Séminaire de Préparation du Séminaire d’hiver 2016, La technique psychanalytique de Freud 2/3

Rafaëlle Rolain et Lucille Lignée : Préparation du séminaire d’hiver Séance 2

Introduction

Le mois dernier nous avons travaillé sur comment Freud de façon concomitante organise la découverte de l’inconscient avec l’organisation de la cure.

Nous avions vu comment le changement de technique reposait sur l’idée maîtresse qu’il ne fallait pas passer outre la résistance mais au contraire apprendre d’elle.

Aujourd’hui nous allons travailler sur ce que le cadre met à jour : le transfert qui devient la voie royale de l’inconscient mais aussi son plus grand obstacle, la plus grande résistance à l’analyse. Le transfert est à la fois l’effet produit par la situation analytique et son créateur car finalement l’analyse ne commence qu’avec le transfert, il est aussi indicateur des mouvements pulsionnels du sujet. Le transfert est donc un détour incontournable pour atteindre l’inconscient.

Ce qui est révolutionnaire avec la question du transfert c’est l’idée de fausse reconnaissance, car Freud accepte là une idée qui va à l’encontre des hypnotiseurs ou autres maitres-guérisseurs. Freud postule d’emblée l’existence d’un décalage, il soigne parce qu’on le prend pour quelqu’un d’autre, pas pour le médecin qu’il est.

Petit rappel sur l’évolution du concept de transfert

Le transfert = se rappeler sans s’en souvenir, traduction en acte du discours

1888: le transfert = déplacement du symptôme d’une partie du corps sur une autre partie (conversion)

1895 : Etudes sur l’hystérie :

Le transfert est gênant il vient perturber l’analyse du matériel car il vient à la place des associations et réminiscences, c’est une erreur sur la personne, une répétition de ce qui a produit le refoulement et qui fait retour. Le transfert est comme un symptôme auquel il se substitue, c’est un parasite

1900 : La science des rêves :

Le récit du rêve se constitue à partir de restes diurnes sans importance vidés de leurs significations, utilisés par le désir infantile pour réaliser une satisfaction hallucinatoire, les souvenirs préconscients sont utilisés pour mettre en scène l’inconscient. La situation analytique est comme les restes diurnes permettant l’expression de la mémoire inconsciente. L’analysant s’empare d’un petit détail ou du psy pour transférer ce capital infantile du désir. En soi la pensée n’est qu’un substitut du désir hallucinatoire. Le transfert est alors un déplacement du désir de l’inconscient vers le préconscient.

1905 : « Cinq psychanalyses : fragment d’une analyse d’hystérie, Dora » Freud souligne :

«  Que sont ces transferts ? Ce sont des réimpressions, des copies, des motions et des fantasmes qui doivent être éveillés et rendus conscients à mesure des progrès de l’analyse ; ce qui est caractéristique de leur espèce c’est la substitution de la personne du médecin à une personne antérieurement connue ».

1909 : le transfert est l’heuristique obligée de l’analyse et de l’analyste, c’est le moteur de la cure et l’on ne peut retrouver l’infantile que par la manifestation du transfert.

Freud va faire du transfert la voie d’accès principale à l’infantile. C’est un processus par lequel l’inconscient peut se manifester, la division du psychisme fait que les éléments inconscients ne peuvent se manifester que par le biais de pensées préconscientes-conscientes auxquelles ils s’attachent et transfèrent leur intensité d’affect. Il y a la possibilité de transférer sur des pensées conscientes la force des représentations inconscientes refoulées. C’est pourquoi nous faisons sans cesse des choses pour lesquelles nous nous donnons des bonnes raisons de le faire mais ces raisons sont en fait la couverture pour des motifs psychiques inconscients.

LA DYNAMIQUE DU TRANSFERT 1912

Le transfert se produit inévitablement au cours du traitement.

Pourquoi ? Parce que la façon d’aimer et d’être au monde de chaque sujet est singulière en « fonction de ses prédispositions naturelles » (Freud rassure ici les biologistes qui prêchent pour l’inné de la personnalité) « et des faits survenus dans son enfance ce qui produit des clichés qui se répètent plusieurs fois dans sa vie ». Le transfert est un fragment de répétition du passé oublié. Le transfert est libidinal et affectif qu’il soit « le ressort le plus solide » de l’analyse ou « son plus grand obstacle ». Freud introduit un transfert pulsionnel, qui est comme le symptôme et la névrose un moyen de satisfaction pulsionnelle. C’est dans le texte « Remémoration, répétition, perlaboration » que Freud emploiera le terme de névrose de transfert, donc nous n’en parlerons pas aujourd’hui.

La constitution de la vie amoureuse

La libido consciente :

  • une partie des émois parvient à son plein développement psychique

  • cette partie tient compte de la réalité

  • ceux sont des éléments conscients dont la personnalité peut disposer

La libido inconsciente :

  • une partie de la libido a subi un arrêt du développement

  • cette partie est maintenue éloignée de la personnalité consciente

  • elle apparaît dans les fantasmes ou reste enfouie dans l’inconscient

Quand le malade est insatisfait, les deux libidos vont se jeter sur un nouvel objet : le médecin,

le patient intègre le médecin dans une série psychique le patient reporte sur l’analyste ses relations avec père et mère, c’est la reconduction d’un mode de satisfaction libidinale

  • en priorité l’imago paternelle sera le maître étalon mais le transfert peut se faire sur tous les prototypes (maternel, fraternel…) – peu importe si le psy est homme, femme, vieux, jeune – Si l’analyste respecte d’être à cette place de page blanche, de miroir, d’écran vierge alors les identifications successives peuvent apparaître

  • mais la particularité du transfert : il « dépasse par son caractère et son intensité ce qui serait normal et rationnel car il est du à des éléments conscients et inconscients »

Ici Freud propose une définition dynamique du transfert : le psychanalyste se sert d’une disponibilité d’énergie libidinale qui tend à se transférer sur des objets extérieurs.

Questions de Freud :

A-pourquoi les névrosés développent un transfert plus intense que les autres ?

le transfert n’est pas plus fort dans l’analyse : il n’est pas dû à l’analyse mais à la névrose qui repose sur le fait que des pulsions libidinales ont été refoulées dans l’inconscient, le conflit se situe entre le moi et la libido.

Extrait de la conférence 27 des « Conférences d’introduction à la psychanalyse » : « Quiconque a pris par le travail analytique l’entière mesure du fait du transfert ne peut plus douter du type des motions réprimées qui trouvent à s’exprimer dans les symptômes de ces névroses et ne réclame aucune preuve plus puissante de leur nature libidinale. Nous pouvons dire que notre conviction quant au fait que les symptômes ont la signification de satisfactions libidinales de substitution n’a été définitivement assise que du jour où nous avons pris en compte le transfert ».

Cette aptitude au transfert, c’est-à-dire à l’investissement libidinal d’un objet est une caractéristique normale de la vie psychique, elle est seulement amplifiée par la névrose et la situation analytique. L’être humain est un être suggestible, en cela le transfert positif avec l’analyste s’inscrit dans l’ordre de la suggestion.

Freud s’intéresse aux autres pathologies et il se demande même si le transfert est possible auprès de ses patients narcissiques où la libido reste repliée sur le moi sans investir d’objet extérieur.

Toujours dans la conférence 27, Freud confirme la difficulté du travail avec les patients narcissiques qui sont indifférents au médecin : «  ce qu’il dit les laisse froid, ne leur fait aucune impression… ils restent comme ils sont …nous n’y pouvons rien changer ». C’est ce constat qui poussera Freud à distinguer les névroses de transfert et les névroses narcissiques.

Lacan poursuivra ce chemin du travail autour de ces patients dans « question préliminaire à tout traitement possible de la psychose »

B-pourquoi le transfert qui est le plus efficace des facteurs de la réussite, oppose-t-il au traitement la plus forte résistance ? Pourquoi le transfert devient dans l’analyse une résistance ?

On pourrait dire que c’est par sa nature pulsionnelle que le transfert convoque la résistance. Le malade tient au transfert comme à sa névrose, comme une substitution de jouissance pulsionnelle, il aime son analyste comme sa névrose elle-même.

La régression de la libido : chez le névrosé on constate une diminution de la libido consciente (tournée vers la réalité) au profit de celle inconsciente. L’extérieur n’est pas satisfaisant, beaucoup de frustration favorise cette régression. Le travail analytique fait le chemin inverse et tente de ramener cette libido inconsciente vers la conscience pour la soumettre à la réalité.

Freud dira dans la 28ème conférence d’introduction à la psychanalyse en 1915 que la dynamique de la cure repose sur le fait suivant : «  nous interceptons toute la libido qui s’était soustraite à la domination du moi, en en attirant sur nous, par l’intermédiaire du transfert, une partie »

Mais toutes les forces qui ont provoqué la régression se muent en résistances contre nos efforts pour maintenir cet état, cette solution trouvée par le sujet. En fait il y a deux mécanismes en action, une réalité extérieure décevante qui libère de la libido et un noyau inconscient attractif (complexes infantiles) qui ramène à lui la libido libérée. L’analyse vise à diminuer l’attraction de l’inconscient en levant le refoulement des pulsions inconscientes. Tout le travail analytique sera marqué par cette résistance qui produit alors des formations de compromis entre désir de guérir et opposition. Le transfert sera le champ de bataille où le patient va lutter entre continuer à jouir de son symptôme dans la répétition ou en assumer quelque chose.

« Toutes les fois qu’on s’approche d’un complexe pathogène (peu importe si c’est vraiment un noyau important), c’est d’abord la partie du complexe pouvant devenir transfert (pouvant être reportée sur le médecin) qui se trouve poussée vers le conscient justement parce qu’elle satisfait la résistance car le transfert provoque l’arrêt des associations ». Freud parle ici d’idée de transfert et de déformations par le transfert.

Plus la résistance est forte, plus le transfert est massif, intense et long

Pourquoi le transfert se prête si bien au jeu de la résistance ? Pourquoi cette déformation est-elle la plus avantageuse pour la résistance ?

Avec l’obligation de tout dire, le patient pris dans le transfert n’ose plus parler de son amour pour le médecin, il s’arrête de parler. Mais ce n’est pas suffisant pour comprendre car ce pourrait aussi faire l’effet inverse et faciliter la confession.

Les deux types de transfert :

Le transfert négatif : Freud évoque peu le transfert négatif mais il nous invite à travailler cet aspect du transfert.

Le transfert positif : conscient il s’agit de sentiments amicaux banals mais leurs origines inconscientes sont sexuelles, car il n’y a que des objets sexuels dans l’inconscient.

« le transfert sur la personne de l’analyste ne joue le rôle de résistance que dans la mesure où il est un transfert négatif ou bien un transfert positif composé d’éléments érotiques refoulés. »

Ainsi le transfert positif agit comme suggestion et profite au travail analytique puisqu’il place le malade sous l’autorité du médecin, cet amour transférentiel est ce qui servira de levier pour surmonter la résistance au traitement soit la jouissance de son symptôme. Reginald blanchet («transfert et contre transfert ») : « Freud joue donc l’amour contre la jouissance. Lacan (séminaire de « L’angoisse ») soutiendra de même que seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir. Mais l’amour pour Lacan n’est qu’une partie du chemin pour arriver à désengluer le désir pris dans le symptôme ».

Freud conscient de ce point commun du transfert avec l’hypnose souligne « Ceci rappelle la suggestion mais dans une définition différente. La suggestion est l’influence exercée sur un sujet au moyen de phénomènes de transferts qu’il est capable de produire nous sauvegardons l’indépendance finale du patient en n’utilisant la suggestion que pour lui faire accomplir le travail psychique qui l’amènera à améliorer durablement sa condition psychique »

Le travail analytique est d’analyser le transfert et de le liquider « lorsque nous liquidons le transfert en le rendant conscient nous écartons simplement de la personne du médecin ces deux composantes de la relation affective (transfert négatif et éléments érotiques refoulés) »

C’est quoi analyser le transfert et le liquider ? Est ce vouloir guérir le patient de ses illusions ? C’est à l’initiative de l’analyste. Alors que faire chuter le SSS, « désupposer » l’Autre du savoir c’est du côté du patient.

Pierre-Henri Castel donne dans sa leçon « amour et sexe 4ème séance » (Séminaire de psychanalyse à Sainte-Anne – Année 2007-2008), une vision qui m’a un peu parlé : « L’’interprétation du transfert ne peut être que fausse. Pourquoi ? Parce qu’au moment où vous faites l’interprétation du transfert vous renvoyez le patient à son imaginaire de l’Autre, à ce qu’il a cru capter de sa relation à autrui. Et vous le lui retournez. Faisant cela vous oubliez que la structure même de la parole fait que c’est toujours déjà dépassé à un Autre plus abstrait, qui est là-bas derrière. Par conséquent cette interprétation du transfert dans le hic et nunc entre en conflit avec le fait qu’on ne peut pas aller jusqu’au bout d’un processus analytique et prêter une valeur mutative à l’interprétation de transfert parce qu’elle n’est que modification des images que le patient se fait de l’analyste, cette modification des images le laissant toujours au fond dans une capture imaginaire reconduite au niveau supérieur et par rapport à ce qu’il se figure de l’Autre. Là il y a peut être possibilité d’ouvrir une perspective sur l’abstention lacanienne à l’égard de l’interprétation du transfert »

Freud ne limite pas le transfert à la cure analytique il évoque les deux types de transfert dans les institutions où c’est souvent un transfert négatif qui est mis à jour et qui provoque l’arrêt du traitement par expulsion du patient, le transfert positif est souvent peu parlé.

L’ambivalence pulsionnelle  à l’origine de la couleur du transfert

Transfert positif et négatif travaillent ensemble, sur le même objet qu’est le médecin, cette ambivalence normale est dans la névrose décuplée. En particulier dans la névrose obsessionnelle. Dans la paranoïa il n’y a plus de possibilité d’ambivalence reste seul le transfert négatif qui empêche toute guérison. Ainsi quand le transfert est trop haineux ou trop érotisé il devient difficilement maniable.

Peut-être Freud commence à évoquer cette question du transfert négatif car il s’est confronté à l’homme aux rats (N.Obs) (Cf. l’article de Jacques Natanson « évolution du concept de transfert chez Freud », dans les notes de Freud qui ont été publiées après), et à l’homme aux loups (psychose), c’est quand même dans le champ des psychoses que le transfert négatif apparaît le plus souvent. Mais Freud l’entend du côté de l’ambivalence pulsionnelle : pulsion agressive et pulsion érotiques.

Si Lacan en parle en tout début de sa recherche en 1948 « l’agressivité en psychanalyse », où il évoque la réactivation de l’agressivité dans les névroses, en particulier la névrose obsessionnelle et la difficulté de son maniement car elle est du registre narcissique imaginaire et peut nous enfermer dans cet axe. Mais Lacan mettra de côté le transfert négatif par la suite en travaillant le transfert du côté de l’amour et du SSS, il l’englobera dans le concept d’hainamoration où haine et amour sont synchroniques révélant ainsi l’articulation de l’imaginaire et du symbolique.

Même si haine et agressivité sont à distinguer cette question du transfert négatif, qu’il s’agisse de l’agressivité verbale ou des ruptures d’analyse ou de l’agressivité dont la psychanalyse est l’objet aujourd’hui, (souvent par ceux là même qui ont fait une analyse), pourrait-on en apprendre quelque chose  sur l’intérêt du maniement du transfert négatif et de son analyse? Est-ce que le transfert négatif fait partie du développement de tout transfert (au début pour qu’une demande puisse se construire ainsi qu’à la fin de l’analyse pour se séparer ?)

