crocodile.

 

 

 

Mireille Lacanal-Carlier Juin 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les mises en acte des adolescents comme mises en scène de la défaillance symbolique actuelle – par Ghislaine Chagourin

 

Séminaire clinique de l’adolescent, Séance du 19 mars 2012

Pour cette séance, je me suis appuyée sur le livre de JM Forget : L’adolescent face à ses actes….et aux autres. 3 constatations cliniques pour démarrer : Montre à quel pointles ados sont perméables au monde  qui les entoure et peuvent s’en faire les révélateurs.

 

1/ au niveau collectif, on entend beaucoup parler au sujet des ados de comportements à risque, de conduites addictives (au point qu’il existe des mots pour spécifier ceux « accros » de diverses façon aux jeux vidéo sur internet : les geek, les nerd, les nolife [1] etc), de troubles du comportement alimentaire ou sexuel, de TS pour tentative de suicide, de délinquance ou de violence (qui désignent toujours des écarts de comportements à la loi ou à la norme sociale). La psychanalyse nous a appris qu’un signifiant c’est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant. On entend bien que tous ces signifiants réduisent le sujet à son comportement, sa conduite ou son geste, élidant ainsi la question de la subjectivité. D’où mon titre qui renvoie à des mises en acte qui est une expression que j’ai emprunté à JM Forget. Je vais y revenir.

 

2/ 2ème Constatation qui  me vient de ma pratique aux urgences pédiatriques : Bien sûr, quand un ado est en crise et se retrouve aux urgences – que la crise soit la sienne ou celle des parents – il y a toujours à interroger le lien avec son contexte familial et/ou affectif et/ou scolaire et/ou institutionnel sans le réduire à une relation de cause à effet. Mais prioritairement, c’est son rapport à ses parents ou à l’institution à laquelle il est confié qui est en jeu. Le plus couramment – banalement – pathogène étant bien sûr les conflits et les situations générés par le divorce ou la séparation des parents mais aussi les modalités éducatives et la façon dont l’ado est pris en compte, ou pas, par ses parents ou ses éducateurs.

 

 

3/ 3ème constatation qui découle de la seconde, dans ma pratique aux urgences, il m’est rapidement apparu impossible de ne pas prendre en compte les parents des ados, même quand l’adolescent est « grand » et ce selon des modalités adaptées à chaque cas car je ne peux en aucun cas me référer à une modalité de prise en charge identique pour tous les adolescents et ce pour des raisons purement cliniques et de structure.  Ainsi, seule la psychanalyse aide à repérer la position qu’il faut occuper vis à vis de l’ado ou des parents et sa compatibilité ou pas avec une offre d’un suivi. Par exemple, dans des cas de TS, il est arrivé que mon intervention aux urgences consiste uniquement à faire se déplacer les parents, au sens propre comme au sens figuré, afin de sortir l’ado de l’urgence  – au sens propre comme au sens figuré là aussi – et afin de pouvoir nommer ce qui fait crise et pour qui, et d’indiquer un mode de prise en charge post urgences car la position que j’ai occupée rend difficile tout suivi de l’ado ou des parents. Ou, au contraire, je propose un suivi à l’adolescent après avoir rencontré son ou ses parents. D’autres fois, je n’entends que l’adolescent  au départ puis par la suite, quand l’ado est prêt et y consent, je rencontre son ou ses parents. Enfin, il n’est pas rare que quelques séances suffisent pour dénouer une situation de crise ou de deuil.