Conséquences sur le travail analytique :

Le patient pris dans l’intensité du transfert enfreint la règle fondamentale, et n’est plus réceptif aux interprétations du médecin, il s’en fout. C’est le signe que le transfert est bien là. → cette lutte contre les résistance se joue exclusivement dans les phénomènes de transfert

Transfert et rêves : des formations de l’inconscient :

En cela le transfert c’est répéter Comme dans les rêves, dans le transfert les émois inconscients tendent à échapper à la remémoration voulue par le traitement mais cherchent à se reproduire suivant le mépris du temps et la faculté d’hallucination propre à l’inconscient. Pour ne pas avoir à se souvenir, le patient attribue à ce qui résulte de ses émois inconscients oubliés et réveillés, un caractère d’actualité et de réalité. Il veut mettre en acte sans tenir compte de la réalité.

Le transfert est une autre façon de se rappeler qui ne se fait pas intrapsychiquement mais au dehors par le biais de ce tiers qu’est l’analyste. C’est la présence du passé dans la répétition et l’agir sans reconduction dans le passé. C’est à la fois une actualisation et un déplacement.

Le médecin vise à ce que le patient intègre ces émois amoureux secrets et oubliés dans le traitement et dans l’histoire de sa vie, à les soumettre à la réflexion et à les apprécier selon leur valeur psychique. Il faut donc analyser le transfert.

Le transfert est un intermédiaire entre ce qui est inconscient et ce qui doit revenir, c’est un point d’ancrage qui permet que l’idée soit exprimée mais méconnaissable.

Freud ne reprend pas ici la question du contre-transfert il n’en parle pas dans ce texte comme si le contre-transfert était bien distinct du transfert et surtout comme s’il n’était pas un concept théorique.

Observations sur l’amour de transfert (1915)

Dans ce texte Freud est très attentif aux difficultés des praticiens avec l’amour de transfert, il prend cela très au sérieux car c’est pour lui le point central du travail analytique et c’est surtout ce qu’il entend auprès de ses collègues Ferenczi et Jung. Il ne considère pas cela comme une chimère de femme hystérique à la différence des autres mais reste cependant sur le risque d’un passage à l’acte sexuel. Alors qu’on peut aussi s’interroger sur les autres formes où l’analyste répond à la séduction par la séduction en dehors de la génitalité.

On pourrait dire que l’amour de transfert devient résistance quand il est trop érotisé.

Le seul obstacle sérieux est le maniement du transfert.

Si Freud évoque l’amour de transfert c’est qu’il est récurrent dans les cures analytiques, et il pense même que le fait d’avoir évacué longtemps cette question (de par la gêne qu’elle occasionne) est ce qui a entravé le développement de la thérapie analytique. « Cette situation comporte des côtés pénibles et comiques et des côtés sérieux ; elle est si complexe, si inévitable si difficile à liquider que son étude est depuis longtemps devenue une nécessité vitale pour la technique psychanalytique ».

Tout ce qui entrave la continuation du traitement est une manifestation de la résistance en cela l’amour de transfert est la plus massive des résistances et la plus intéressante.

Constat :

Quand il y a amour de transfert le malade :

  • ne parle plus que de son amour

  • demande la réciprocité

  • renonce à ses symptômes ou les néglige

  • se déclare guéri

L’amour de transfert apparaît quand le patient va révéler une partie refoulée importante

L’amour existait avant et c’est pourquoi le malade se soumettait au traitement, mais maintenant il l’utilise contre le travail analytique et la levée du refoulement.

L’amour de transfert a donc deux faces :

Etat amoureux = effort de la patiente pour être irrésistible et briser l’autorité du médecin et obtenir des satisfactions

Résistance : elle se sert de la déclaration d’amour pour mettre à l’épreuve l’austère analyste et agit comme un agent provocateur : elle intensifie l’amour de la patiente pour justifier l’action refoulement.

L’analyste :

il ne doit pas répondre à cet amour non pas pour une affaire de morale qui ordonnerait d’être champion de la pureté des mœurs mais pour des raisons techniques (Freud souligne qu’il ne cherche ni à faire plaisir à la clientèle ni à la morale, il veut faire avancer le traitement psychanalytique et en cela pour lui aussi toutes les difficultés que rencontre les psy sont des outils de réflexion et de mise au travail).

Répondre à l’amour de la patiente serait un triomphe pour la malade et un désastre pour le traitement car toutes les inhibitions et réactions pathologiques se répéteraient sans pouvoir les corriger. Cette relation amoureuse ne provoquerait que du remords et renforcerait seulement le refoulement

En répondant, la patiente aurait traduit en acte, reproduit dans la vie réelle ce dont elle aurait seulement du se ressouvenir et qu’il convient de maintenir sur le terrain psychique en tant que contenu mental.

Les relations amoureuses en général détruisent l’influence du traitement analytique

Le médecin ne doit pas faire semblant de partager les sentiments de la patiente pour patienter jusqu’à une accalmie car le processus thérapeutique repose sur la véracité ce qui origine son effet éducatif et éthique. « Celui qui s’est bien pénétré de la technique analytique n’est plus capable d’avoir recours au mensonge et artifices dont ne saurait se passer le médecin ordinaire ».

De plus comment demander au malade de tout dire si le thérapeute lui ment, ce serait « compromettre toute autorité en nous faisant surprendre en flagrant délit de mensonge »

Enfin sommes-nous sûrs de nos capacités à résister à l’amour de la patiente si on commence à jouer avec des sentiments tendres ?

Le médecin ne doit pas avoir peur, il ne doit pas imposer à la patiente de renoncer, d’étouffer sa pulsion car « tout se passerait comme si après avoir contraint un esprit à sortir des enfers nous n’y laissions ensuite redescendre sans l’avoir interrogé. Nous aurions ainsi ramené à la conscience les pulsions refoulées, pour dans notre effroi, en provoquer à nouveau le refoulement ». Ceci aura des conséquences lourdes puisque la patiente se sentira humiliée et voudra se venger. Il doit se servir de ce qui apparaît ce qui permet de ramener à la conscience les pulsions refoulées

Le travail de l’analyste :

Le psy doit maintenir le transfert tout en le traitant comme quelque chose d’irréel, comme une situation que l’on traverse forcément au cours du traitement et que l’on doit ramener à ses origines inconscientes de telle sorte qu’elle fasse resurgir dans le conscient tout ce qui de la vie amoureuse de la malade était resté secret. Il faut utiliser l’amour de transfert sans le satisfaire. Pour cela une seule attitude : ne pas se départir de l’indifférence que l’on avait conquise en tenant de court le contre-transfert

On pourrait dire que l’analyste doit se prêter au transfert, à cette confusion mais à ne pas y croire

« L’amour de transfert est le fondement de la théorie psychanalytique : pour le médecin il constitue un précieux enseignement et un avertissement salutaire d’avoir à se méfier du contre-transfert, il doit considérer que l’amour de transfert est déterminé par la situation analytique. Pour la patiente elle doit soit abandonner le traitement soit accepter comme destin inéluctable d’être amoureuse de son médecin »

Focus sur le contre transfert :

Ainsi, il ne faut pas croire à l’amour de la patiente qui est seulement un effet du transfert dû à la situation analytique = répondre à l’amour de transfert serait céder au contre-transfert

Freud a formalisé le transfert bien avant le contre transfert, le mot contre-transfert n’apparaît officiellement qu’en 1910 dans « Perspectives d’avenir de la thérapie analytique ». Mais Freud avait largement entendu ces situations chez ses disciples (Biswanger qui veut analyser sa femme, Jung qui tombe amoureux d’une patiente, Sabrina Spilrein qui deviendra psychanalyste et écrira « la destruction comme cause du devenir », Ferenczi avec Gizella qui deviendra son amie et sa fille Elma) et chez lui-même ( !) « moi-même je ne me suis, il est vrai, pas fait prendre ainsi mais j’en ai été plusieurs fois très près et j’ai eu a narrow escape …. » écrit-il dans une lettre à Jung du 7 juin1909. C’est toujours dans cette lettre à Jung que Freud utilise pour la première fois le mot contre-transfert « ces expérience nous aident à développer la peau épaisse dont nous avons besoin pour dominer le contre-transfert lequel constitue un problème permanent pour nous… » Et pourtant Freud lui-même averti, va aussi passer à l’acte en prenant sa fille Anna en analyse entre 1918 et 1922.

Il écrit dans son article de 1910 « d’autres innovations techniques intéressent la personne du médecin. Notre attention s’est portée sur le « contre-transfert » qui s’établit chez le médecin par suite de l’influence qu’exerce le patient sur les sentiments inconscients de son analyste. Nous sommes tout prêts d’exiger que le médecin reconnaisse et maîtrise en lui-même ce contre-transfert. …..nous remarquons que tout analyste ne peut mener à bien ses traitements qu’autant que ses propres complexes et ses résistances intérieures le lui permettent. C’est pourquoi nous exigeons qu’il commence par subir une analyse et qu’il ne cesse jamais, même quand il applique lui-même des traitements à autrui, d’approfondir celle-ci. Celui qui ne réussira pas à pratiquer une semblable auto-analyse fera bien de renoncer, sans hésitation à traiter analytiquement les malades ».

Freud avec cette observation du contre-transfert met en exergue la révolution psychanalytique : le médecin n’est pas hors la situation analytique il en fait partie, le psy est lui aussi influencé par son patient. Cependant pour Freud le contre transfert est un défaut, un phénomène qui empêcherait le travail analytique et que l’analyste doit corriger. Freud développe toutes ces questions dans son article « conseil aux médecins ». L’analyste n’a pas à participer aux émois affectifs du patient. Quand il parle de miroir, Freud indique bien que c’est par l’attention flottante dénuée de toute rumination intellectuelle. Quand Freud utilise la métaphore du récepteur téléphonique, il s’agit bien d’un instrument d’écoute, de décodage et de lecture et non un lieu d’impression directe de l’inconscient du patient.

La priorité de l’analyste est d’écouter librement le patient et pour cela il ne doit pas être pollué ni par son propre inconscient, ni par ses élaborations théoriques. Nous avions souligné la dernière fois que Freud parlé d’inconscient purifié. Pour neutraliser le contre-transfert, il indique à tous les psychanalystes l’obligation d’être analysé et d’être toujours en travail d’analyse. Aussi le contre-transfert n’apparaît pas comme un concept psychanalytique mais comme un résidu du travail non accompli de l’analyste.

A la différence les post-freudiens et surtout l’école anglaise des années 50 vont faire du contre-transfert de l’analyste un instrument majeur de la cure. Il est comme un radar émotionnel qui guide, indique l’inconscient et donc la cure du patient. Il s’agit ici d’une communication d’inconscient à inconscient. Mais surtout on suppose que l’inconscient de l’analyste permet de comprendre l’inconscient de son patient. Ici il y a une vision duelle de l’analyse, où l’analyste et l’analysé sont à la même place organisé par l’imaginaire. Finalement c’est l’analyste qui devient le centre du travail puisqu’il n’a de cesse d’analyser le transfert et le contre transfert : qu’est-ce que le patient à voulu me dire, qu’est-ce que je ressens ?

Lacan s’opposera à cette conception post freudienne du contre-transfert  et revient à une lecture plus orthodoxe : dans « intervention sur le transfert », le contre-transfert est plutôt l’insuffisance du psychanalyste, on se fout de l’inconscient et des problèmes privés de l’analyste dans le temps de la cure, cela relève du travail d’analyse du psychanalyste. En revanche Lacan va opérer des renversements : ce qui était nommé contre transfert par Freud était la conséquence du transfert, Lacan lui dit que le psychanalyste est la cause du transfert, c’est parce que l’analysant se demande « qu’est ce qu’il me veut ? ». Il n’y a plus de transfert qui s’opposerait à un contre-transfert mais un transfert où analysant et analyste sont convoqués ensemble dans leur désir respectif : désir de l’analyste qui est désir de rien et désir de l’analysant ;

Cette stricte diversité des places entre l’analyste et l’analysant, Lacan la dira souvent : l’analyste dans l’analyse n’est pas sujet.

La règle de l’ABSTINENCE :

Le médecin doit refuser à la patiente toute demande de satisfactions qu’elle lui adresse. Il faut laisser substituer chez le malade besoins et désir parce que ce sont là les forces motrices favorisant le travail et le changement. Mais on pourrait aussi dire que Freud indique aussi la règle d’abstinence chez le médecin qui doit s’abstenir de répondre aux demandes sexuelles et amoureuses de ses patientes. Enfin Freud pose déjà l’idée qu’en ne répondant pas à l’amour c’est le désir que l’analyste soutient.

Donc, plus l’analyste est sûr contre toute tentation, plus il arrive à extraire le contenu analytique

Pour la patiente le fait de ne pas supprimer le refoulement sexuel mais de le repousser à l’arrière plan la rassure et elle peut alors mettre à jour de tout le panel de ses désirs et fantasmes, ce qui lui permettra de retrouver les fondements infantiles de son amour.

Comment convaincre la patiente que l’amour de transfert est une résistance qui s’origine dans la situation analytique ? Freud articule les points suivants :

  • si elle était vraiment amoureuse elle se soumettrait à la règle par amour alors que là elle est obstinée, indocile

  • rien ne justifie cet amour dans la situation actuelle : c’est un ensemble de répliques, de clichés de certaines situations et des réactions infantiles

  • quand la patiente repère l’artifice de cet amour, le transfert s’apaise

  • alors on peut découvrir le choix objectal infantile et les fantasmes qui sont tissés autour de lui

Freud après nous avoir montré combien l’amour de transfert est un amour erroné, parasite, névrotique, un faux nouage, revient quand même sur la question : est ce que l’amour de transfert est un vrai amour ou un faux amour ? Et force est de constater qu’il est bien difficile de distinguer l’amour de transfert de l’amour tout court…ce qui nous conduit à la vaste question du lien entre amour et vérité

Spécificité de l’amour de transfert, «  il a tout de l’amour véritable »mais

-il est provoqué par la situation analytique

-la résistance le domine et l’intensifie

-il est encore plus déraisonnable

On y voit clairement les modèles infantiles sinon rien ne le distingue de l’amour normal si c e n’est sa production dans un cadre spécifique : le transfert est une réédition des faits anciens : une édition revue et corrigée de l’infantile. L’amour est transfert.

Aussi ce qu’indique Freud aux analystes « ne pas se prendre pour celui à qui l’amour de transfert s’adresse » pourrait très bien se dire à toute personne qui est aimé.

La technique psychanalytique apprend à la patiente à vaincre le principe de plaisir à renoncer à la satisfaction immédiate en faveur d’une autre plus lointaine et moins certaine, celle de vivre mieux sa vie amoureuse et de gagner en liberté intérieure.

Oui, l’analyste doit manipuler des émois explosifs comme l’amour de transfert pour pouvoir guérir la malade. « De petites explosions de laboratoire ne pourront être évitées vu la nature de la matière avec laquelle nous travaillons », « Être calomnié et roussis au feu de l’amour avec lequel nous opérons, ce sont les risques du métier pour lesquels nous n’abandonnerons certainement pas le métier » dit Freud.

Cette question de l’amour, Freud la repère très bien comme importante, même s’il la traite dans son aspect le plus matériel (le génital). Freud avec les hystériques a très bien perçu cette demande d’être aimé qui est insatiable et donc impossible à liquider ?

Il faudra attendre Lacan pour tirer le fil de cette question de l’amour et lui donner toutes ses lettres de noblesse dans la psychanalyse où il sera question d’amour et plus encore de demande d’amour, demande d’être aimé. Lacan va reprendre cette question de l’amour et du transfert dans son travail sur le banquet. Le transfert est alors défini comme une métaphore de l’amour, «  au commencement de la psychanalyse est l’amour, l’analyse est un procès d’accès au désir qui passe par l’épreuve de l’amour ». Mais cela s’adresse au sujet supposé savoir, « celui à qui je suppose le savoir, je l’aime ».