 

Exemple : cette adolescente de 12 ans venue aux urgences suite à une série de crises de spasmophilie se manifestant par une difficulté respiratoire et des engourdissements aux jambes et aux mains qui la mettent au bord de l’écroulement, ce qui a fait symptôme pour ses parents et l’école qui a appelé les pompiers. Il y a quelques mois, elle a perdu son ami d’enfance, qu’elle considérait comme un grand frère. Il a eu un accident de scooter devant ses yeux. Elle l’a vu se faire faucher par une voiture alors qu’il venait de tomber de scooter. L’image de son ami s’écroulant devant ses yeux continue de la hanter. Les manifestations de ces crises d’angoisse donnent à voir ce qu’elle ne peut dire : L’angoisse de mort et la culpabilité de ne pas l’avoir empêché de partir faire une course avec son scooter et surtout la difficulté à faire ce deuil. Elle ne peut pas parler de sa peine à ses parents, encore moins à son père par peur de le peiner. Car cette perte renvoie a un accident de moto qu’a eu le père. C’est lui qui conduisait et son copain assis derrière lui sur la moto est décédé lors de cet accident survenu quand il était jeune homme. Après quelques entretiens qui semble t-il lui ont fourni les appuis symboliques nécessaires, les malaises ont cessé et elle a pu reprendre à son compte le deuil à faire. J’ai rencontré le papa en présence de sa fille, il était très inquiet de voir que sa fille ne lui parlait pas et le lui a dit. Sa  fille a toujours refusé que je parle avec lui de son deuil à lui, arguant que c’est elle qui évoquera cette question avec lui. Ce que j’ai respecté.

 

 

Dans son ouvrage, JMF se donne comme objectif de rendre lisibles les actes des adolescents qu’il tient pour être toujours adressés à l’instance sociale à travers ceux qui la représentent qu’il s’agisse des parents ou de travailleurs sociaux. C’est original puisque d’habitude, la psychanalyse aborde l’acte en terme de ce qui n’est plus analysable ou relève d’une erreur de l’analyste. Il semble donc s’adresser aux parents mais également aux travailleurs sociaux en charge d’adolescents afin que tout un chacun soit éclairé sur sa position propre vis à vis de l’adolescent. D’après lui, ces actes peuvent être analysés comme des symptômes qui ne sont pas sans lien avec les conditions de leur surgissement. Ces conditions éclairent le pourquoi de la tonalité perverse de ces actes car elles sont liées à ce dont nous avons parlé lors des précédentes séances et qui ont trait à l’évolution de notre culture vers une économie de marché (financier) qui donne lieu à une Nouvelle Economie Psychique dominée par la jouissance de l’objet, ce qui promeut une perversion ordinaire généralisée. Comme nous l’avons vu, ce contexte rend plus compliquée le travail de subjectivation à l’œuvre lors du passage adolescent et de surcroît, comme le dit JMF : « certaines formes de mises en acte témoignent du défaut de prise en compte de sa subjectivité par les autres qui l’entourent ».

 

Ces actes d’adolescents, JMF les appelle donc des mises en acte. Il prend soin de distinguer l’acte des mises en acte.   Ainsi, il rappelle qu’ « un acte, s’il est véritable, est un pas, un franchissement qui engage le sujet dans une affirmation, une orientation, un choix » (p. 13), dans l’acte véritable dit-il encore, « le sujet engage un trait inconscient de lui-même. Il perçoit dans l’après-coup la conséquence de son acte, s’y retrouvant ou non. Ce trait de lui-même reste inconscient, sauf à l’élucider dans un travail psychanalytique » (p 44). Il y a 3 temps de l’acte : le temps d’incertitude (j’y vais, j’y vais pas), le temps de l’acte proprement dit et finalement le temps où le sujet se retrouve dans ses choix ou non. Dans le 3ème temps, le sujet est différent de ce qu’il était initialement.

 

Voilà qui est posé, un acte emporte avec lui la question de l’inconscient et celle du sujet. Pour que ce type d’ace puisse avoir lieu l’entourage de l’ado doit lui en laisser la possibilité quoiqu’il lui en coûte. C’est par exemple pour un ado le fait de se mettre au travail en vue d’exercer tel métier, qu’il s’agisse de poursuivre des études ou au contraire de les arrêter pour entrer dans la vie professionnelle. Le choix du  métier est souvent déterminé inconsciemment tout comme l’est celui de poursuivre ou pas des études. Pb aujourd’hui, cette dimension inconsciente est déniée, récusée et le choix du métier semble se réduire à ce qu’il faut choisir en fonction de critères objectifs et non plus subjectifs. Les parents se posent donc souvent en frein quant aux décisions des ados.

 

Voici l’exemple d’un choix amoureux incestueux (acte incestueux) qui relève d’actes qui engagent le sujet même si c’est à son insu. Cet ado français choisit une Daniela italienne comme 1ère petite amie, alors que Danielle est le prénom de sa mère dont il est très, trop, proche et ce d’autant plus qu’il porte un prénom très proche de celui de son père. Avec Daniela il ne  parle qu’italien comme si seule la langue faisait rempart à l’inceste. Puis il finit par épouser une Dioni brésilienne (dont la mère s’appelle Diva) avec qui il parle italien au début puis français et brésilien lors de la venue d’un 2ème enfant. Ce 2ème enfant sera psychotique (passé pas loin de l’autisme) alors que le 1ère enfant ne l’ai pas. Quand il a été conçu ils parlaient encore tous les deux dans une autre langue que leurs langues maternelles respectives.

 

Ce qui distingue les mises en acte des actes véritables selon JMF c’est qu’elles n’engagent pas le sujet. Elles sont souvent révélatrices des freins exercés par l’entourage ou des freins que l’ado rencontrent de son fait à lui. Pour JMF, « l’enjeu de ces mises en acte est toujours vital pour l’ado et marque le désarroi d’un sujet en mal de reconnaissance » (p. 8)

 

JMF identifie 4 types symptomatiques de mises en acte qui ne doivent en aucun cas être réduites à des troubles du comportement. Pour chacune, il en définit la logique, ce qu’elle révèle du rapport du sujet à l’Autre et il en déduit la façon de se positionner face à l’adolescent et à ses parents. Ces 4 mises en acte sont L’inhibition, l’opposition, l’acting out, le passage à l’acte. A ces mises en acte, il rajoute deux autres manifestations cliniques fréquentes de nos jours : le symptôme out, les perversités et la dépression. Qui sont autant de manifestations qui viennent dire l’élision du trait signifiant phallique.

 

1/ l’inhibition

 

Il s’agit là de s’abstenir de l’acte. A la suite de Freud, JMF rappelle que « l’inhibition d’une fonction témoigne de l’ érotisation dont elle est chargée dans l’imaginaire du sujet ». C’est une modalité qui va à l’encontre de ce qui se joue dans le social actuel qui pousse plutôt à la levée de l’inhibition mais que l’on rencontre encore chez les ados.

 

J’ai en tête cet adolescent que j’ai commencé à suivre alors qu’il avait 13 ans. Maximien souffrait de céphalées qui survenaient tous les matins avant de partir à l’école. Seules ces céphalées font symptôme pour la mère et pour lui. Maximien, qui fait plus âgé que son âge, se présente comme un jeune homme et un élève très sérieux, très sage, très raisonnable, très poli, il rit, sourit et parle  très peu et seulement de son travail scolaire et de ses résultats, il n’a pas d’amis, ne sort pas et ne s’accorde aucune distraction. Chez lui, c’est la fonction sociale qui était inhibée et cela a mis un certain temps à faire symptôme pour lui.  Tout au plus reconnaissait-il qu’il était un peu trop « stressé » par le travail scolaire auquel il accordait une grande importance. Il n’allait pas vers les autres car ces autres, notamment les filles, pouvaient susciter un désir chez lui et le pousser à « quitter » sa mère qui vit seule et recluse avec lui et vis à vis de qui il se positionnait comme celui qui devait racheter le père qui était parti alors que son fils était très jeune et qui avait laissé sa mère sans ressources ce qui l’obligeait à travailler beaucoup. Maximien se faisait un devoir de ne pas quitter sa mère et de s’en faire le protecteur, le consolateur et le confident. Il ne voulait la décevoir en aucun point ce qui incluait ses résultats scolaires puisque celle-ci est enseignante.