Lacan va d’abord penser le transfert du côté de l’imaginaire, un phénomène d’imago, un changement de lieu d’une image passant d’une personne ancienne à l’analyste, il est trans-port d’image donc résistance à la vérité. Ensuite Lacan va identifier le transfert à l’acte de parole, un changement de lieu d’inscription symbolique, c’est une répétition symbolique qui appelle à nomination. En cela le transfert n’est pas un obstacle. C’est la complaisance de la langue qui fait coïncider l’actuel et l’infantile.

« L’analyste en tant que SSS ouvre un espace non pas de réinscription du passé mais de réinscriptions des signifiants du passé. Autrement dit ce que fait l’amour de transfert ce n’est pas me faire revivre des formes oubliées d’amour, c’est par amour me donner l’opportunité d’inscrire autrement les signifiants infantiles de mon existence ; de les mettre en batterie autrement et de la faire jouer et opérer dans un espace inouï ; dans un espace au futur… Je crois que l’amour comme supposition de savoir va à ce possible-là. Est-ce une définition profonde de l’amour de transfert, de dire que ça va à quelqu’un qui ouvre cette dimension d’une réinscription possible de la répétition des signifiants qui ont conditionné votre sexualité infantile ? Je dirais qu’il y a une manière de penser l’amour en général comme ça. Qu’est ce qui nous rend profondément amoureux envers tel ou telle ? C’est lorsque nous voyons chez cet être l’opportunité de jouer autrement les signifiants fondamentaux de la sexualité qui nous ont jusqu’ici marqués, que l’Autre se montre ouvert à une réinscription de ce qui se répète et qui ne cesse pas de s’écrire. C’est là qu’est possible une vraie sortie de l’infantilisme de la sexualité adulte. Non pas parce qu’on aurait élucidé en quoi c’est la sexualité infantile qui la conditionne mais parce qu’on pourrait faire jouer les composantes de la sexualité infantile d’une manière inouïe. » Pierre-Henri Castel « Amour et sexe, leçon du 16 janvier)

Séminaire de Préparation du Séminaire d’hiver 2016, La technique psychanalytique de Freud 1/3

Rafaëlle Rolain et Lucille Lignée : Préparation du séminaire d’hiver Séance 1

Dans le cadre de la préparation du séminaire d’hiver qui a eu lieu en janvier 2016 sur La technique psychanalytique de Freud, nous avons travaillé durant 3 séances (octobre, novembre et décembre) sur ces textes de Freud que nous avions regroupés de la façon suivante :

Lors de la 1ère séance, à partir des textes La méthode psychanalytique de Freud (1904), De la psychothérapie (1904), A propos de la psychanalyse sauvage (1910), Conseils aux médecins sur le traitement analytique (1912) et Le début du traitement (1913), nous avons abordé la question de la mise en place par Freud de la psychothérapie analytique et des premiers principes de sa technique. La 2ème séance a été plus spécifiquement centrée sur le transfert à partir des deux textes Sur la dynamique du transfert (1912) et remarques sur l’amour de transfert (1915). Enfin, nous avons consacré la 3ème séance au texte Répétition, remémoration et perlaboration (1914). Nous publions ici les trois textes qui nous ont servi de support de travail au cours de ces trois séances qui ont été ponctués d’échanges très fructueux avec les participants, échanges qui malheureusement ne se trouvent pas retranscrits.

Dans l’après-coup du séminaire d’hiver, une quatrième séance a eu lieu, à partir de nos notes, et de nos impressions, afin de rapporter aux participants de notre séminaire quelque chose des élaborations des intervenants au Séminaire à Paris. Nous publions donc également notre transcription de certaines de ces interventions que nous avons pu enregistrer.

 

Définition de la psychothérapie analytique

A partir des textes :

La méthode psychanalytique de Freud (1904)

De la psychothérapie (1904)

A propos de la psychanalyse sauvage (1910)

Conseils aux médecins sur le traitement analytique (1912)

Le début du traitement (1913)

Dans les « Etudes sur l’hystérie », on trouve cette remarque de Freud : « j’ai très souvent entendu mes malades m’objecter quand je leur promettais un secours par le procédé cathartique, « Mais vous dites vous-même que mon mal est en rapport avec les circonstances de ma vie, avec mon destin. Alors comment pourriez-vous m’aider ? » J’ai alors donné la réponse suivante « Certes il est hors de doute qu’il serait plus facile au destin qu’à moi-même de vous débarrasser de vos maux, mais vous pourrez vous convaincre d’une chose, c’est que vous trouverez grand avantage, en cas de réussite à transformer votre misère hystérique en malheur banal. Avec un psychisme redevenu sain vous serez plus capable de lutter contre ce dernier ».

On retrouve dans cette conclusion à la fois l’humilité de Freud, chercheur qui se remet en permanence en question, et sa force de conviction dans la puissance de la technique psychanalytique. Cette étrange enchevêtrement du doute (sur la technique, les concepts théoriques) et de certitude (sur le déterminisme inconscient), donne toute son originalité et sa vitalité au travail freudien que l’on retrouve tout autant dans la technique psychanalytique.

Si on peut lire ces textes comme un certain aboutissement de toutes les découvertes précédentes, nous devons aussi tenir compte du contexte du mouvement psychanalytique. De 1901 à 1914, le mouvement va à la fois croître internationalement et pourtant connaître de graves dissensions internes.

Freud à travers ces textes s’adresse tout à la fois au monde scientifique pour faire reconnaître la psychanalyse mais aussi à ses propres collaborateurs pour enrayer leurs dérives respectives.

En 1901 : c’est le premier regroupement de médecins pour apprendre et transmettre la psychanalyse, ça se passe chez Freud, il est entouré de Reitler et de Steckel (grave névrosé qui se fera soigner par Freud). O. Rank les rejoint. Le nom premier est « société psychologique du mercredi ».

En 1904 : de plus en plus d’élèves viennent à la société. Freud fait cet oubli sur l’Acropole « ainsi tout cela existe vraiment, comme nous l’avons appris à l’école » ce qui l’avait empêché de profiter pleinement de son voyage était la culpabilité d’avoir réussi mieux que son père. Car en effet en cette année 1904, Freud est rassuré dans sa réussite et dans le texte de « De la psychothérapie » on entend son contentement.

En 1908 : création de la société psychanalytique de Vienne.

Mais pour autant tous les gens qui le rejoignent sont d’une grande diversité, ceux sont surtout des gens qui croient en Freud et en ses intuitions. Il reconnaît que la formation de ces premiers psychanalystes n’est pas de grande qualité : « je n’osais pas imposer une technique encore inachevée et une théorie en continuelle formation avec cette autorité qui eut probablement épargné aux autres bien des erreurs et des déviations aujourd’hui définitives. La psychanalyse aurait du exiger une longue et sévère discipline, une éducation en vue d’une maîtrise de soi-même. A cause du courage qu’il fallait pour se dévouer à une cause frappée d’un tel interdit et ayant si peu d’avenir devant elle, j’inclinais à passer aux membres de l’Association bien des choses qui, autrement, m’eussent profondément choqué. » (Tome X œuvres complètes.)

Ses meilleurs élèves, ceux qu’il va soutenir corps et âme, particulièrement Jung (qui lui avait ouvert les portes de la Suisse et la reconnaissance de Bleuler), vont le décevoir car ils s’écartent des fondements de la psychanalyse que Freud les résumera dans le « Manuel de psychanalyse » en 1926 :

-l’existence de processus psychiques inconscients

-la théorie de la résistance et du refoulement

-l’appréciation du rôle de la sexualité et du complexe d’Œdipe

« [Ceux-ci] sont les principaux contenus de la psychanalyse et les fondements de sa théorie. Quiconque ne les accepte pas ne devrait pas se compter parmi les psychanalystes »

Adler, lui, évacue le problème de la sexualité dans la névrose pour donner la primauté aux problèmes organiques, il quitte la société psychanalytique de vienne en 1911

Jung désexualise l’inconscient individuel et le noie dans un inconscient collectif teinté de mysticisme et d’ésotérisme, il quitte la société en 1913 comme Steckel.

Rank évacue le complexe d’Œdipe pour résumer le drame humain à celui de la naissance.

Freud explique ces dissensions par les résistances inconscientes des premiers analystes, c’est ce qui le pousse à imposer une analyse didactique à tous les praticiens. Mais c’est aussi le fonctionnement paternaliste et autoritaire de Freud qui est sans doute en cause : la résistance était des deux côtés !

Ceci nous montre combien nous devons travailler les concepts de manière diachronique et synchronique. Comment on ne peut parler des concepts sans parler des patients et du psychanalyste. Comment on ne peut généraliser sans faire le détour par le singulier.

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DE LA PSYCHOTHERAPIE 1904

Freud est heureux de pouvoir affirmer que sa théorie sur l’hystérie et l’inconscient a fait consensus en particulier sur deux points :

Théorie du refoulement : les traumatismes psychiques provoquent une rétention d’affect que constitue le refoulement

Théorie de la conversion hystérique : le symptôme hystérique résulte d’un émoi transposé au somatique

En revanche la technique psychanalytique n’est pas vraiment observée elle est même critiquée. Freud tente alors d’expliquer en quoi sa technique est le seul moyen efficient pour atteindre l’inconscient. Il souhaite le démontrer scientifiquement car son objectif est bien de faire de la psychanalyse une science. ( l’on y reviendra plus loin)

Le médecin est au cœur du processus thérapeutique et cela depuis des millénaires par l’effet de la suggestion. Mais Freud pense que la suggestion, si elle permet de supprimer parfois les symptômes, n’est pas suffisante. C’est pourquoi il a choisi la méthode cathartique de Breuer qu’il appelle : psychothérapie analytique

Elle est pour lui la méthode la plus évoluée pour :

  • atteindre la couche la plus profonde du psychisme

  • permettre une modification plus durable

  • donner une meilleure connaissance du psychisme

1-la psychothérapie psychanalytique versus la catharsis : abandon de l’hypnose et de la suggestion

  • elle se sépare de l’hypnose et de la suggestion parce que ces deux techniques ne se préoccupent ni de l’origine, ni de la force, ni de la signification des symptômes (elles veulent aller directement au symptôme), elles ne sont pas vraiment efficaces car le symptôme se déplace et elles nous interdisent tout savoir sur le jeu des forces psychiques et la résistance du malade qui lui s’accroche à sa maladie

La psychanalyse :

  • elle ne cherche pas à ajouter des choses nouvelles dans le psychisme du patient

  • elle connaît le rôle de la suggestibilité des névrotiques et le médecin doit être d’autant plus vigilant avec la suggestion

  • elle veut extirper les liens à l’idée pathogène

  • elle se préoccupe de la genèse des symptômes et c’est donc une méthode longue

  • elle s’intéresse aux résistances du patient pour comprendre d’où est né son comportement

Dans « conseil aux médecins » 1912, Freud reprend pourquoi la suggestion n’est pas une technique efficiente. Il parle assez librement de toutes les tentatives du médecin pour soutirer des informations, des souvenirs, des associations à son patient en particulier en parlant de ses propres conflits, se mettre lui aussi à faire des confidences au patient. Cette suggestion est contre-productive :

  • elle pousse le patient à évoquer plus tôt des choses qu’il aurait tues

  • elle ne marche que sur le conscient donc sur ce qui ne nous intéresse pas

  • elle renforce l’impuissance du patient à vaincre ses résistances

  • elle renforce le lien affectif au médecin et rend difficile la liquidation du transfert

  • elle invite le patient à penser que l’analyse du médecin est plus intéressante que la sienne

Freud indique en quoi son changement technique vient de son expérience clinique et en quoi cette évolution clinique revient interroger la théorie autrement. La théorie et la clinique s’interpénètrent et sont indissociables. En effet c’est à partir des différents cas de « Etudes sur l’hystérie » que Freud a buté contre les limites de la méthode cathartique, ainsi c’est aussi dans ce recueil nous trouvons déjà en germe la naissance de la technique psychanalytique.

Dans « psychothérapie de l’hystérie » : «  je doute fort maintenant de l’efficacité de l’hypnose dans les cures cathartiques, après avoir constaté l’échec thérapeutique total de traitements où le patient se montrait parfaitement obéissant pendant le sommeil hypnotique ».

La technique de la libre association débute dès 1892 à la demande d’une malade qui lui demanda de ne pas interrompre le cours de ses pensées. Cette technique va devenir la spécificité de la psychanalyse. En 1893 il écrit en français dans « Etiologie des névroses « je dois mes résultats à l’emploi d’une nouvelle méthode de psychoanalyse »

Quant au transfert c’est par son ami Breuer qu’il va le découvrir. Ce dernier est très embarrassé avec l’analyse d’une de ses patientes, Anna.O. Elle est tombée amoureuse de lui. Breuer y croit vraiment et Freud lui se rend compte que cet amour pour le psy relève strictement de la situation thérapeutique. Il va dès lors s’intéresser à tout ce qui va entraver la guérison, ce qui fait obstacle. Déjà dans les Etudes sur l’hystérie «  le transfert au médecin se réalise par une fausse association…..dans cette mésalliance, à laquelle je donne le nom de faux rapport, l’affect qui entre en jeu est identique à celui qui avait jadis incité ma patiente à repousser un désir interdit. Depuis que je sais cela, je puis, chaque fois que ma personne se trouve ainsi impliquée postuler l’existence d’un transfert et d’un faux rapport. Chose bizarre les malades sont en pareil cas toujours dupes ».

Cette prise en compte désormais des résistances dans « la technique psychanalytique » peut être entendue à différents niveaux, on pourrait presque dire à différentes surfaces, qu’il s’agisse de celle du psychisme du patient, de celle de l’analyste dans la cure, de la famille, du chercheur qu’est Freud dans sa le cheminement de sa découverte, des autres analystes, de la société face à la découverte psychanalytique

La méthode cathartique définition de Laplanche et Pontalis : 1880-1895

« Méthode de psychothérapie où l’effet thérapeutique cherché est une purgation, une décharge adéquate des affects pathogènes. La cure permet au sujet d’évoquer et même de revivre les évènements traumatiques auxquels ces affects sont liés et d’abréagir ceux-ci ».

Freud : « on supposait que le symptôme hystérique prenait naissance lorsque l’énergie d’un processus psychique ne pouvait arriver à l’élaboration consciente et était dirigé vers l’innervation corporelle (conversion)…La guérison était obtenue par la libération de l’affect dévié et sa décharge par des voies normales (abréaction) »

La méthode cathartique vise à canaliser le quantum d’affect utilisé à entretenir le symptôme qui s’était fourvoyé sur de fausses routes et s’y était pour ainsi dire coincé, vers des voies normales par lesquelles il peut être déchargé (abréagi).

L’élucidation du processus cathartique est inséparable de la mécanique de l’affect. L’affect peut être réveillé, répété car il a été conservé, il doit être libéré déchargé ou abréagi selon des voies normales mais il peut être entravé, bloqué, coincé. Il est lié à un souvenir, à des images auxquelles il est attaché précisément parce que la réaction du sujet n’a pas été adéquate. La réaction peut trouver dans le langage un équivalent de l’acte, équivalent grâce auquel l’affect peut être abréagi. L’acte, les larmes, les paroles, les plaintes constituent les voies par laquelle l’affect se dissipe ou disparaît dans son potentiel nocif.

Le procédé cathartique reposait essentiellement sur l’élargissement de la conscience par l’hypnose, Freud utilisait l’hypnose pour supprimer le symptôme en replaçant le sujet dans l’état psychique où le symptôme était apparu la première fois.

Rapidement il s’en sert pour induire la remémoration en réintroduisant dans le champ de la conscience des expériences sous-jacentes aux symptômes mais oubliées, refoulées par le sujet. Ces souvenirs ré-évoqués, voire revécus avec une intensité dramatiques fournissent au sujet l’occasion d’exprimer, de décharger les affects qui originellement liés à l’expérience traumatisante avaient été réprimés.