 

JMF indique que le danger quand l’ado s’abstient de l’acte c’est que l’entourage y réagisse soit par le forçage ce qui le fige un peu plus soit en se substituant à lui et en prenant à sa place des initiatives ce qui peut générer des réactions violentes de l’adolescent. Il faudra donc rencontrer les parents pour éviter cela. Dans cette occurrence, il recommande de solliciter l’ado de manière active en l’interrogeant sur lui-même, sur ses projets, ses embarras et sur ses liens aux autres. Le but étant qu’il prenne une position de sujet. Maximilien a aujourd’hui plus de 15 ans, il m’a fallu effectivement mouiller mes chemises pour stimuler Maximien et pour qu’il consente à laisser se manifester son désir.  Cela n’ a pu se faire non plus sans rencontrer périodiquement la mère afin qu’elle puisse devant Maxime prendre sa part de responsabilité tout en étant assurée de mon estime et du respect que j’ai de sa position en tant que mère. Par ailleurs, je l’ai enjointe à laisser Maxime prendre seul ses décisions en pointant à l’occasion qu’elle disait toujours « on » quand elle parlait de Maxime et en l’assurant de ma confiance dans la capacité de Maxime à se déterminer car elle se substituait beaucoup à lui.

 

Donc dans l’inhibition, le sujet est en retrait d’une manifestation inconsciente.

 

2/ l’opposition

 

C’est une mise en acte qui consiste à « faire obstacle à…. Objection à », cela se produit quand l’adolescent est pris dans une impasse imaginaire en lien avec la constitution de son narcissisme. L’opposition revêt ainsi une consistance paranoïaque. « L’opposition révèle le refus de l’ado de se plier à l’exigence d’un autre dont il suppose qu’elle vise à le réduire à l’identique ». En d’autres termes, l’opposition est l’indice que l’adolescent « souffre d’être l’objet de l’autre ». C’est souvent le cas quand l’adulte en charge de l’adolescent s’en tient exclusivement à de l’éducatif ce qui élude la subjectivité de l’ado. (éducatif : exige une reproduction à l’identique de la prestance imaginaire de l’autre).

 

Je pense à cette jeune fille de moins de 15 ans qui arrive aux urgences pour une TS médicamenteuse faite à l’école pendant la classe. Ce n’est pas du tout sérieux sur le plan médical fort heureusement mais à y regarder de plus près c’est beaucoup plus embêtant sur ce que ça emporte psychiquement. La veille, elle avait pris des médicaments dans la pharmacie de sa mère qui l’avait vu faire, et qui dans un registre strictement éducatif l’en avait empêchée en lui disant que c’était interdit de prendre des médicaments sans autorisation (sic !) sans l’interroger sur le pourquoi de cet acte. Dès que sa mère a tourné le dos, l’ado est allée prendre les médicaments et les a ingérés le lendemain en classe devant les copines. En fait, cette jeune fille venait de vivre une rupture douloureuse avec son petit ami. Bien sûr ses parents n’étaient pas au courant de cette relation car ils considéraient que leur fille était trop jeune pour cela aussi il lui avait été impossible de leur en parler. Toujours dans un souci éducatif, ses parents lui interdisait aussi de « chatter » sur internet avec ses copines qui étaient selon elle les seules à pouvoir la comprendre et la consoler de ce chagrin.

 

Cette jeune fille se défendait à son détriment d’être porteuse des rêves de ses parents en étant une petite fille selon leur modèle à eux. On peut considérer que la relation amoureuse  puis le fait de prendre des médicaments dans la pharmacie devant la mère sont du registre de l’opposition en réponse au positionnement très éducatif de ses parents qui élude sa subjectivité de jeune fille moderne. Quant à l’ingestion de médicaments en public elle est à considérer comme une surenchère en lien avec la surdité des parents qui relève de l’acting out ou un symptôme out dont nous allons parler ensuite.  Pour stopper cette surenchère et éviter que cela vire au passage à l’acte, il fallait resubjectiver cette jeune fille et faire bouger les parents pour que cesse la logique mortifère à l’œuvre sous couvert de bonne éducation. J’ai donc choisi d’écouter cette jeune fille en tout premier lieu. Après m’avoir exposé la situation, elle m’a dit qu’elle n’avait pas voulu mourir mais se soulager de sa peine. Tout le travail a consisté à ce que le dialogue se renoue entre elle et ses parents. Une fois qu’elle y a consenti, j’ai parlé longuement aux parents qui hésitaient entre l’incompréhension et la colère. JMF recommande une rencontre initiale avec eux pour désamorcer l’impasse dans laquelle se trouve pris l’ado et ses parents puis des rencontres répétées avec les parents et des entretiens individuels avec l’ado.

 

Donc dans l’opposition, le sujet s’étaye sur les initiatives de l’autre et non en fonction de son désir.

 

3/ l’acting out

 

Tout de suite un cas clinique emprunté à JMF : C’est l’ado qui va voler le haschich de son père après que celui ci l’ait amené consulter le psy pour un échec scolaire et une inhibition. Il dévoile ainsi l’économie de jouissance du père (haschich = recours à la parole en défaut + défaillance symbolique du père). Là la mise en scène = vol à l’égard de son père.

 

JMF définit cette mise en acte comme une  mise en scène « d’un trait de son identité » dont l’ado ne veut rien savoir et dont il lui est impossible de dire quoique ce soit. C’est donc la mise en scène « d’une parole  récusée » et dans ce sens, il  y a récusation de la portée symbolique de l’acte et cette récusation se rapproche d’un déni, elle témoigne d’un clivage et non d’un refoulement (je sais bien mais quand même). Dans notre société actuelle, la subjectivité en souffrance se manifeste souvent sous cette forme du fait de la structure de l’acting out qui est affine à celle qui organise nos liens sociaux dans sa dimension de récusation de la portée symbolique pour privilégier la dimension pulsionnelle de l’objet (perversion généralisée). Par ailleurs, les interlocuteurs ont de plus en plus de mal à occuper une position symbolique.

 

Dans l’acting out, qui dit mise en scène dit spectateur, il s’agit là d’un spectateur réduit à un regard et attendu comme une instance symbolique nous dit JMF. Mais du fait de la récusation de la portée symbolique, le spectateur ne peut rien dire de ce qu’il voit sinon il risque de précipiter l’ado dans le passage à l’acte. Quand un ado se manifeste dans ce qui est un acting out, il y a toujours à supposer que celui à qui il s’adresse est défaillant dans sa structure ou dans sa fonction symbolique (Dans la cure, quand le patient fait un acting out, il faut chercher l’erreur de l’analyste mais c’est dans 1 registre différent : dans la cure il s’agit d’une  mise en scène de ce que l’analyste n’a pas entendu). Du côté de l’ado, cela vient dire à quel point chez les ados la frontière entre l’autre et l’Autre est fragile. La subjectivité de l’ado vient emprunter à l’assise symbolique des petits autres pour s’affirmer. Cela dénote un défaut du rapport du sujet à l’Autre comme c’est le cas dans le monde actuel. Donc la mise en scène de l’acting out s’adresse à une instance Autre et non à un semblable mais par le biais du regard ce qui l’imaginarise. La question de l’acting out pose aussi la question du transfert : il ne faudra pas interpréter ou décoder cette mise en acte avant la mise en place du transfert. Quand les proches saisissent le sens de la mise en scène et tentent de réparer cela peut précipiter l’ado dans le passage à l’acte ou l’acte suicidaire. C’est aussi pourquoi la mise en place du transfert  passe parfois par l’entourage et qu’il faudra l’inclure dans la prise en charge.