Freud renonce ensuite à l’hypnose en lui substituant la simple suggestion (pression de la main sur le front du malade) destinée à convaincre le patient qu’il va retrouver le souvenir pathogène. « Quand les malades prétendaient ne plus rien savoir, je leur affirmai qu’ils savaient, qu’ils n’avaient qu’à parler et j’assurai même que le souvenir qui leur reviendrait au moment où je mettrai la main sur le front serait le bon. De cette manière, je réussis sans employer l’hypnose, à apprendre des malades tout ce qui était nécessaire pour établir le rapport entre les scènes pathologiques oubliées et les symptômes qui en étaient les résidus. Mais c’était un procédé épuisant………..Je ne l’abandonnai pourtant pas sans avoir tiré les conclusions décisives : la preuve était faite que les souvenirs oubliés ne sont pas perdus, qu’ils restent en possession du malade, prêts à surgir, associés à ce qu’il sait encore. Mais il existe une force qui les empêche de devenir conscients. Cette force qui maintient l’état morbide, on l’éprouve comme une résistance opposée par le malade »  »

Puis enfin il abandonne la suggestion pour se fier simplement aux associations libres du malade. Il s’agit du même objectif mais la technique change car désormais Freud théorise autrement la cure à partir du transfert, des résistances et de la perlaboration. L’abréaction n’est plus le ressort majeur du traitement.

« Je m’accrochais à un principe …celui du déterminisme psychique. Je ne pouvais pas me figurer qu’une idée surgissant spontanément dans la conscience d’un malade éveillée par la concentration de son attention, puisse être tout à fait arbitraire et sans rapport avec la représentation oubliée que nous voulions retrouver. Qu’elle ne lui fut pas identique, cela s’expliquait par l’état psychologique supposé. Deux forces agissaient en lui l’une contre l’autre ; d’abord son effort réfléchi pour ramener à la conscience les choses oubliées mais latentes dans son inconscient ; d’autre part la résistance que je vous ai décrite et qui s’oppose au passage à la conscience des éléments refoulés.

Si cette résistance est nulle ou très faible, la chose oubliée devient consciente sans se déformer; on était donc autorisé à admettre que la déformation de l’objet recherché serait d’autant plus grande que l’opposition à son arrivée à la conscience serait plus forte. L’idée qui se présentait à l’esprit du malade à la place de celle qu’on cherchait à rappeler avait donc elle-même valeur de symptôme. C’était un substitut nouveau, artificiel et éphémère de la chose refoulée et qui lui ressemblait d’autant moins que sa déformation, sous l’influence de la résistance, avait été grande…. L’idée surgissant dans l’esprit du malade est, par rapport à l’élément refoulé, comme une allusion, une traduction de celui-ci dans un autre langage ……………………..

Si, pour rechercher un complexe refoulé, nous partons des souvenirs que le malade possède encore, nous pouvons y parvenir à condition qu’il nous apporte un nombre suffisant d’associations libres. Nous laissons parler le malade comme il lui plait, conformément à l’hypothèse d’après laquelle rien ne peut lui venir à l’esprit qui ne dépende indirectement du complexe recherché…. Quand le malade dit qu’il ne lui vient plus rien à l’esprit …Les associations paraissent suspendues parce que le malade retient ou supprime l’idée qu’il vient d’avoir sous l’influence des résistances… (d’ou l’obligation de tout dire)

La ou il y a résistance il y a retour du refoulé qui essaie de se frayer un chemin, plus la résistance est forte plus on touche quelque chose d’important.

Freud abandonne l’hypnose qui court-circuite les résistances du moi par la suggestion, il crée l’analyse comme méthode tenant compte des résistances du sujet, il ne cherche plus à réactiver les affects concomitants des évènements dont le souvenir est enfoui mais se centre sur le travail à opérer sur les défenses qui ont favorisé, voire contribué à oublier ces évènements. C’est sur la personne du médecin que les affects vont se reporter.

Il s’agira alors d’analyser les obstacles qui viennent entraver la guérison en tant que résistance qu’il s’agisse de refoulement ou de transfert.

Freud n’a eu de cesse de modifier sa technique, il a abandonné l’électrothérapie, la cocaïne, l’hypnose, la suggestion et maintenant il est capable de d’affirmer que la psychanalyse repose sur l’association libre. C’est-à-dire «  l’invention d’un nouveau rapport à l’autre par la parole » (C. Lacôte)

2-l’hypothèse de l’inconscient en psychanalyse

Ici en 1904 Freud tient pour acquis ce lieu de l’inconscient qu’il démontre depuis 10 ans et qui a aboutit dans ce qui sera appelée la première topique : 3 localités fondent l’appareil psychique : inconscient-préconscient-conscient, qui ont chacun une fonction propre, des processus spécifiques, et des représentations singulières.

Freud n’a eu de cesse de vouloir formaliser l’inconscient, de le définir en dehors de la philosophie, de la neurologie et du mystique. « Nous éviterons soigneusement la tentation de déterminer anatomiquement en aucune façon la localité psychique » (in La science des rêves) 

L’inconscient Freudien, individuel, sexuel et refoulé est « un lieu conceptuel, une construction logique pour rendre compte avant tout des pulsions, conflits, angoisses, mécanismes de défenses, créations symptomatiques qui sont le lot de la nature humaine. Ceci en ce qu’elle est par définition vouée à élaborer des compromis entre exigences pulsionnelles, à la racine de ses raisons de vivre et les nécessités de la vie collective, impliquant retenue et renoncement, sans lesquelles il n‘est pas question de survivre ».

C. Lacôte écrit : « la fécondité du concept d’inconscient ne relève pas d’une vérification de ses droits d’hypothèses, c’est une notion opératoire d’elle-même ; il n’y a pas de séparation entre méthode et objet et c’est pour cela que la cure psychanalytique peut faire tenir ensemble ce que la philosophie tenait pour séparé : le savoir et l’inconscient, le refoulé et son retour à la conscience, l’invention et la répétition »

Dans les Etude sur l’hystérie, c’est un inconscient en 3 D que Freud décrit avec un noyau pathogène inaccessible et des strates successives au travers lesquels les représentations vont essayer de se frayer un chemin en s’associant à d’autres représentations.

Dans l’« Esquisse d’une psychologie» en 1895, Freud essaye de traduire des faits cliniques, psychiques en faits neurologiques. Ici l’appareil psychique est conçu comme un système d’investissement de quantités d’excitations qui doivent trouver une issue pour revenir à un état d’homéostasie nommé plaisir. Ici il pose déjà 3 espaces différents : conscient – préconscient-inconscient, régis par des processus différents : primaire pour l’inconscient (perception et jugement primaire sur la réalité et décharge immédiate) et des processus secondaires (pensée et décharge retenue) pour le conscient. Le hiatus entre les deux types de processus est le langage et explique une mémoire inconsciente. Ce schéma neurologique vise à mettre en exergue la mécanique de ce qui met à part, ce qui est rendu inaccessible à la conscience à savoir le refoulement. Il y insiste sur l’aspect quantitatif des excitations afin de mettre en continuité le normal et le pathologique.

Enfin ce modèle neurologique pourrait être d’emblée entendu comme psychanalytique car il n’y est pas question ici de mauvais fonctionnement pour la pathologie ou de fonctionnement idéal, il s’agit déjà de coupure irréductible, d’une hétérogénéité entre inconscient et conscient, division avec laquelle chaque être humain doit tricoter quelque chose.

Dans la lettre 52 à Fliess en 1896, Freud y définit la mémoire :

-perception et mémoire s’excluent

-la perception –signe correspond aux premières inscriptions puis sont réinscrites dans l’inconscient dans un rapport de causalité avec d’autres représentations (soumises au principe de plaisir et à l’identité de perception) ; il y a plusieurs feuillets d’inscriptions.

– l’inconscient ne sera jamais accessible à la conscience dans sa forme originaire. Les inscriptions inconscientes, ces traces ne pourront devenir conscientes que si elles subissent une réécriture avec le matériau des mots (représentation de mot en opposition aux représentations de choses / soumis au principe de réalité et à l’identité de pensée) en passant par la censure du préconscient.

La question de l’atemporalité des processus primaires qui régissent l’inconscient y est déjà mise à jour, l’inconscient est du côté de l’espace, de la surface d’inscription, des lieux, à la différence de la conscience qui est du côté de la temporalité.

Dans « L’interprétation des rêves » :

Freud confirme cette première topologie. Il y affirme que le refoulement est constitutif de l’inconscient. « L’inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. Sa nature intime nous est aussi inconnue que la réalité du monde extérieur et la conscience nous renseigne sur lui d’une manière aussi incomplète que nos organes des sens nous renseignent sur le monde extérieur »

En conséquence, l’action générale de la psychanalyse repose sur le fait que « les représentations inconscientes sont la cause immédiate des symptômes morbides »

(Les nouvelles voies de la thérapeutique)

Les psychonévroses représentent des satisfactions substituées et déformées d’instinct dont on se doit de nier l’existence à soi et aux autres l’existence

L’existence des névroses repose sur une déformation et sur un déguisement mais une fois l’énigme résolue et la solution admise par ces malades ces états morbides ne peuvent plus persister

L’analyse opère par la traduction de cet inconscient en conscient qui supprime alors la contrainte du refoulement

La « traduction en conscient d’un émoi pulsionnel jusqu’alors inconscient aura toujours un effet somatique moins dangereux que celui provoqué par un émoi inconscient car l’état de conscience permet une meilleure maîtrise des pulsions ».

3-Le travail des résistances

Freud constate qu’il ne suffit pas communiquer au patient le sens de son symptôme pour que le refoulement soit levé. Ainsi la technique évolue : si au début il s’agissait d’expliquer les symptômes et découvrir les complexes, la psychanalyse en 1904 cherche à découvrir les résistances et à les écarter.

Freud dès les Etudes sur l’hystérie évoque ce concept de résistance, il constate que plus on s’approche de l’inconscient, du noyau pathogène, plus la résistance est forte et empêche la remémoration. La résistance est ici inconsciente et réglée par sa distance au refoulé.

Mais plus généralement les résistances sont tous les actes et paroles du sujet qui s’opposent à l’accès de celui-ci à son inconscient. Pour Freud, ce sont les mêmes forces qui créent le refoulement et la résistance. Il ne s’agit plus de forcer les résistances mais de travailler avec, car elles nous apprennent des éléments sur la force du refoulement, sur les représentations refoulées.

Ainsi la psychanalyse est longue, il ne s’agit pas seulement de faire dire au patient des choses comme dans une psychothérapie simple reposant sur la remémoration et l’abréaction (libération de l’affect). Il s’agit de chercher l’origine des symptômes. Il faut que le sujet fasse cette découverte lui-même, en passant par les résistances.

La résistance apparaît donc aussi comme un moyen de défense du côté du conscient, du moi. Freud évoque plusieurs types de résistance : les bénéfices secondaires de la maladie, le transfert, le refoulement

a- Résistance et sexualité

« La psychanalyse est une rééducation qui enseigne à vaincre les résistances intérieures en particulier sur la sexualité »

Freud défend donc son idée que l’étiologie des névroses repose sur la sexualité et que la névrose repose sur le conflit entre le besoin sexuel et le refoulement. « En ce qui me concerne tout au moins je ferai observer que je n’avais aucune idée préconçue touchant l’importance du facteur sexuel dans l’étiologie des névroses. Les deux chercheurs dont j’étais l’élève quand je commençais à étudier ce sujet, Charcot et Breuer étaient bien loin d’une pareille supposition, au contraire ils avaient une répugnance personnelle pour cette idée qui au début m’inspirait les même sentiments » Œuvres complètes tome 1, 435

Il sait bien que c’est ce qui ne passe pas bien auprès du public et ce sera confirmé par le tollé général quand il publie « 3 théories de la sexualité » l’année d’après. Et pourtant il ne lâche pas son hypothèse, il donne des exemples assez crus. Il y tient car c’est ce qu’il entend chez ses patientes.

Dans « A propos de la psychanalyse sauvage », Freud essaye de spécifier la sexualité en psychanalyse il parle de « psychosexualité » «…appartiennent à la sexualité toutes les manifestations des sentiments tendres découlant de la source des émois sexuels primitifs, même lorsque ces émois sont détournés de leurs buts sexuels originels ou qu’un autre but non sexuel est venu remplacer le premier ». Ainsi il explique qu’un manque de satisfaction psychique peut exister là où les relations sexuelles ne font pas défaut car les aspirations sexuelles insatisfaites (qui trouvent une satisfaction substitutive dans les symptômes névrotiques) ne trouvent pas de débouchés dans le coït ou d’autres actes sexuels. Le sexuel ne se résume pas au génital.

La psychanalyse ne dit pas seulement que l’insatisfaction sexuelle provoque des troubles nerveux, elle dit quelque chose de plus complexe, soit que le symptôme nerveux est issu d’un conflit entre une libido (devenue trop puissante) et une aversion exagérée pour la sexualité ou refoulement.

b- Résistance et société

Si l’analyste doit se battre contre lui-même, contre les résistances du patient, il doit aussi tenir compte de la révolution que provoque la psychanalyse. C’est la troisième blessure pour l’humain : un : la terre tourne autour du soleil / deux : l’homme descend de l’animal / trois : l’homme est déterminé par un inconscient dont il n’est pas le maître. « La vérité la plus blessante finit toujours par être perçue et s’imposer, une fois que les intérêts qu’elle blesse et les émotions qu’elle soulève ont épuisé leur virulence…les vérités rebutantes, que nous autres psychanalystes devons révéler au monde subiront le même destin » (Perspectives d’avenir de la thérapeutique)

Freud en proposant la psychanalyse fait acte révolutionnaire ; la psychanalyse n’est pas une morale, une philosophie, c’est un acte de libération du sujet face à sa propre construction mais aussi face au social.

Dans « Perspectives d’avenir de la thérapeutique » Freud souligne très bien les résistances du social à l’égard de la psychanalyse « la société ne se hâtera pas de nous conférer une autorité, il faut bien qu’elle nous oppose une résistance puisque nous adoptons à son égard une attitude critique ». La psychanalyse n’est pas reconnue socialement car le discours qui la soutient lutte contre le refoulement imposé par la société, contre le besoin d’autorité du sujet et du social, contre la crainte qu’a la société envers tout individu autonome. La psychanalyse attaque le social : «  parce que nous détruisons les illusions, on nous accuse de mettre en péril les idéaux ».

Freud espère qu’un jour on pourrait avancer vers une psychanalyse de masse grâce à l’adhésion de la société à l’hypothèse de l’inconscient. Freud est convaincu de l’utilité publique de la psychanalyse et il milite fortement en ce sens : « les bénéfices de la maladie apportés par la névrose ne se réalisent en fin de compte qu’au détriment de l’individu comme de la collectivité…toutes les énergies gaspillées dans la productions de symptômes névrotiques, et cela afin d’obéir aux desseins d’un monde fantasmatique isolé du réel, pourront contribuer…à renforcer l’aspiration à ces transformations de notre civilisation, seules capables, croyons-nous, d’apporter le salut aux générations futures. »

La psychanalyse ne travaille pas que pour la science ou ses patients, elle ouvre sur l’idée d’une nouvelle société. Freud pose quand même la question du bienfait de la disparition des symptômes.

Quand Freud ose parler de sexualité la société viennoise est conservatrice. Aujourd’hui dans notre société libérée qu’en est-il de cette question du sexuel ? La pornographie, la sexualisation du quotidien a-t-elle permis de savoir mieux y faire avec le symptôme ? Est-ce que les symptômes névrotiques ont disparu pour donner cours à d’autres formes de souffrance en acte (addiction…) Et c’est dans cette même société que la psychanalyse aujourd’hui retourne dans les limbes, que son discours devient moins audible. L’origine de la souffrance on s’en moque, on veut qu’elle n’y soit plus, le médicament, les psychotropes viennent là comme une nouvelle hypnose.

4- Conséquences pratiques : les règles psychanalytiques

a- La règle fondamentale

« Conseils aux médecins sur le traitement analytique »1912

Freud explique de façon très pragmatique les règles, les difficultés, pour tous les praticiens qui vont se lancer dans la technique psychanalytique.

La règle psychanalytique fondamentale : elle est le cadre et le révélateur mais aussi l’outil de la thérapie psychanalytique, à la fois la méthode et l’objet… Cette règle fondamentale agit comme un pivot articulant 2 espaces qui se répondent mutuellement : le psychanalyste et le patient qui doivent se libérer tous les deux de leur savoir. Quelque chose qui rappellerait une bande de Moebius organisé sous l’égide d’un seul maître, l’inconscient. La règle est fondamentale dans le sens où elle est la seule à pouvoir faire surgir l’inconscient dans une adresse à l’autre qui pourra y révéler un savoir.

 Pour le patient : « ne rien omettre de ce qui lui vient à l’esprit en renonçant à toute critique et à tout choix…il doit raconter tout ce qui lui passe par l’esprit en éliminant toute objection logique et affective qui le pousserait à choisir » Il faut dès le début faire connaître la règle à l’analysé (le début du traitement)

« Une chose encore avant que vous commenciez. Votre récit doit différer, sur un point, d’une conversation ordinaire. Tandis que vous cherchez généralement, comme il se doit, à ne pas perdre le fil de votre récit et à éliminer toutes les pensées, toutes les idées secondaires qui gêneraient votre exposé et qui vous feraient remonter au déluge, en analyse vous procéderez autrement. Vous allez observer que, pendant votre récit, diverses idées vont surgir, des idées que vous voudriez bien rejeter parce qu’elles ont passé par le crible de votre critique. Vous serez tenté de vous dire « ceci ou cela n’a rien avoir ici » ou bien « telle chose n’aucune importance » ou encore « c’est insensé et il n’y a pas lieu d’en parler ». Ne cédez pas à cette critique et parlez malgré tout, même quand vous répugnez à le faire ou justement à cause de cela. Vous verrez et comprendrez plus tard pourquoi je vous impose cette règle, la seule d’ailleurs que vous deviez suivre. Donc dites tout ce qui vous passe par l’esprit. Comportez-vous à la manière d’un voyageur qui, assis près de la fenêtre de son compartiment, décrirait le paysage tel qu’il se déroule à une personne placée derrière lui. Enfin n’oubliez jamais votre promesse d’être tout à fait franc n’omettez rien de ce qui, pour une raison quelconque, vous paraît désagréable à dire ».

C’est un contrat fragile, très rapidement le patient enfreint la règle. Le patient dit qu’ils n’a rien à raconter, Freud dit que c’est une résistance pour protéger la névrose et qu’il faut affirmer énergiquement « qu’une telle carence d’idées est impossible au début et qu’il s’agit d’une résistance à l’analyse »

Pour le médecin : « éviter de laisser exercer sur sa faculté d’observation quelque influence que ce soit et se fier entièrement à sa mémoire inconsciente ou en langage technique simple écouter sans se préoccuper de savoir si l’on va retenir quelque chose ». Le psychanalyste doit se laisser porter par l’attention flottante qui, tout en évitant la fatigue de tout retenir (Freud est très sensible à cette question de la fatigue du praticien, contraint d’analyser plusieurs patients dans une même journée 6 ou 8), permet de ne pas choisir les matériaux et surtout pas ce qui nous a frappé au risque de finalement «  trouver ce que l’on savait déjà car finalement ce serait nos propres inclinations qui dictent ce repérage ».

Le « médecin doit être en mesure d’interpréter tout ce qu’il entend afin d’y découvrir tout ce que l’inconscient dissimule et cela sans substituer au choix auquel le patient a renoncé, sa propre censure. L’inconscient de l’analyste doit se comporter à l’égard de l’inconscient émergeant du malade comme le récepteur téléphonique à l’égard du volet d’appel….l’inconscient du médecin parvient, à l’aide des dérivés de l’inconscient du malade qui parviennent jusqu’à lui, à reconstituer cet inconscient dont émanent les associations fournies »

La mémoire de l’analyste doit être portée par les associations inconscientes, ainsi si le souvenir d’un élément du discours ou de l’histoire du patient ne surgit pas c’est qu’il n’est pas encore possible de l’associer dans l’actualité.

De cette règle fondamentale découle l’inutilité voire la nocivité de la prise de note pour la pratique analytique. : « La technique psychanalytique proscrit tout moyen subsidiaire même celui de la prise de note ». « En prenant des notes on fait nécessairement dans les matériaux un choix préjudiciable, en outre on gaspille une partie de l’activité intellectuelle qui trouverait un meilleur emploi dans l’interprétation des dires de l’analysé. On peut enfreindre cette règle pour les dates, les textes de rêves… ». La prise de note ne présente pas plus d’intérêt pour les publications scientifiques « les observations psychanalytiques écrites sont entachées de cette précisions apparente dont la psychiatrie moderne nous a donné tant d’exemple. Tout en fatiguant le lecteur elles ne peuvent remplacer pour lui sa présence aux séances analytiques ». On pourrait dire qu’il n’y a de discours analytique que dans l’expérience analytique.

La prise en compte de l’inconscient que propose la psychanalyse la sépare fondamentalement de la psychiatrie et du modèle scientifique qui la sous-tend  « il ne convient pas pendant que le traitement se poursuit de procéder à l’élaboration scientifique d’un cas, d’en reconstituer la structure, d’en vouloir deviner l’évolution, d’en noter de temps en temps l’état présent comme l’exigerait l’intérêt scientifique » La psychanalyse est une pratique spécifique « les meilleurs résultats thérapeutiques s’obtiennent, au contraire, lorsque l’analyste procède sans s’être préalablement tracé de plan, se laisse surprendre par tout fait inattendu, conserve une attitude détachée et évite toute idée préconçue ». Le travail de synthèse ne peut se faire que dans l’après coup du traitement.

« Le modèle du chirurgien pendant le traitement ». Le psychanalyste doit respecter une froideur affective pour éviter de vouloir convaincre le patient par orgueil, pour ne pas se faire submerger par ses propres émotions et surtout permettre au patient d’associer le plus librement possible. «  Un chirurgien de l’ancien temps avait pris pour devise «  je le pansai Dieu le guérit », l’analyste devrait de contenter de quelque chose d’analogue ». La guérison viendra de surcroît si l’analyste se concentre bien sur son unique mission de mise à jour de l’inconscient. Finalement c’est l’acte qui compte, l’acte analytique.

L’analyste ne doit rien ajouter, suggérer, il ne doit « à la manière d’un miroir ne faire que refléter ce qu’on lui montre ».

Freud pointe toutes les tentations auquel tout médecin pourrait céder et les démonte techniquement pour montrer leur inefficacité au regard de la technique psychanalytique

Ex «  montrer au patient ses propres conflits pour l’amener par des confidences intimes, à établir des parallèles » = orgueil thérapeutique

Les conséquences en sont :

  1. inciter le patient à révéler plus tôt que prévu des choses et avec moins de difficulté n’aide pas le patient à vaincre ses résistances (suggestion)

  2. le patient veut toujours en savoir plus sur le médecin

  3. le patient va faire sienne l’analyse du médecin car il la trouve meilleure

  4. difficulté à liquider le transfert

Ex : l’orgueil éducatif : vouloir faire de son patient un homme plus remarquable à la hauteur des idéaux du médecin en le poussant à sublimer ses pulsions, en le privant de satisfactions instinctuelles plus simples

  1. le médecin «  doit être tolérant à l’égard des faiblesses de son patient et se contenter de lui redonner certaines possibilités de travailler et de jouir de la vie même s’il s’agit d’un être moyennement doué »

  2. « il faut se rappeler que bien des patients ont succombé à la maladie à cause justement de l’effort que leur a coûté la sublimation de leur instinct »

Freud rappelle dans «  les voies nouvelles de la thérapeutique » que «  nous ne cherchons ni à édifier le sort du patient, ni à lui inculquer des idéaux, ni à le modeler à notre image »

Ex : la coopération intellectuelle de l’analysé et de la famille

  • avoir un savoir psychanalytique ne sert pas le procédé de l’analyse

  • l’intellectualisation est souvent un mode de résistance à l’émergence de l’inconscient

  • ne pas donner de directive « pensez bien à cette période de votre vie » car la concentration sur quelque chose va à l’encontre de la règle fondamentale.

  • Freud n’est pas favorable à la prise en charge familiale

Question : psychanalyse et famille, les entretiens familiaux ?

b-L’analyste analysé

Dès 1904 dans « De la psychothérapie », Freud évoque la nécessité que le médecin ait fait sa propre analyse «  il doit avoir dépassé ses propres résistances en matière de sexualité ». Le psychanalyste devra pour assurer cette place de récepteur de l’inconscient du patient savoir « se servir de son propre inconscient comme d’un instrument ». Pour cela l’analyste doit avoir repéré ses propres résistances, ses propres idéaux, ses propres complexes, ce qui d’une part déformerait son propre accès à son inconscient et d’autre part induirait des sélections dans les matériaux et des déformations dans l’écoute de l’inconscient du patient. Le psychanalyste doit avoir subi « une purification psychanalytique » car « tout refoulement non liquidé constitue un point aveugle » qui l’empêchera d’accompagner ses patients plus loin que lui n’est allé mais surtout qui peuvent nuire véritablement à la santé de son patient.

Si au début Freud pense que l’auto-analyse de ses rêves suffit à devenir analyste, il prône désormais la nécessité pour chaque analyste d’avoir fait « une analyse didactique » auprès «  d’un analyste qualifié ». La encore Freud indique que le normal et le pathologique sont sous-tendus par les mêmes procédures de l’inconscient. On peut être normal et faire une analyse. Et ce travail ne finit jamais l’analyse se poursuit même quand elle est effectivement terminée, elle continue à mettre au travail.

Freud est le seul à ne pas avoir été analysé, il apparaît en cela comme l’hommoinzun, le point extérieur qui a mis en route le mouvement et soumis les autres, les descendants, à la loi. On pourrait en ce sens rapprocher cela de la passe chez Lacan (a-t-il fait la passe ?)

Cette purification est celle qui va soutenir la question du désir de l’analyste, pourquoi on veut être analyste ? Pour qui ? Il est peut être davantage question d’épurer, de lever les différents couches d’identification ?

c- « le début du traitement » 1913

Freud, très pédagogiquement, nous donne des règles pratiques sur le début du traitement.

Essai préliminaire de deux semaines : le médecin ne doit pas intervenir, laisser parler le patient pour faciliter le diagnostic pour repérer la structure du sujet (névrose ou schizophrénie), voir si le patient est apte pour ce travail

Ne pas avoir de lien avec le patient :

  • ne pas avoir suivi ce patient avec une autre technique

  • ne pas avoir de lien avec la famille

« Il faut voir naître le transfert et le voir croître pour après le démasquer »

Le temps et l’argent :

fixer avec le patient 1 heure déterminée qui sera toujours son horaire à lui-même s’il ne vient pas d’où le fait qu’il doive payer en cas d’absence ceci permet d’éviter les interruptions de traitement qui nuiraient au traitement et menaceraient «  l’existence matérielle du médecin » sauf pour les cas avérés de maladie organique.

-6 séances par semaine pour les cas les plus graves et 3 séances par semaine pour les plus légers «  la diminution des séances doit être proscrite en début de traitement »

– séance d’une heure en général sauf pour les patients qui ne parlent qu’au bout d’un long moment

– le traitement est long et exige donc « beaucoup de sacrifices… dû à l’intemporalité de l’inconscient ». Il faut en prévenir le patient dès le début du traitement. Il n’existe pas de traitement court et rapide pour soigner la névrose. « Je n’oblige pas les malades à continuer leur traitement pendant un temps déterminé » mais il faut souvent les persuader de poursuivre le traitement. Le patient voudrait que l’analyste puisse soigner tel symptôme qui le gêne le plus, mais «  certes le médecin analyste peut beaucoup, mais sans être en mesure de déterminer exactement ce qu’il arrivera à faire ». Freud fait alors une comparaison étonnante « le pouvoir de l’analyste sur les symptômes est en quelque sorte comparable à la puissance sexuelle…l’homme le plus fort capable de créer un enfant tout entier ne saurait produire… une tête ou une jambe seulement…La névrose a le caractère d’un organisme, ses manifestations partielles ne sont pas indépendantes les unes des autres, elles se commandent et coopèrent,…le sujet ne souffre jamais que d’une seule névrose ». Finalement le meilleur patient pour le psychanalyste est celui qui veut «  la guérison totale »

On retrouve ces mêmes questions aujourd’hui : les gens veulent être débarrassés de ce qui les gêne trop, mais peuvent bien se contenter du reste, les TCC assurent cette promotion du fonctionnalisme où il s’agit d’être apte pour fonctionner au travail et d’évacuer la question du mieux se connaître pour être mieux avec soi et affronter la question de son propre désir.

– le paiement des honoraires. L’argent en psychanalyse a un autre sens que la seule puissance financière « le psychanalyste s’attend à voir les gens civilisés traiter de la même façon les questions d’argent et les faits sexuels, avec la même duplicité, la même pruderie….c’est pourquoi le médecin doit traiter devant le patient des questions d’argent avec autant de franchise naturelle qu’il en exige lui-même de son patient en ce qui touche la sexualité »

Il faut un paiement à date fixe. «  En indiquant le montant de ses honoraires l’analyste a le droit d’affirmer que son dur travail ne lui permet jamais de gagner autant que d’autres médecins spécialistes ». De toute façon « rien dans la vie n’est plus onéreux que la maladie et la sottise »

Pas de traitement gratuit : il augmente en fait les résistances «  l’absence de l’influence corrective du paiement présente de graves désavantages, l’ensemble des relations échappe au monde réel, privé d’un bon motif le patient n’a plus la même volonté de terminer le traitement »

Il faut que l’analyste ait travaillé cette question de l’argent donc du sexuel de sa fonction dans sa propre économie psychique.

Le divan

-le malade doit s’étendre sur le divan et le médecin doit être assis derrière lui de façon à ne pouvoir être regardé

Freud désacralise complètement ce cérémonial en expliquant d’où il vient ; d’abord vestige de l’hypnose, ensuite réponse à une gêne personnelle « je ne supporte pas qu’on me regarde pendant huit heures par jour. », écarter toute suggestion que pourraient introduire les mimiques du visage, enfin « empêcher toute immixtion du transfert dans les associations du patient et d’isoler le transfert de telle sorte qu’on le voie apparaître à l’état de résistance »

Le choix du sujet de début : peu importe par quoi il commence, pour aider le patient on peut lui dire « avant que je puisse vous expliquer quoi que ce soit il faut que vous me renseignez, racontez-moi je vous prie, ce que vous savez sur vous-même ». En effet car ce qui prime c’est la règle fondamentale.

d- le public

Dans le texte « De la psychothérapie », Freud évoque les contre-indications à l’analyse. Ne peuvent suive ce traitement :

-ceux qui n’ont pas un degré suffisant d’éducation

-ceux qui portent une dégénérescence

-ceux qui n’ont pas de demande personnelle

-ceux qui présentent une psychose, des états confusionnels actuels

-ceux qui ont plus de 50 ans

-ceux qui présentent des symptômes ayant un diagnostic vital (anorexie)

Tout au long des articles Freud évolue sur la question de ceux qui pourraient bénéficier de la psychanalyse. Si au début il réduit le public aux classes riches « nous découvririons que les pauvres encore moins que les riches ne sont disposés à renoncer à leur névrose du fait de la dureté de leur existence » (Les voies nouvelles de la thérapeutique). Ainsi les pauvres se heurtent d’abord à leur refus de céder sur leur névrose et ensuite à leur impossibilité de payer. Cependant Freud indique dans « Le début du traitement » : « on rencontre parfois des gens qui sans en être responsable sont dans la détresse et pour lesquels un traitement gratuit ne se heurte pas aux mêmes obstacles et obtient des résultats heureux » Au fur et à mesure il ouvre la question aux classes pauvres «  pour eux il faudrait mêler l’or de la psychanalyse à une quantité de plomb de suggestion directe » et créer « une psychothérapie populaire », «  ouvrir des cliniques gratuites »

Freud alors nous invite à penser la psychanalyse comme un outil que l’on pourrait adapter en fonction des publics.

e- la pathologie

La technique doit s’adapter à la pathologie

Ex de la phobie : il faut lever la phobie pour travailler l’angoisse et obtenir du matériel associatif mais le symptôme ayant une fonction de protection, il ne faut le lever que quand le patient est prêt à supporter de l’angoisse.