 

Donc l’acting out, « articule le trait inconscient de l’objet dont le sujet ne veut rien savoir, à la mise en scène du trait de sa division, alors qu’il ne peut y trouver une légitimité pour sa parole ».

 

JMF recommande à la fois un travail individuel et des rencontres répétées avec les parents afin de préserver l’ado des propres mises en acte des parents (forçage symbolique : ex, dire que leur séparation n’en est pas une, dire que l’enfant est pris en otage ou passé à la trappe etc). Quand l’ado parvient à compter sur lui même, les entretiens avec les parents ne sont plus  nécessaires.

 

3/ le passage à l’acte

 

Dans cette mise en acte, « le sujet s’éjecte d’une place qui lui est insupportable, où sa qualité de sujet, la liberté qu’il puisse engager une parole, ne lui est pas possible ». Je vous renvoie au cas de cette jeune fille qui a commencé par une mise en acte d’opposition et a fini par un passage à l’acte.

 

Ce genre de situation où la parole n’est plus possible est fort courante notamment quand « les parents confondent l’ado avec l’objet de leur jouissance, (quand) ce dernier présentifie un tel objet ». (p34). Le passage à l’acte est soit la conséquence logique d’une série d’acting out, soit résulte du désespoir de se trouver identifié au réel de l’objet, soit le fait d’un sujet pervers qui suscite ainsi l’angoisse du petit autre mis en place d’instance Autre, soit le fait de toxicomanes en lieu et place de répétition.

 

Exemple clinique : C’est un ado de 17 ans qui s’est pendu. Ses parents sont des « nolife » du commerce. Plus particulièrement le père qui du coup ne fait pas de place à sa femme en tant que cause de son désir. L’objet de  la jouissance du père est son commerce et la reconnaissance sociale que pourrait lui valoir une réussite financière. Du coup sa femme ne peut que travailler avec lui et pour lui, ce qui fait que leur lien est fondé sur un trait positivé : le commerce, l’argent, la reconnaissance sociale. Donc pas de différence de places sexuées dans ce couple qui fonctionne à l’économie de jouissance. Ce passage à l’acte fait suite à une mise en acte qui relève de l’acting out : il tente de rencontrer des filles par le biais d’internet, il y dévoile des photos de lui nu (aménagement pervers de sa sexualité en réponse à la perversité du couple parental) et découvre avec effroi que celle a qui étaient adressées ces photos est en fait un homme qui va faire circuler les photos sur la toile. Mise en scène du défaut de recours à la parole de la tonalité perverse de la jouissance parentale. Les parents et l’ado vont déposer une plainte mais faute de temps les parents ne changent rien à leur emploi du temps et à leur mode de fonctionnement de couple et rien n’est proposé à cet ado comme prise en charge afin qu’il puisse avoir un recours à la parole. Son passage à l’acte est la mise en scène de la modalité « nolife » de ses parents (ils sont eux mêmes morts au désir) en venant présentifier dans le réel la perte de jouissance qu’ils récusent.

 

Donc le passage à l’acte, « marque le désarroi extrême du sujet quand l’autre ne lui ménage aucune place ni aucune possibilité d’exister ».

 

JMF recommande un travail avec les parents notamment quand ils sont dans une économie de groupe. Et l’ado doit être adressé ailleurs.

 

4/ le symptôme out

 

C’est une structure proche de l’acting out, c’est un symptôme dont le sujet n’assume pas le réel de la douleur. C’est donc l’indice d’un symptôme qui a du mal à se structurer. C’est par exemple une dépression récusée : l’ado maintiendra mordicus qu’il va bien alors même que toutes les manifestations de la dépression sont là et ses effets : par exemple l’échec scolaire comme mise en scène d’une dépression récusée. Dans la symptôme out, la mise en scène porte sur un trait imaginaire et non pas réel comme dans l’acting out. C’est une mise en scène de l’objet de la perte en lien avec la défaillance symbolique.