On pourrait alors évoquer la question des TCC, est-ce que Freud se serait intéressé à ces techniques pour abaisser l’angoisse ?

Ex de la névrose obsessionnelle : le risque est une prolongation sans fin du traitement. Freud indique « qu’il faut attendre que le traitement soit devenu une compulsion et se servir de la contre-compulsion pour détruire la compulsion moribonde »

Freud commence à s’intéresser aux psychoses et à l’intérêt de la psychanalyse pour ces pathologies et au cadre technique qui pourrait convenir. C’est à partir de ces patients que Freud va élaborer le concept de narcissisme et de moi et interroger à nouveau sa pratique.

Charles Melman, journées sur l’hystérie masculine

Transcription des interventions de Charles Melman au cours des journées sur l’hystérie masculine en juin 2000.

Je voudrais ici rendre hommage au livre que Christiane a publié chez Flammarion sous le titre de « l’inconscient ». C’est un livre qui est donc écrit à la demande d’un éditeur, et que Christiane a accepté pour témoigner du travail fait dans notre groupe. Et tous ceux dans notre groupe, qui ont eu l’occasion de le lire, ont pu voir qu’il était exposé à la nécessité de répondre à de multiples exigences, des exigences qui tiennent assurément aussi bien du milieu, je dirais, d’où il vient, psychanalytique, la formation psychanalytique, je dirais le milieu auquel dans cette collection qui est une collection équivalente au  » que sais-je « , qu’au milieu auquel il s’adresse. Et une de ses exigences, assurément rendue insistante par l’éditeur, fut celle de la lisibilité. Ce qui, je dirais, entre autres problèmes, n’a pas manqué de faire souci et de faire question à son auteur. En effet je voudrais rapidement vous faire remarquer que la lisibilité, le problème de la lisibilité, je veux dire le fait que ce soit compréhensible pour le profane, est un problème qui est en réalité plus complexe qu’il n’y parait, puisque, s’il s’agit de comprendre, de tout comprendre, cela veut dire que du même coup il n’y a plus rien à entendre, et l’on pourrait dire que l’exigence de lisibilité, de parfaite compréhensibilité est du même coup une façon de forclore, une façon de refuser la dimension de l’inconscient, ce qui présenté comme je le fais, témoigne bien déjà de ce qui était la difficulté d’écriture d’un ouvrage comme celui-là et dont Christiane, je trouve, se sort tout à fait à son honneur. Je voudrais faire remarquer encore ceci, nous parlons très facilement de problème du nom du père, du problème du déclin du nom du père etc., mais, la fonction paternelle, y a rien à comprendre, c’est justement ce qui échappe à toute compréhension, la fonction paternelle ne repose que sur un acte de foi, sur une croyance, sur le crédit, que l’on fait ici, à quoi ? À la dimension du réel. Et donc on pourrait aussi bien dire que l’exigence scientifique de la parfaite lisibilité ou de la parfaite compréhensibilité, est aussi une certaine façon d’évacuer justement ce qu’il en est au départ au principe de la relation à ce qui ne peut que se donner à entendre, c’est à dire la relation au père.

Alors l’inconscient ? Ce serait après tout un exercice peut-être salutaire si on demandait ici à chacun d’entre nous de se risquer et de savoir ce que devant sa page blanche il viendrait raconter, il viendrait dire sur l’inconscient, ce que c’est l’inconscient.

Le livre commence par une phrase, qui dit ceci : « Nous soutiendrons que l’inconscient est le champ inventé par la psychanalyse. » C’est une phrase comme vous le voyez, forte et qui est assez proche de ce que Lacan a pu dire, et qui néanmoins est un peu, je dirais, ne reprend pas de façon tout à fait exacte ce que Lacan a pu dire, et qui du même coup, je dirais, a le grand avantage, imaginons toujours que nous sommes chacun devant notre page blanche, a le grand avantage de nous reposer la question. L’inconscient, qui indiscutablement renvoie à une substance, renvoie à une matérialité de l’inconscient, ça ne renvoie pas à l’esprit, à l’art, ça renvoie à un support matériel. Tel croit à l’inconscient, (…) être matérialiste et pas non plus idéaliste. Mais l’inconscient, quel est son support, quelle est sa matière et en quoi pouvons-nous dire que c’est un champ inventé par la psychanalyse. Est-ce que cette première assertion si forte, est-ce que, je dirais, elle nous parait si simple ? Personnellement devant ma page, j’aurais écrit ceci : « L’inconscient, cela veut dire qu’il y a du signifiant dans le réel. »

Du signifiant, et c’est déjà une première complexité, peut-on dire « c’est du signifiant ? » Ou peut-être est-ce que c’est avant tout de la littéralité ? En tout cas dans le réel, il y a assurément de la littéralité. Et pour que cela existe pour chacun d’entre nous après tout, il n’est pas besoin d’une opération qu’on appellerait le refoulement, puisque nous savons par le travail de Lacan inaugural de ses écrits, que ce mécanisme d’évacuation dans le réel de la mère est un mécanisme relié à la physiologie propre de la littéralité. Pas besoin spécialement d’un commandement, d’un devoir refouler c’est à dire à faire (affaire) de ce qui est ainsi rejeté dans le réel, le support du sexe, cela n’est pas nécessaire pour qu’il y ait dans le signifiant, dans le réel de la littéralité, il y en a et sans doute c’est ce qui explique d’une certaine façon notre attachement particulier à tout ce qui est textuel, en tout cas ce qui fut notre attachement particulier à tout ce qui est de l’ordre textuel et notre attachement à déchiffrer ce qui se propose comme textuel. Alors si cela est un phénomène plus physiologique, si je puis dire interne au fonctionnement de la lettre, où se situerait l’intervention de ce (…)

Pour ne pas jouer au ping-pong ici à cette table avec Christiane, je vais me permettre de proposer ma propre interprétation. Ce que Freud découvre grâce à l’hystérie justement c’est que cette organisation littérale peut être organisatrice d’une adresse, c’est à dire que ça peut se mettre à parler. Une adresse qui suppose l’interlocuteur, le destinataire qui, lui, saurait, saurait déchiffrer, et il me semble que si l’inconscient auquel nous avons affaire de nos jours est bien l’inconscient freudien et est bien, comme l’écrit Christiane, un champ inventé par la psychanalyse, l’inconscient qui nous anime jusqu’à ce jour, et bien, c’est que cette littéralité, qui n’est pas forcement un langage, Lacan dit que c’est structuré comme un langage, ce « comme » est tout à fait énigmatique, il ne dit pas qu’il y a une langue qui est là enfouie dans l’inconscient, il dit qu’il y a là une structure qui est comme un langage, et dont il semblerait que ladite structure comme un langage puisse être le support d’une parole, d’une adresse, et que cette adresse invoque elle-même, semble-t-il, cherche à se faire reconnaître. En tout cas, c’est là l’invention de Freud, et en remarquant tout de suite que dès lors cet inconscient, c’est évidement l’inconscient hystérique car pourquoi ne pas le dire ce n’est pas du tout l’inconscient de l’obsessionnel. L’obsessionnel, ce qui différencie ses symptômes c’est qu’ils ne constituent aucunement une adresse. Et ils ne constituent aucunement l’interpellation de quelqu’un qui saurait, et comme on l’a déjà, je crois, fait remarquer, il faudra l’hystérisation produite chez lui par la cure pour que, je dirais, son inconscient devienne freudien. Il n’a pas l’inconscient freudien l’obsessionnel, c’est ça qui est bizarre. Alors vous voyez que cette première phrase de Christiane est très à la fois forte et problématique, nous amène donc à reprendre en nous-même des questions que nous préférons habituellement (…) Si l’on se met un peu trop à toucher au fondement on ne sait pas si l’édifice va parfaitement tenir puisque surgit en même temps cette autre question, Lacan situe ce lieu du réel, ce lieu donc investi par une littéralité, une littéralité qui par elle-même je dirais est inerte, pourquoi elle voudrait dire quelque chose après tout? Et bien il l’investit ce lieu, d’un sujet, c’est ça aussi qui nous pose question, il l’investit d’un sujet et en tant que cet investissement serait donc un effet de la science, discours de la science naissant avec Descartes.

Autrement dit, pour me servir d’une image qui va vous paraître peut être aussi bestiale que crue, voilà que le rat qui est la tapi dans le réel et bien avec le fait que le sujet vienne s’y loger brusquement voilà que son œil s’ouvre et qu’il se met à frétiller, voilà que le rat qui est là présent, ce déchet, se met brusquement à être animé. Ce déchet qui se nourrit (…) voilà que brusquement il se met à avoir une âme, que brusquement il se met à être vivant. Cette assertion de Lacan c’est à dire que le sujet dans l’inconscient, la présence d’un sujet dans l’inconscient qu’est-ce que ça veut dire, un sujet ? C’est à dire finalement d’un lieu d’où ça se met à parler. Cette littéralité, cet ensemble inerte dont je dirais à la limite qu’est-ce qu’on va en faire ? Voilà que ça se met à parler. Et donc, cette assertion de Lacan qui fait problème parce que l’hystérie pour exister, elle n’a pas attendu le discours de la science. Bon même si le discours de la science la faite flamber, nous avons tous les témoignages historiques, et, dans mon célèbre ouvrage passé complètement inaperçu, et bien je ne manque pas de faire ce rappel historique qui est, je crois, intéressant, qui m’avait en tout cas beaucoup amusé à l’époque, qui est que l’hystérie a commencé à exister 2000 ans avant, à être repérée par les médecins égyptiens 2000 avant le Christ, que Hippocrate n’a fait que traduire très fidèlement la façon dont les médecins égyptiens la nommaient, c’est a dire que les médecins avaient isolé chez les femmes une affection polymorphe, d’expression polymorphe, fonctionnelle sans lésions organiques et ils l’attribuaient au fait que chez ces femmes, l’utérus était desséché, l’utérus était en souffrance donc que l’utérus était à faire des siennes et que il convenait donc de guérir l’affection qu’il y a dans ce pays plutôt aride en versant, en humidifiant cet utérus autrement dit en traitant les jeunes filles et les jeunes veuves de la façon qui convenait pour que leur utérus ainsi se calme. C’était 2000 ans avant Jésus Christ, et aujourd’hui comme on le sait, l’hystérie n’a pas longtemps quitté la scène médicale. Donc, on aurait envie de dire que cet inconscient ainsi, cette littéralité ainsi animée, elle s’est donnée à entendre avant le discours de la science, quand le médecin de l’époque fonctionnait (…) ils étaient plus scientifiques que magiciens, des traumaturges, ils cherchaient une chaîne causale rationnelle ; à établir cette chaîne ils ont expliqué les phénomènes qu’ils observaient. Donc, cette assertion importante, essentielle de Lacan nous interroge, et, si j’avais à propos de ce livre qui est bourré d’informations et qui est excellent dans ses développements et justement sa rationalité, et bien, pour ma part je regretterai de ne pas y avoir trouvé, mais c’est ma question et ce n’est pas forcement celle de Christiane, de ne pas y avoir trouvé ce type n’est ce pas, d’interrogation. Ceci étant, pour que l’inconscient nous parle du sexe, car là aussi pourquoi nous parle-t-il toujours du sexe, pourquoi après tout ne nous parle-t-il pas de musique de philosophie, de belles lettres, je ne sais pas moi, les sujets sont après tout, comment se fait-il que l’inconscient y soit aussi mené, lui il est vraiment obscène, il ne pense qu’à ça. Alors comment cela se fait-il, car si vous reprenez le fonctionnement de la chaîne de Markoff, il n’y a rien dans la chaîne de Markoff spécialement qui prédestine ce qui va à un certain moment de la chaîne se trouver tomber dans les dessous c’est a dire passer dans le réel, et être capable de revenir dans le champ de la réalité, il n’y a rien qui prédestine ces éléments à être les supports de la sexualité. Alors, moi je poserai une question à Christiane, si elle veut y répondre, si ça l’inspire (…) J’aurai envie de dire que c’est avec notre religion que ce qu’il y a eu, que ce qui se trouvait refoulé, je dirais, de soi-même, c’est trouvé en un sens sexuel. C’est à dire que ce qui c’est trouvé ainsi retranché, retranché c’est déjà un mot qui vous voyez, est beaucoup trop fort, que ce qui c’est trouvé ainsi spontanément évacué et bien, est venu le support du sexuel, de ce qui ne faut pas, de ce qui ne doit pas être là présent dans la réalité, puisque dans la réalité nous devons nous présenter selon ce schéma très évocateur de Lacan lorsqu’il dessine le moins petit phi, c’est à dire un bonhomme avec à l’endroit du sexe un petit pointillé, c’est comme ça que dans la réalité nous nous présentons, nous ne savons plus parce que ça fait partie je dirais de nos convenances, imaginez un seul instant que celui qui est à la tribune par exemple ou dans la salle, se présente autrement, ça ferait mauvaise impression, un exhibitionniste, c’est un pervers, c’est quoi? Donc ce moment qu’on aurait envie de dire où, moi je l’attribue au type de notre rapport à la religion qui n’est pas du tout évidement la même que celle des anciens, je veux dire celle des grecs et des romains, qui fonctionnaient tout autrement. On peut penser que chez les grecs et les romains qui avaient un inconscient comme tout le monde, cet inconscient n’avait aucun, n’avait pas de rapport spécifique avec la sexualité, et aucunement sous forme de sexualité, et donc pour le coup n’avait rien à dire. Donc, nous le devons à notre religion et que Freud est venu entendre ce qui était là maintenant, un sujet qui cherchait donc à faire entendre, à faire reconnaître son indicible, dans la mesure où par la double opération celle de la religion, puis de la science, et bien, ce qui pouvait s’articuler n’était plus que mensonge. Non pas mensonge délibéré, mensonge voulu, mensonge cherché, je ne peux raconter que des blagues puisque ce qu’il en est en ce qui me concerne du sujet, de ce qui chez moi anime le désir et bien, ça ne peut plus s’articuler à ma volonté, à mon commandement. Ça s’échappe et ça s’exprime quand ça veut et la façon dont ça veut y a une façon qui manifestement cherche avant tout à se faire reconnaître. Le trauma, puisque aujourd’hui (…) l’hystérie et si je me souviens bien dont Christiane l’aborde n’est pas d’une façon que peut-être, des développements que j’aurais souhaité. Mais là aussi ça me regarde. La question du trauma, qu’est ce que c’est que le trauma, je crois que grâce à ce livre, et au point où nous en sommes de nos cogitations, je crois que nous pouvons dire ce que c’est que le trauma. Le trauma, c’est ce qui, je dirais, fait refoulement, sans pour autant me donner le droit de faire reconnaître mon désir. C’est ça qui est traumatique, me prive de l’expression possible de mon désir. Autrement dit l’interprétation traumatique de la castration, elle est toujours possible et il suffit que je sorte de la castration en position jugée défavorable c’est à dire en position féminine, je dis bien qu’elle est « jugée » défavorable, pour estimer que c’est l’interprétation traumatique qui prévaut. Si à part, je dirais donc, tout ce que je trouve de méritoire dans ce travail fait par Christiane dans les conditions que j’ai rappelées, pour les raisons que j’ai rappelées, je veux dire, la qualité aussi bien de son plan que je dirais le souci de rigueur de ce qu’elle avance et puis le nombre d’informations qu’elle apporte au lecteur, si j’avais un regret à formuler ce serait qu’elle s’arrête devant ce qui après tout, peut être la modification en cours de l’inconscient. Peut-être que l’inconscient tel qu’il se prépare chez nos jeunes dans les générations à venir ne sera pas du même type que celui que nous avons connu. Je pense que de nombreux collègues qui s’intéressent à la question, qui l’interrogent, de quelque façon que le sujet y soit n’est ce pas, c’est indiscutable puisque la science ne peut progresser dans, je dirais, son souci d’évacuer tout ce qui est cause, à ses yeux, de perturbations « d’irrationalité ». Je veux dire que la science peut forclore plus que jamais, et on le voit bien avec le développement du cognitivisme dont il faudra quand même que l’on parle un jour dans notre groupe pour en mesurer toute l’importance, ça devient non seulement une philosophie mais ça devient aussi une religion, vous croyez que je plaisante bien sûr, mais amusez vous à parcourir les bouquins de la scientologie, il faut si j’ai le temps, je ferais peut-être un papier là-dessus la scientologie, c’est la religion du cognitivisme. Vous pourrez toujours après dire que c’est une secte alors que le cognitivisme est évidemment la démarche qui se veut la plus rigoureuse, la plus nette, précise qui soit , c’est pas facile à montrer. Alors donc, dans le réel, présence du sujet et ça grâce à la science, pas de problème, ça c’est sûr. Mais est-ce que, est-ce que, ce qui se trouvera là en dépôt transitoire, passager, dans le réel cette littéralité, est-ce qu’elle sera toujours forcement je dirais, supportant le sexuel ? C’est pas sûr, à mes yeux, dans la mesure où si effectivement nous basculons dans une culture où je dirais (la diction), la présentification , la monstration de la sexualité n’est plus frappée par le refoulement comme cela a pu l’être pour les gens de ma génération, dans leur temps, dans leur jeunesse, dans leur histoire plus proche du 19ème, il n’est pas dit que cette littéralité, ce pendant pris en charge par le sujet, parle du sexuel, pas sûr. Alors elle parlerait de quoi ? Moi j’ai évidement une suggestion mais elle est tellement facile à faire, elle donnera l’impression que je retombe sur mes pieds que j’ai pris aucun risque, que je suis vraiment tranquille. Mais moi j’aurais envie de dire que par exemple ce dont elle pourrait parler c’est que ce sujet, il n’a plus rien d’autre à dire que son propre déficit. C’est à dire qu’il est là présent que par exemple (…) faille, qu’il n’a plus à parler que de son propre déficit autrement dit qu’il n’a plus à parler que de sa propre déprime. Et après tout, et après tout pourquoi est-ce que ce n’est pas de cela que le sujet (…)

Bon je me suis essayé à moi aussi à me mettre devant une page blanche comme Christiane l’a fait avec ses scrupules, avec son souci, avec les tourments que ce livre a pu lui donner et je me suis dit voyons, alors je vais vous dire comment je l’aurais commencé. J’aurais commencé en disant tout ce qui suit, tout ce qui suit, c’est des histoires, tout ce qui suit c’est des mensonges, néanmoins c’est grâce au développement de ces mensonges, voire à leur recoupement, que la vérité va pouvoir se donner à entendre. Mais alors là, je me sers aussitôt (…) Quand je commence en disant tout ce qui suit est mensonge, est-ce que ça c’est aussi un mensonge. Et bien évidement pour le logicien ce n’est pas décidable, mais pour le psychanalyste ça l’est. Puisqu’il distingue le sujet de l’énoncé du sujet de l’énonciation. Ce sujet de l’énonciation, c’est lui qui supporte (…) C’est donc grâce à tous nos mensonges que peut-être se donnera à entendre ce qu’il en est de la vérité de tout cela. Et pas moyen d’opérer autrement. Ce serait mon propre début ce qui prouve mon (…) est absolument irrecevable pour un éditeur. En tout cas merci à Christiane pour ce livre dont je recommande la lecture. Bien que je n’aies pas joué, ou introduis des questions (…)

Christiane L :

Je vais prendre un petit peu la parole. D’abord pour te remercier d’une lecture qui n’est effectivement pas (…) point par point, mais qui est tout à fait ce que je souhaitais c’est à dire que chacun se mette devant sa page blanche en essayant de dire ce que c’est que l’inconscient. Et puis, te remercier aussi parce que ce livre doit beaucoup à tes années d’enseignement et au travail commun de l’association. Pour reprendre la question que tu poses, c’est à dire pourquoi il n’est finalement pas évident que les littéralités, les textualités, on commençait à en parler hier après midi, soient liées au sexe c’est vraiment, tu parlais de scrupule, non pas du tout, l’angoisse, l’angoisse dans laquelle j’ai lutté de ce que ça ne se lit pas. Et j’ai été aidée tout à fait dans ce livre par (…) qui est philosophe historienne des sciences, qui a été d’une écoute tout à fait extraordinaire, ça a été un exercice pour moi d’écrire un livre comme psychanalyste sur l’inconscient en étant écoutée en faisant passer des choses à quelqu’un qui ne l’était pas du tout, c’est à dire de sortir de la complicité (…)

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Nous sommes tous un peu fatigués je vais essayer d’être simple et rapide si j’y parviens pour nous faire d’abord remarquer après ces excellents exposés qui nous ont retenus, pour remarquer d’abord que ce dont témoigne bien l’hystérie masculine c’est que l’anatomie n’est pas la question. Et que ce qui fait le destin c’est bien la structure. Alors cette structure donc qui fera que nous tacherons de pallier à ce type d’obstacle ce type de difficulté qu’elle nous présente, nous tacherons d’y pallier par la névrose, comme nous le savons. En ce qui concerne très précisément l’hystérie masculine, il me semble que deux concepts forts simples peuvent nous être d’un certain secours, c’est celui d’abord de place, place où l’on se tient, la place d’ou s’exerce son propos pour un sujet et puis celui d’objet petit a.

En ce qui concerne l’hystérie masculine j’aurais tendance à dire que celui qui endosse en quelque sorte cette destinée, d’abord a le privilège de se situer au lieu de l’autre, un homme donc anatomiquement et qui se met au lieu de l’Autre afin d’y tenir la fonction qui est propre à celle qui ordinairement occupe cette place, celle de la séduction, en charme. Pour quelles raisons ? Il y en a un grand nombre que je ne vais pas bien sûr ici évoquer, mais il y a en sûrement une je dirais majeure, qui est que dans la mesure où on se présente comme venant du champ de l’Autre, il importe tout d’abord de se faire admettre, de se faire recevoir, de se faire symboliser, autrement dit de forcer un petit peu la présence phallique, le grand unificateur, le grand universalisateur, si j’ose ainsi m’exprimer c’est pas très beau, et bien d’en forcer la présence entre les protagonistes. Et de la séduction et bien sûr comme nous le savons l’un des moyens de faire intervenir cette vieille arme qui fera dire que bien qu’il soit au lieu de l’Autre celui-là est parfaitement admissible, recevable puisqu’il s’avère porteur éventuellement de, cette séduction comme nous le savons, se soutient précisément, principalement de cet objet petit a. Nous voilà donc, quelqu’un qui anatomiquement est masculin et qui vient au lieu de l’Autre se présenter comme se soutenant de ce pouvoir de séduction, de l’objet petit a, autrement dit dans ce qui est à la fois la profusion la brillance la richesse, la qualité, l’aspect chatoyant, enfin tout ses traits qui ne peuvent manquer de le rendre aimable ; Il y a une autre façon sans doute de se faire recevoir, et je trouve qu’elle a été fort bien développée il y a quelques minutes par nos amis ici à cette table, c’est de se présenter en ce lieu de l’Autre comme marqué avec les stigmates, de la référence de l’indice, de l’index phallique mais en tant que celui là, au champ de l’Autre, se distingue par sa pure absence, par son pur manque et donc, dans la mesure où ces stigmates viendront justement illustrer ce défaut. (…) Dans le cas où l’hystérique mâle se soutient de ses stigmates il est bien évident là qu’il s’agit moins de susciter le désir que de provoquer l’amour, par ce manque-même, et nous savons que cela peut être facilement assez aisément le cas. On l’aimera parce qu’on a tellement besoin d’être secouru qu’on ne saurait refuser ce privilège.

En même temps, un aspect essentiel de l’opération est bien sûr de mettre une femme anatomiquement femme de l’autre coté, du coté que Lacan appelle celui de la (jambe) qui est aussi je dirais, la place d’où se tient le signifiant maître c’est à dire qu’il y a (…) que de sa référence phallique, du fait qu’il en aurait de ce signifiant-là. Et donc pourquoi pas l’évoquer ainsi chez l’hystérique mâle, une sorte de dévouement, pour que la femme qui s’est mise en position mâle ainsi voit sa plainte je dirais, entendue, résolue et que par, je dirais, cette mutation ainsi opérée et bien, il ait lui, l’hystérique mâle trouvé la solution à ce qui constitue le divorce habituel des sexes, le fait qu’il n’y a pas de rapport sexuel puisque si d’un coté il y a là un homme qui vient occuper la position féminine et une femme qui se trouve en avoir du fait d’occuper la position virile, et bien on pourrait penser que du même coup ça devrait beaucoup mieux s’arranger. Et le diagnostic je dirais, de ce type de situation que nous faisons les uns et les autres au moins de façon intuitive je dirais, d’une façon fort courante car c’est une situation qui n’a évidemment rien d’exceptionnel lorsque nous voyons dans un couple que c’est lui je dirais, qui soit, est chargé de porter les couleurs qui sont les marques là, les supports de la séduction, ou bien encore que c’est lui qui est marqué, qui a les stigmates de la plus grande faiblesse et qui appelle donc je dirais au secours les témoignages d’amour et que sa situation (…) il est bien évident comme nous le savons que cette tentative, ce dévouement réciproque ne trouve pas là moins je dirais, sa tranquillité son repos son harmonie, ça nous le savons pas moins, puisqu’ il sera fréquent dans ces cas, je dirais, que finalement alors que l’hystérique mâle aura l’impression désagréable de devoir tout faire à la maison, il doit faire l’homme, il doit aussi faire la femme ce qui est évidemment pas mal de chose à faire, et bien je dirais, le reproche exercé à l’endroit de sa compagne je dirais que finalement malgré son dévouement, malgré son sacrifice, elle reste fondamentalement une incapable. Elle reste fondamentalement celle qui finalement n’a rien compris et qui je dirais est la cause de ce qui subsiste d’insatisfaction dans leur couple alors que de son coté il aura vraiment tout fait c’est le cas de le dire, pour que ça puisse marcher.

Alors vous direz, il y a là un point qu’on peut très rapidement survoler c’est celui de son rapport à l’homosexualité. Et bien justement ce n’est pas du tout un rapport évident dans la mesure où ce qui est investi, je dirais, dans sa virilité ce n’est pas du tout l’objet phallique en tant que tel. L’investissement ne porte pas éminemment sur le représentant phallique sur l’organe pénien, mais sur cet objet mystérieux cause du désir, sur ce fameux objet petit a, ou bien sûr la marque phallique mais en tant que ce phallus fait défaut.

Donc s’il y a bien entendu chez l’hystérique mâle une préoccupation ou des craintes homosexuelles et bien elles ont néanmoins du même coup une organisation qui est essentiellement différente et en général d’ailleurs pourquoi ne pas le dire, l’hystérique mâle est parfaitement hostile au machisme ça lui plaît pas du tout, ce n’est pas du tout ce qui lui paraît correct. A cet endroit, il conviendrait de vous faire remarquer ceci, je crois, c’est que l’expression somatique, ce que nous appelons la conversion, est en dernier ressort un fait tout de même qui si vous reprenez ce signifiant qui est donc celui de Freud la manière dont il le justifie par sa première métapsychologie et bien que cette conversion somatique, conversion entre guillemets, est complètement mystérieuse.

Comment après tout est-ce que vous expliquez, vous rendez compte de ceci c’est qu’il y a dans (…) l’expression somatique des symptômes et pas du tout je dirais aussi clair. Si je devais là-dessus puisque ça concerne l’hystérique mâle, si je devais là-dessus avancer une proposition, elle serait la suivante : c’est que dès lors que vous vous tenez au lieu de l’Autre vous fonctionnez à partir de ce moment-là dans un champ qui se spécifie du fait que les signifiants n’y ont pas de prise sur le réel puisque où que vous alliez il est toujours plus loin, il est toujours (…) autrement dit vous rencontrez pas dans ce champ de l’Autre le type d’obstacle le type de butée le type d’arrêt le type d’impossible actuel qui nous permettent l’action, ce que je veux dire et que je regrette que ça ne puisse être formulé de façon si rapide je crois que ça se prêtera sans doute à quelques reprises et à des réflexions plus développées, c’est qu’à partir du moment où vous trouvez en ce lieu, du champ de l’Autre, la question de la motricité est en suspend, je veux dire celui de ce qui serait la capacité le talent l’habileté de ladite motricité qu’aussi le fait (…) ne pouvait que générer une sorte de dysfonctionnement spontané que si les femmes témoignent en général d’une telle adresse et en particulier en ce qui concerne la mobilité de leur corps c’est que justement elles ont là à surmonter cette sorte de handicap premier fait de (…) au fait de se tenir à cette menace. Ceci ne vaut que pour dire qu’à partir de cet instant témoigner d’une dysfonction somatique d’un symptôme frappant la motricité et du même coup faire référence à l’instance phallique en tant qu’en ce lieu elle fait défaut c’est à dire comme si le symptôme hystérique était l’équivalent d’une érection négative, c’est assez bizarre de le formuler ainsi sauf que les vieux cliniciens, Charcot avait parfaitement pointé le caractère étrangement érotique parfois de façon manifeste explicite même des symptômes moteurs par défaut apparemment quelconque le caractère érotique de cette étiologie motrice.