 

5/ perversités

 

JMF parle de perversités car cela ne relève pas d’une structure perverse. Le pervers, c’est celui pour qui le désir et la loi sont confondus : « ce que je veux, je le prends ». Alors que quand JMF parle de perversité, il parle de manifestations qui sont l’effet du discours pervers ambiant sur l’ado. Et ce du fait que l’ado se laisse marquer par l’économie psychique de ceux qui l’entourent au point d’adopter leur aménagement pervers. Sur le plan clinique, cette adoption consiste à épouser la logique à dénoncer pour exprimer sa souffrance (identification au symptôme ? comme on parle d’identification à l’agresseur ?). C’est quand par exemple, le sujet se dit homosexuel pour dénoncer l’homosexualité du couple parental.

 

Dans notre monde actuel, l’objet de désir semble être accessible notamment à travers la consommation avec du coup une sorte de garantie de la satisfaction (je veux, je prends) du coup cela n’est pas sans effet dans les relations de couple : homme et femme sont des partenaires dans des positions identiques alternant entre consommateur ou objet de consommation, ce qui abolie la différence des sexes. S’instaure alors un rapport homosexué fondé sur un trait positivé : l’argent, la profession, le logement etc. JMF parle alors de couples-groupe (groupe car le couple se retrouve réuni à partir d’un trait positivé). Dans ces couples-groupe, l’enfant peut venir fixer le couple dans la perversion quand il en vient à représenter pour eux l’objet positivé, l’objet de jouissance (il ne représente plus le phallus symbolique, l’objet du désir). Ce qui fait que l’enfant puis l’ado vient présentifier le lien des parents, la perte qui est la visée de leur déni. Cette situation pousse l’ado à des passages à l’acte : « le sujet se précipite hors de  la scène où il est réduit à un statut d’objet » et à toutes les mises en acte dont nous venons de parler mais il est aussi exposé à des récusations et à des violences de tous ordres de la part de ses parents.

 

Dans ce contexte, il y a étouffement de la problématique névrotique de l’ado du fait d’une carence de l’articulation au signifiant phallique.

 

6/ la dépression

 

Dans la dépression, le sujet reste en retrait d’un engagement de sa subjectivité pou éluder la prise en compte d’un perte et d’un travail de deuil (comme dans le social où la perte est déniée).

 

JMF recommande un travail individuel. Mais si dépression est l’effet d’un aménagement pervers du couple parental : intervention auprès des parents (ex : vraie fausse séparation lors d’un divorce)

 

JMF souligne la particularité du transfert avec l’ado : l’acting out et le symptôme out, sont des mises en acte sont à considérer comme des « appels au transfert » selon une expression de Lacan. Il faudra laisser le temps qu’un symptôme se constitue.  Le psychanalyste doit lire « pour lui «  et « pour plus tard » le trait inconscient que l’ado montre de lui même.


  • [1] Geek : Un geek est une personne passionnée, voire obsédée, par un domaine précis. À l’origine, en anglais le terme signifiait « fada », soit une variation argotique de « fou ». D’abord péjoratif — son homographe désigne un clown de carnaval — il est maintenant revendiqué par certaines personnes.
  • Nerd : Un nerd, est un terme anglais désignant une personne à la fois socialement handicapée et passionnée par des sujets liés à la science et aux techniques. Le terme de nerd est devenu plutôt péjoratif, à la différence de geek. En effet, comparé à un geek, un nerd est plus asocial, et plus polarisé sur ses centres d’intérêts, auxquels il consacre plus de temps.
  • Nolife : le terme no-life ou sans vie en français, désigne un joueur de jeu vidéo qui consacre une très grande part, si ce n’est l’exclusivité de son temps à pratiquer sa passion au détriment d’autres activités, affectant ainsi ses relations sociales.