En tout cas et avant qu’éventuellement vous-même ou à l’occasion d’autres rencontres vous proposiez là-dessus sur cette question, expression somatique des symptômes hystériques, qui s’appelle la conversion et je dis bien à partir de ce que Freud en a dit, c’est à dire, je ne vais pas reprendre ici ses études sur l’hystérie, mais absolument (…) je serai tout à fait ravi n’est-ce pas que vous-même ayez là-dessus des propositions qui relancent ou qui enrichissent ce questionnement. En ce qui me concerne, j’ai pu en avoir une illustration, je dirais, qui m’a parue saisissante à l’occasion de troubles moteurs que présentait un gars que j’ai vu il y a bien longtemps, que présentait celui qui à l’époque était un éminent concertiste et qui était donc venu me voir pour une crampe du pianiste ce qui était pour lui fort gênant puisqu’il ne pouvait plus sur la scène qu’interpréter les pièces pour la main gauche alors qu’il n’y en a pas tellement. Et ce symptôme était apparu chez ce garçon qui était jusque là un bon père de famille très soucieux dans son ménage ayant aussi des enfants, un garçon parfait, était apparu à l’occasion de l’imprévu d’une liaison tumultueuse avec une musicienne non moins émérite et où dans leur liaison à l’évidence il était amené pour la retenir pour la (…) à occuper, à déménager dans ce lieu de l’Autre, tenir pour elle la place de l’objet, d’être le représentant de l’objet capable de la séduire et il n’y avait dans l’évolution de son symptôme avec moi dont il a au bout d’un moment parfaitement pris conscience c’était que selon ses déplacements c’est à dire selon qu’il occupait ce qui était sa place c’est à dire banale traditionnelle qu’il tenait en tant que père, chef de famille honorant la lignée qui l’avait précédé, ce symptôme disparaissait et puis dès qu’il se mettait à voyager de l’autre coté pour retenir cette femme et bien son handicap permettait du même coup je dirais à cette femme de se faire valoir encore bien plus sur les scènes où elle était amenée à se produire, et dans la compétition implicite qu’ils avaient entre eux, elle était là tout à fait gagnante. Alors on dira oui bien c’est de la culpabilité, il se punit lui même etc. En réalité lorsqu’il revenait dans son foyer d’origine il ne restait pas moins attaché à cette personne. Il y a de fait qu’elle ne tenait à lui qu’à ce prix qu’à cette condition et je dirais, ce symptôme ainsi de l’hystérie à ressort était évidemment remarquable à la fois par sa netteté et je dirais par sa simplicité. Ah oui mais pourquoi est-ce que du même coup justement il ne surmontait pas son handicap une fois qu’il était au lieu, dans le champ de l’Autre etc. etc. Je ne suis pas en mesure de répondre à une telle question, mais tout ce que je peux dire c’est qu’en tout cas lorsqu’il avait appris la musique, il avait appris à jouer, il avait appris son art, il était à une place bien précise et puis (…)

Pour proposer une dernière remarque concernant l’hystérie masculine, je voudrais dire combien j’ai apprécié que nos amis qui ont organisé cette forte intéressante journée l’aient fait justement dans ce lieu, parce que pour parler de l’hystérie je trouve que cette scène, cet éclairage, le rideau derrière, c’est vraiment, c’est très gentil, c’est très bien trouvé, n’est-ce pas, je crois qu’on ne peut pas faire mieux.

Il faudrait que je vous pose la question de ce que c’est que la théâtralité dans l’hystérie. Et là encore je ne suis pas certain que votre réponse serait si facile, si aisée, pourquoi y a-t-il dans cette névrose, pourquoi y a-t-il cette inclination à se présenter comme si on était toujours sur une scène, c’est à dire dans un souci qui vient plus de représentation que de présentation. S’il devait y avoir une réponse que je puisse vous proposer, ce serait la suivante ; c’est que justement dans le lieu de l’Autre, il n’y a pas dans ce lieu de point à l’infini qui vienne organiser la perspective qui vienne donc faire scène et qui vienne donc permettre la présentation. Et si vous vous baladez, parce qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre et que donc il n’y a pas dans le champ de l’Autre ce point de fuite, qui viendrait organiser le domaine de la présentation. Et si vous vous baladez dans un espace plat et où manque ce point de fuite, vous êtes contraint d’avoir sans cesse à le recréer c’est à dire à faire sans cesse par la représentation que vous donnez comme si il y avait là un regard qui était à contenter et à se réjouir éventuellement de la scène. C’est en tout cas, pour le moment, et l’occasion de m’aider puisque là-dessus vous pouvez vous-même apporter peut-être sur la question de la théâtralité de l’hystérie, c’est en tout cas ce que j’avance, je propose à votre réflexion.

Enfin, et ce sera le dernier point, et qui sera donc la question chez l’homme des névroses traumatiques. Car il est bien clair que jusque là je n’en ai pas dit un mot alors que ce thème a été fort bien abordé par notre ami AF en diverses circonstances et en particulier dans ces ouvrages. Il a été signalé que cette névrose traumatique cette hystérie post-traumatique survenait volontiers chez l’homme viril jusque-là courageux impeccable, c’est ce qui se passe très souvent dans les armées, les scènes militaires, tous ceux d’entre vous qui avez fait une période militaire le savent, c’est ce qui manque pas de surprendre (…) qui était jusque-là était absolument, était plutôt têtu et le parfait je dirais, de la (…) du titre et puis il arrive quelque chose, il prend une grenade qui pète malencontreusement à une extrémité, n’importe quoi, bing, on a brusquement affaire à un individu qui devient irrécupérable, souffre (…) est très gênant (…) souci. Ils se tournent évidemment les militaires vers les médecins. Alors premièrement est-ce qu’il est malade ou pas de cette assimilation de cette chose et deuxièmement qu’est-ce que vous faites pour le faire revenir normal, sur pied. Et bien ce que là aussi j’aurais envie de proposer c’est que ce qui se passe pour ces gaillards qui jusque-là seraient remplis de parfait narcissisme, c’est que pour des raisons que nous ne comprenons pas très bien, cet accident est perçu comme je dirais, soit le fait d’avoir été châtré soit comme le fait de devoir évacuer la place qu’ils occupaient jusque-là. C’est à dire qu’une portée symbolique étrange est donnée par une sorte d’avertissement une sorte de, qui leur est ainsi envoyé, et qui faisait qu’ils devaient évacuer ce champ et à partir du moment où ils viennent occuper le champ de l’Autre, et bien alors ils se trouvent exposés à ce que nous savons être une organisation centrée par la répétition onirique symptomatique du traumatisme c’est à dire de cet événement castrateur châtreur, comme s’il était devenu, cet événement, leur nouvelle origine, leur nouveau lieu de naissance, modalité de naissance. En tout cas c’est ce que je vous propose là-dessus si rapidement vous paraît un peu obscur, j’avancerais que c’est le déplacement, le changement de lieu qui vient là faire du traumatisme, c’est à dire d’une opération de castration qui ne donnerait pas accès à la sexualité, à la position sexuelle à l’identité sexuelle et bien qui donnerait au traumatisme cette singulière importance qui est prévalante.

Voilà à propos de l’hystérie masculine les quelques points que très rapidement comme vous le voyez, je voulais proposer à votre réflexion et avec l’idée que votre travail là-dessus, à ce sujet, votre travail sur ce thème ne peut qu’être poursuivi aussi bien à partir de ce que vous avez bien voulu apporter qu’à partir des (…) que peuvent nous donner ces cas dans notre difficile exercice. Merci de votre attention.

Question : Je voudrais poser une question sur, plutôt de l’histoire, dans le champ Autre, le sujet (…) Est ce que il ne faut pas considérer qu’il ne s’inscrit pas d’emblée dans le champ Autre, mais que c’est l’effet d’une migration secondaire parce que dans ce champ Autre il est tout de même vectorisé par la question phallique, le champ Autre est un champ complémentaire du champ phallique. Est-ce que ce n’est pas le fait que dans ce champ, c’est une sorte d’imposteur une sorte de fragilité qu’il incarne, la référence (…)

Réponse Charles Melman : C’est moins de l’imposture, Bernard, qu’un choix éthique, autrement dit, pourquoi commander par la brutalité ce qui est quand même vulgaire, alors qu’on peut si bien commander soit par la séduction, soit par le défaut. Donc ce n’est plus n’est-ce pas, s’il y a migration comme je l’ai évoqué, je dirais que c’est ce type de choix qui l’organise. Alors est-ce qu’il a d’abord été, en tout cas ce qui est certain c’est qu’il a été appelé à une certaine place et que pour des raisons qui peuvent tenir à ce que l’on voudra et peut-être aussi je dirais, au souci de sauver la femme aussi bien de sauver la mère, n’est-ce pas, se dévouer pour une mère, quelles que soient les satisfactions que par ailleurs (…) mais en tout cas s’il y a migration, vous avez raison, c’est pour ce genre de motif.

Question : En ce qui me concerne j’ai envie de soumettre cette proposition, est-ce que cette tentative de l’hystérique dans ce champ Autre ne consiste pas à tenter, à essayer de le faire parler, le phallus, précisément en un lieu où il ne peut pas parler, ce qui pourrait expliquer à la fois conversion, enfin je vais vite en disant cela (…)

Réponse Charles Melman : Oui bien sûr.

(…)

Réponse Charles Melman : la place de l’analyste (…), l’un des problèmes sensibles, (…) c’est que, en tant qu’analyste vous ne pouvez prendre appui (…) autrement dit vous vous trouvez réduit à ne pouvoir faire valoir une quelconque position de direction que de la position de la séduction ou celle de la radicale insuffisance, n’est-ce pas, de l’appel à l’amour. Et Lacan écrivait bien ceci c’est que cela introduisait du même coup dans l’enseignement un défaut radical dans la mesure où l’enseignement, tout enseignement, implique je dirais la dimension maîtresse du signifiant, de le reconnaître et si vous êtes sans cesse dans une position (…) faire escamoter éviter et bien du même coup il y a un pan entier de la possibilité de l’enseignement c’est à dire de l’autorité qui ne se réclame de rien que du signifiant lui-même qui vient faire défaut. Alors il évoquait cela, n’est-ce pas au passage à propos du maître zen, celui qui donne des coups de bâton n’est-ce pas, etc., et c’est assurément un point qui continue de masquer les difficultés de l’enseignement actuel, ça continue, c’est un problème qui n’est pas du tout résolu à cet égard et ce que je sais c’est par exemple la nostalgie de Lacan, son regret de ne pas avoir essayé d’exercer son influence par d’autres voies que celles qu’il avait prises c’est à dire par le biais de la philosophie où là le signifiant maître fonctionne à plein et avec des conséquences massives. Il ne faut pas oublier que toutes nos plus grandes aventures politiques depuis la fin du dix-huitième siècle sont entièrement organisées autour de l’influence du signifiant maître et donc si (…) Qu’est ce que voulez qu’il fasse ?

Question : Est ce que ça voudrait dire qu’une parole qui s’autoriserait que d’elle-même serait au regard de la structure une utopie, qui ne s’autoriserait pas du signifiant maître ?

Réponse Charles Melman : Une parole qui ne s’autorise que d’elle-même est à entendre comme ceci, qu’elle ne se réfère pas à une autorité dans le champ de l’Autre. Il n’y a pas dans (…) C’est à dire nous avons cessé de faire référence dans nos propos à un certain nombre d’autorité. Une parole qui ne s’autoriserait que d’elle-même, il suffit qu’il n’y ait pas d’autre référent que notre propre énonciation mais elle ne peut prendre effet d’autorité que si le caractère-même des signifiants que vous avancez est établi est reconnu comme tel, autrement ça reste une parole vaine, elle ne peut s’autoriser que d’elle-même mais rester une parole vaine si les signifiants que vous proposer ne sont pas (…)

Question : Une question qui n’a rien à voir, pouvez vous développer le statut du regard.

Réponse Charles Melman : Le statut du regard dans la mesure où comment dirais-je si vous vous tenez dans un lieu où vous n’êtes pas reconnu (…) où il n’y a rien qui fasse reconnaissance et bien je vous ai naturellement (…) à chercher à ouvrir un regard quelque part, à faire qu’une paupière je dirais baissée condescende à s’ouvrir pour admirer le numéro que vous êtes en train de produire et du même coup vous accordez une reconnaissance au (…) passage (…) au (…) et c’est le pourquoi dans ce cas(…) d’hystérie il y a cette provocation n’est-ce pas à ce qu’il y ait au moins au lieu de l’Autre un regard qui soit assez excité, assez titillé assez allumé n’est-ce pas pour condescendre à s’ouvrir . C’est une espèce d’appel, de forçage un véritable travail d’acteur pour faire que cette admission n’est-ce pas soit effective. Quitte à ce qu’il y ait comme on sait d’ailleurs chez les acteurs qui sont exposés à cela dans le réel, cette espèce de dépression qui suit la chute du rideau, n’est-ce pas, c’est à dire le moment où justement la paupière, le rideau se baisse et le sentiment qu’ils ne vivent en réalité que sur la scène n’est-ce pas. Et ce qu’il y a entre les représentations c’est l’entracte ; la vraie vie en quelque sorte elle est sur la scène.

Question :(…) Le problème essentiel dont on parlait c’est la castration. Comment se présente la castration il y avait une position lorsque si j’ai bien compris chez l’hystérique, tu as avancé, cette position (…) Une sorte de refoulé. Alors je me suis posé la question lorsque tu as parlé de la scène de l’hystérique sur scène cette scène bien sûr change et garde toujours la même position et les mêmes répétitions. Est-ce que l’hystérique ne cherche pas à y trouver la limite et à chaque fois qu’il accomplit cette opération il y a un échec qui fait qu’il doit toujours solliciter et recommencer et répéter ainsi de suite.

Réponse Charles Melman : Tu as tout à fait raison et je le reprendrais de la façon suivante, c’est à dire chaque fois que l’hystérique se présente justement dans ce lieu de l’ Autre comme dans le cas où il se présente dans ce lieu de l’Autre comme totalité, c’est à dire fascinant par le fait que justement il ne lui manque rien, c’est à dire dans la mesure où il se présente comme toute, et bien je dirais que systématiquement il va chercher le « pas », n’est-ce pas et d’une façon ou d’une autre il trouvera le moyen de le produire, soit par exemple en prenant la fuite au moment où sa séduction est parvenue à ses fins, ça c’est une issue assez banale, le fait qu’il foute le camp au moment où justement la totalité demanderait à s’accomplir, mais que en tout cas ce qui l’intéresse c’est à la fois de donner l’illusion d’une totalité et puis en même temps dans la relation de susciter ce type de défaut ce type d’arrêt ce type d’impossible complètement artificiel au moment de fixer un rendez-vous il constatera sur son agenda qu’il n’y a plus de place pour fixer un rendez-vous. Donc je dirais que le pas-toute pour rester dans un usage simple de ce que Lacan nous a amené, me semble-t-il se décompose assez bien, dans le registre là de la conduite donc aussi d’une certaine façon une recherche de la castration.

Question : Encore une question, juste une toute petite remarque, Lacan nous rappelle que le lieu de l’Autre c’est quand même le corps.

Réponse Charles Melman : OUI

Question Jean-Jacques Tysler : Moi c’est par rapport au point donc à l’infini. Actuellement la robotique à savoir ce qui se passe actuellement dans ce fantasme du cyborg à savoir que maintenant le corps va être en complément avec la machine, on est là dans des fantasmes qui sont complètement, d’ailleurs pas des fantasmes puisque c’est déjà en quelque sorte à l’œuvre dans la pensée de certains, c’est à dire que dans le corps humain sa représentation serait intégrée par la machine que certains appelle «artileg», donc nomment déjà ils mettent déjà en circulation des signifiants qui complémentent la présentation du corps. Je trouve que pour penser maintenant la conversion, le point à l’infini est repoussé effectivement donc à l’infini. Et je crois que là on rentre dans un débat très contemporain et qui oblige à une réflexion à la fois là précisément avant la structure à l’infini, à quel type d’infini.

 

Dr. Charles Melman : Aimez-vous la vérité?

Retrouvez-ci-dessous l’enregistrement de la conférence de Charles Melman : « Aimez-vous la vérité ?», le 10 OCTOBRE 2015  à STE TULLE-04

« L’histoire de la science nous  montre que son progrès a régulièrement du lutter contre l’ignorance établie. Est-ce donc que nous cherchons à nous protéger contre la vérité? Et quelle serait la vérité qu’aujourd’hui nous chercherions à éviter? Voilà donc quelques termes : science, ignorance, vérité, que nous pourrions mettre ensemble à l’étude. » Charles Melman.

 

 

Retour sur le séminaire d’été A.L.I. – août 2015

Nous vous invitons à écouter les enregistrements audio de quelques-unes des interventions du

Séminaire d’été de l’A.L.I – août 2015 :

Etude du séminaire XXIV de J. Lacan

l’insu que sait de l’une bévue s’aile à mourre

  • Jean Brini: Quatresse et noeuds de tétraèdres; leçon V

(figures pour les retournements du tore)

https://youtu.be/dSbPKWWU3vs

 

  • Jean-Jacques Tyszler: Identification et fantasme

 

  • Jean-Louis Chassaing: Le jeu de la mourre

 

  • Alain Didier-Weill: Les trois surmois

 

  • Charles Melman: Conclusion du séminaire

 

étude-du-séminaire-verso